Les "pourquoi" du golf. Objet unique parfaitement reconnaissable, également classique pour tous les cruciverbistes, le tee est l’un des symboles du jeu de golf. Pourtant, il n’est apparu qu’en cours de route… et a même dû être breveté.
Si vous n’avez encore jamais tenté votre chance au jeu de golf, vous connaissez quand même le tee. Soit parce que vous l’avez vu sur des photos ou des affiches en train de soutenir une balle blanche alvéolée, soit parce qu’un de vos amis golfeurs en a sorti un de sa poche en pleine conversation (cela nous arrive, sans aucune raison, ou pour essayer de caler une porte), soit même parce que « socle de golfeur » en trois lettres n’appelait que cela comme réponse dans votre grille de mots croisés (pratique, ce mot avec deux « e » consécutifs). Mais dans le cas où vos connaissances s’arrêteraient là, il vous manque peut-être la réponse à cette simple question : à quoi ce petit promontoire, généralement en bois (c’est mieux pour la nature), peut bien servir ?
L’idée de surélever la balle est purement mécanique. En la mettant en surplomb du sol, à une hauteur qui varie selon le club choisi et le goût du joueur, on améliore la qualité du contact entre le club et la balle. À la clé, prioritairement : un gain en distance. Ceci est particulièrement vrai avec les bois (les clubs dont la tête est en forme de demi-lune), qu’il est recommandé de jouer en prenant la balle plutôt dans le début de la phase remontante du swing. Généralement, la balle aura sa hauteur maximum sur le tee lors de l’utilisation du driver, autrement dit le bois avec la plus grosse tête, et destiné à envoyer la balle le plus loin. Mais là encore, chacun fait à sa guise. Le contre-exemple le plus célèbre a été fourni pendant un bon nombre d’années par Dame Laura Davies, joueuse anglaise, qui se servait d’un fer pour créer une petite motte d’herbe sur le départ, y posait sa balle et la giflait au driver ensuite. Méthode efficace sans doute pour bien jouer au golf (quatre Majeurs remportés dans sa carrière), beaucoup moins pour entrer dans les petits papiers du green-keeper. Au moins, elle aura illustré un point de règles : l'usage du tee n'est jamais obligatoire.
À cette question parfois posée par leurs amis profanes, les golfeurs répondent, étourdis d’évidence : « Uniquement sur le départ, évidemment ! ». Et en effet, poser une balle sur le tee n’est autorisé que sur la zone de départ, autrement dit entre les deux repères de départ, dans l’espace de deux clubs en arrière par rapport à la direction du jeu. Sauf que certains, ignorant une subtilité des règles de golf, vous diront que cela ne concerne que le premier coup. Ce qui n’est pas exact.
Imaginez cette situation : vous tapez votre premier coup, vous le ratez (on a bien dit « imaginez »), votre balle part rasante, tape dans un rocher qui affleure une vingtaine de mètres devant le départ, y rebondit, et revient se poser dans l’aire de départ depuis laquelle vous avez joué votre coup (entre les deux repères, à deux clubs ou moins en arrière). Vous allez donc jouer votre deuxième coup depuis cet endroit, et la question est la suivante : devez-vous jouer la balle au sol, comme elle repose ? La réponse est non : vous pouvez la relever, la replanter sur un tee où bon vous semble dans votre zone de départ (à la condition que ce soit bien celle depuis laquelle vous avez commencé votre trou, et pas une autre), le tout sans aucune pénalité, et jouer votre deuxième coup. Autre cas : si vous faites tomber votre balle du tee accidentellement, autrement dit sans intention de jouer un coup, y compris en la touchant avec votre club, vous pouvez la relever et la replacer sur le tee, puis jouer votre premier coup. Toutes ces dispositions figurent à la règle 6, alinéas 1 et 2 des règles du jeu de golf. Lecture courte et passionnante.
Pour approfondir
Les règles du jeu de golf, édition 2023Les règles, justement, sont la seule limitation. Car votre ami profane (encore lui, quelle saine curiosité…) vous demandera sans doute : et pourquoi on n’utilise pas de tee ailleurs ? Et la seule réponse est celle-ci : parce que les règles de golf l’interdisent. Le tee du départ n’est finalement qu’une exception dans un jeu où il est stipulé ce principe général dès les premières pages du livre des règles : jouer la balle comme elle repose.
Votre ami sainement curieux ne va pas changer de sujet de conversation avant un baroud d’honneur, et donc vous demander une dernière chose : « Comment ça se fait qu’on appelle ça un tee ? ». Si vous avez l’instinct de lui dire que la forme du socle fait penser à la lettre T, et que, par homophonie, les Anglo-Saxons l’ont baptisé comme ça, l’histoire est efficace… mais elle est fausse.
Retour dans les temps anciens du golf, au XVIIIe puis au XIXe siècle, en Écosse. Les règles du jeu exigent alors de prendre le départ du trou suivant en se plaçant à une longueur de club maximum du trou précédent. La marge est passée au fur et à mesure du temps à deux puis quatre clubs, mais dans tous les cas, il n’était pas question d’aire réservée pour les coups de départs, notion qui n'est apparue qu'aux environs de 1875. En revanche, il était déjà question de tee. Un terme qu’on soupçonne, sans en être certain, de provenir du vieil écossais « teaz », qui désignait une petite forme conique. L’usage était alors de surélever la balle sur une petite motte de sable humide, que les caddies n’hésitaient pas à prélever… directement dans le trou que leur joueur venait de terminer. Devant le problème évident causé par cette ponction, la plupart des golfs ont entrepris de disposer de petites boîtes pleines de sable. Ainsi naissait le terme de « tee box », qui désigne aujourd’hui, dans les pays anglophones, la zone de départ.
Mais même avec le sable à disposition, se salir les doigts à constituer une petite motte 18 fois par partie a fini par être lassant. Des deux côtés de l’Atlantique, des inventeurs se sont penchés sur la question. En Grande-Bretagne, en 1889, un premier brevet était déposé par William Bloxsom et Arthur Douglas, pour un tee reposant simplement sur le sol et portant la balle. Trois ans plus tard, l’Anglais Percy Ellis (bien nommé pour la circonstance) brevetait le premier tee perçant le sol.
Aux États-Unis, en 1899, un dentiste et par ailleurs golfeur, le Dr George Grant, mit au point et breveta le premier tee en bois, perçant le sol lui aussi. Pour la petite histoire, il allait plus tard devenir le premier Afro-Américain à enseigner à Harvard. Mais il garda son invention uniquement pour son usage personnel.
Il fallut attendre l’intervention d’un autre dentiste américain, William Lowell, dans les années 1920, pour assister à la première véritable démocratisation du produit. Ce promontoire, fait d’une pièce de bois pointue à un bout et en forme de creuset à l’autre, s’est popularisé sous le nom de « Reddy tee », et n’est ni plus ni moins que le tee utilisé couramment aujourd’hui.