C’est la phrase préférée de ceux qui ne jouent pas au golf et sautent sur une occasion de diminuer les mérites de leurs copains golfeurs : « Le golf, c’est pas un sport ». Bien sûr, ils font erreur, mais que leur dire pour se donner les meilleures chances de les détromper ?
Il serait très intéressant de savoir si, sur cette planète, existent des gens jouant au golf, et qui jamais ne se sont, a minima, fait titiller sur le fait que leur jeu préféré ne serait pas un sport. Honnêtement, présenté ainsi, ça fait grosse cote. Il faut bien faire preuve d’un peu de compréhension envers les non-pratiquants : un jeu où jamais l’on ne court (en principe…), ne saute (quoique…), ne s’essouffle (genre…), ne dépense d’énergie en grande quantité (croient-ils…), où l’on peut jouer jusqu’à un âge bien plus avancé que dans d’autres disciplines (ça, pour le coup, c’est vrai…) offre une façade extérieure qui rend concevable le fait qu’on puisse se poser la question. Un peu moins le fait d’y apporter une réponse péremptoire sans s’y être essayé, mais on va y revenir.
Que dire, donc, lorsque, ton très assuré, sourire moqueur et certitude d’avoir l’évidence pour soi, quelqu’un vous affirme : « Le golf, c’est pas un sport » ? Première porte d’entrée : le concert du sport mondial. Comme d’autres disciplines, le jeu de golf est régi par des instances nationales et internationales, ces dernières ayant la charge d’édicter des règles du jeu que chacun est tenu de respecter en compétition. Les différences entre professionnels et amateurs sont clairement définies, et l’accès aux circuits professionnels se fait sur la base des performances.
Un argument réflexe souvent brandi par les golfeurs depuis une dizaine d’année est de signaler, dans pareil cas, la présence du golf au programme des Jeux olympiques d’été. Ce qui est certes une opportunité formidable pour la discipline, mais en face, l’interlocuteur coriace pourra toujours dire que le Comité international olympique (CIO) tente simplement d’élargir son audience. Que dira-t-il, alors, si vous lui dites plutôt que la Fédération internationale de golf (IGF) est signataire du Code mondial antidopage, édicté par l’Agence mondiale antidopage, organisation peu soupçonnable d’ambitions mercantiles ? Les différentes agences antidopage sont habilitées à pratiquer des contrôles parmi les joueurs et joueuses de haut niveau, selon des règles très strictes. Suggestion, donc, lorsqu’un profane vous affirme que le golf n’est pas un sport, mettez-le face à cette contradiction : « Si ce n’est pas un sport, pourquoi met-il des moyens dans une politique antidopage ? »
Rafael Nadal, lors de l'Open d'Australie de tennis 2022, évoquant les mois précédents où il était éloigné des courts pour cause de blessure.
Généralement, ceux qui vous affirment que le golf n’est pas un sport avanceront le fait que dans des disciplines comme le tennis, le football, le rugby ou autres, l’effort physique est intense, et la dépense physique en conséquence. Alors que le golf, en quoi ça consiste, physiquement parlant, à part marcher à un train de sénateur ? Justement, pas à ça. Car déjà, concernant le train de sénateur, les consignes données aux joueurs indiquent plutôt de marcher en menant bon train entre les coups. Non seulement pour ne pas bouchonner les autres sur le parcours, mais aussi pour garder une bonne disponibilité physique et cardiaque au moment du swing. Ne pas se refroidir, en somme.
Par ailleurs, du fait de la nature du jeu, les distances grimpent vite. Pour un 18 trous, comptez entre 8 et 12 km couverts à pied, soit un peu plus de 10 000 pas, en 4 heures environ. On estime que la dépense énergétique associée est de l’ordre de 1600 calories, sachant que si vous avez le bonheur de pouvoir pratiquer sans aucune aide mécanique, il faut faire tout ça en promenant plusieurs kilos de matériel. Donc, nouveau conseil sur ce qu’il faut dire à votre ami qui pense que le golf n’est pas un sport : proposez-lui de venir un jour vous caddeyer en compétition, par 30° C à l’ombre pendant quatre heures, et interdiction d’utiliser un chariot, port du sac obligatoire. Par chance, si vous jouez sur un parcours vallonné, votre caddie du jour pourra même découvrir que l’on peut être essoufflé au golf.
Michael Jordan, six fois champion NBA, considéré comme le plus grand basketteur de l'histoire.
Pratiquer une activité physique régulière, lutter contre les méfaits de la sédentarité, autant d’injonctions présentes (à juste titre) dans notre quotidien. Bonne nouvelle : le golf fait partie des disciplines permettant de les mettre en application. Et les effets positifs sur la santé, physique comme mentale, sont clairement mesurés. Une étude suédoise publiée en 2009 établit une diminution de 40 % des risques de mortalité précoce parmi les golfeurs. Plus récemment, en 2023, une large étude menée par la commission médicale de la Fédération française de golf et l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie (Irmes) a mis en évidence le fait que, comparativement à la population générale française, celle des golfeurs a une pression artérielle plus basse, compte moins de cas d’obésité, de diabète, et trois fois moins de fumeurs.
Par ailleurs, même en l’absence d’effort violent, le swing de golf permet de solliciter un grand nombre de muscles du corps : dans les épaules et les bras pour le balancier, dans le dos pour la rotation, dans l’abdomen et dans les jambes pour le gainage et l’équilibre. La pratique au cours des années permet de mieux maintenir des qualités de force, de souplesse et d’équilibre. Quel défi proposer, alors, à votre ami narquois ? Peut-être de faire un plein swing de golf en gardant bien ses deux pieds par terre, pour commencer…
Certains mordus de la croyance que le golf n’est pas un sport ont, bien évidemment, fait valoir leur opinion sur des réseaux sociaux. Ainsi r/unpopularopinion, utilisateur bien nommé de la plate-forme Reddit, publiait-il il y a deux ans un plaidoyer dans lequel l’un de ses arguments était le suivant : une activité que l’on peut pratiquer en « buvant de la bière et en mangeant des nachos » est par définition hors du cercle des sports. Argument qui est un parfait point de départ pour démontrer… l’exact contraire de ce que défend l’utilisateur en question.
Après tout oui, on peut manger et boire de manière peu saine en jouant au golf. Tout comme on peut faire des squats dans ses escaliers en faisant le fond du paquet de chips. Ou courir aussi régulièrement que l’on fume. Bref, on peut pratiquer n’importe quelle activité sportive et adopter à côté des habitudes qui ne paraissent pas compatibles. Et que va-t-il se passer ? Le niveau va mécaniquement en prendre un coup.
Au golf, c’est pareil. La méforme physique finit forcément par avoir des conséquences si vous faites de la compétition : fatigue en fin de partie, difficulté à enchaîner les tours, ou les coups de qualité, manque de lucidité sur certains choix stratégiques. Qui a l’ambition d’améliorer sensiblement son niveau n’a pas le choix : une meilleure préparation physique et un entraînement technique plus poussé sont les ingrédients indispensables. Aujourd’hui, les joueurs et joueuses de golf de haut niveau suivent tous un programme de préparation physique, prêtent une attention soutenue à leur alimentation et à leur sommeil. Non pas pour donner une bonne image de la discipline, mais parce que ce sont les exigences du haut niveau, que Tiger Woods avait grandement contribué à redéfinir il y a environ un quart de siècle.
Tiger Woods
Comment ? Après tout cela, votre ami n’est toujours pas convaincu que le golf est un sport ? À ce moment-là, orientez-le simplement vers la définition donné du mot "sport" par le Grand Larousse illustré 2020 : « Ensemble des exercices physiques se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, pouvant donner lieu à compétition et pratiqué en observant certaines règles. » Pas un mot à changer, tout convient à l’univers de la petite balle blanche. L’ami peut bien tenter une dernière charge, disant que le golf tient peut-être plus du passe-temps que du sport. Il aurait dû lire la section étymologie : "sport" vient du vieux français "disport", qui voulait dire… passe-temps.