À deux ans de son centenaire, le trophée Gounouilhou est revenu cette année en Gironde, là où sa prestigieuse histoire a commencé.
Dans son édition du 7 mars 1926, le quotidien Le Figaro fait part en ces termes de la naissance du Championnat de France messieurs par équipes : « L'Union des golfs de France fera jouer cette année, pour la première fois, une épreuve interrégionale interclubs dotée d'une coupe-challenge par M. Gounouilhou. » Alors que des championnats amateurs internationaux existent depuis longtemps dans l'Hexagone - le simple masculin (coupe Gordon Bennett) depuis 1904, le simple féminin (coupe Allen Stoneham) depuis 1909 - les épreuves en double et par équipes voient le jour dans les années 1920, afin de répondre à la demande croissante de nouvelles compétitions dans un sport de plus en plus pratiqué aux quatre coins du pays. Le championnat de foursome messieurs (coupe Royal Blackheath) est ainsi créé en 1924, le foursome mixte (coupe René Thion de la Chaume) deux ans plus tard, et le foursome féminin (trophée Saint-Germain) en 1930.
Dans ce même élan de développement sportif, l'Union des golfs de France - l'ancêtre de la Fédération française de golf - crée donc les premières compétitions par équipe, pour les messieurs en 1926 et pour les dames en 1929. Respectivement dotés des trophées Gounouilhou et Golfers' Club, ces deux épreuves n'ont cessé d'accroître leur prestige au fil des décennies, jusqu'à représenter un Graal golfique pour les participants, clubs et joueurs.
Bordeaux, berceau de la Gounouilhou
L'idée présidant à la création de cette compétition n'est pourtant pas à mettre au crédit de l'Union des golfs de France, comme le relate le quotidien régional La Petite Gironde dans son édition du 31 juillet 1926 : « C'est à l'initiative du président du Golf Bordelais, M. A. de Luze, qu'est dûe la création de ce Championnat de France par équipes. [...] Avec les progrès extraordinairement rapides du jeu en France, il était particulièrement utile que les bons joueurs des différentes régions se mesurassent entre eux, en dehors des Championnats individuels, sur différents terrains, avec un esprit de Club et d'équipe qui ne manquerait pas de stimuler la plus féconde émulation. »
Soumise au comité sportif de l'UGF par Albert de Luze, le fondateur du Golf Bordelais en 1900 et son premier dirigeant jusqu'en 1934, l'idée se heurte dans un premier temps à une certaine résistance de la part des édiles parisiens : « Il était facile de reconnaître, à ces ambages, la jalouse défiance où, en matière de sport, il serait peu traditionnel que la capitale ne tint pas la province », s'énerve l'auteur de l'article en question ! « Mais le président du Golf Bordelais, appuyé par le duc de Mouchy, président de l'Union, réussit à faire prévaloir son opinion, et dès qu'elle fut mise sur pied, l'épreuve inter-Clubs de France fut unanimement approuvée. » Ouf !
« M. Marcel Gounouilhou, l'aimable donateur de la coupe »
À toute compétition, il faut son trophée. À l'époque, il est de coutume que la coupe récompensant le vainqueur soit offerte par un mécène bienfaiteur des sports, à l'image de la coupe Wanamaker qui dote le PGA Championship. Plusieurs articles de presse de l'époque (celui, déjà cité, de La Petite Gironde ; mais aussi Le Gaulois du 9 décembre 1926 et Le Golf du 17 janvier 1927) attestent que celui de l'épreuve inter-clubs de France fut offert par Marcel Gounouilhou. « Le directeur de la "Petite Gironde", toujours à l'avant-garde du mouvement sportif, a tenu à associer son nom en offrant une magnifique Coupe-Challenge », indique sans détours le journaliste du quotidien régional, visiblement heureux de pouvoir flatter son employeur.
Marcel Gounouilhou est en effet le patron d'un groupe de presse bordelais, comprenant outre le titre cité plusieurs journaux et une imprimerie, fondé par son grand-père Gustave (1821-1912), puis repris par son père Henri (1853-1913), qui étendit l'activité des Gounouilhou à la viticulture par l'acquisition du château Climens à Barsac. Né en 1882 à Cérons, en Gironde, Marcel dirigea à son tour les affaires familiales dès les premières années du XXe siècle, mais fit également carrière en politique : député à l'Assemblée nationale pour un mandat de 1919 à 1924, il fut par la suite élu maire d'Arcachon, de 1929 à 1938. Dans cette ville, où sa famille possédait une somptueuse villa dans le quartier du Moulleau, un boulevard porte aujourd'hui son nom.
À son décès en 1939, à l'âge de 57 ans, son frère Gustave Gounouilhou, de quinze ans son cadet (né en 1897), prit le relais à la tête de l'entreprise familiale ; mais la Seconde Guerre mondiale éclata et ce dernier, pilote de chasse décoré durant le premier conflit, partit à Londres rejoindre De Gaulle. Envoyé en mission de propagande aux États-Unis, au Canada et en Amérique du Sud dans les années 1942-43 pour convaincre ces gouvernements de rejoindre les Alliés, il trouva la mort dans un accident... d'avion, en 1943, lors d'une nouvelle mission pour les Forces françaises libres entre l'Algérie et la Tunisie. Avec les décès rapprochés des deux frères, ainsi prit fin - à notre connaissance - la « dynastie » de cette famille bienfaitrice du golf français.
Chantilly, premier vainqueur
La première édition du championnat, annoncé par Le Figaro, rassemble onze équipes réparties sur quatre régions : le Midi, le Nord, le Sud de Paris et le Nord de Paris (ces deux dernières s'étendant dans un périmètre de 100 km autour de la capitale). Charge à chaque région d'organiser des éliminatoires au printemps, avant trois phases nationales (quarts, demies et finale) organisées entre le 1er octobre et le 31 décembre. Le format adopté, quant à lui, est le suivant : « Les matchs mettront en présence des équipes de six joueurs disputant, le matin, un "quatre à deux balles" (sic) et, l'après-midi, un simple, sans handicaps, sur 18 trous. » À noter que ce format a perduré jusqu'à l'édition 2009, et est passé depuis à deux foursomes et cinq simples. « L'initiative prise par l'U. G. F. doit donner lieu à de très intéressantes rencontres interclubs qui, jusqu'ici, n'étaient pas organisées officiellement », conclut le quotidien.
Défaits en demi-finale, les joueurs du Golf Bordelais ne sont pas les premiers à soulever le trophée offert par leur mécène girondin. C'est à leur vainqueur, Chantilly, qu'échoit cet honneur à l'issue de la première finale, jouée le 5 décembre 1926 à La Boulie, au terme de laquelle les Cantiliens dominent les joueurs du Golf de Paris par 7 points à 2. Ainsi débuta la glorieuse histoire de la Gounouilhou, qui près d'un siècle plus tard continue à s'écrire.