L'ancien tennisman a répondu favorablement à la demande de Benoît Teilleria pour coiffer, le temps du Championnat d'Europe par équipe Messieurs, du 9 au 13 juillet à Turin, la casquette de capitaine des Bleus.
« Comme Antoine ne peut pas être là cet été, le président de la Fédération m'a demandé de choisir un capitaine de remplacement. J'ai pensé à Guy. » Croisé dans les couloirs du Golf du Médoc lors de la récente Gounouilhou, l'entraîneur de l'équipe de France Messieurs, Benoît Teilleria, confirme sans détours les bruits qui circulaient en interne, depuis quelques semaines, sur l'identité du nouveau capitaine des Bleus. Le terme de « capitaine intérimaire » serait d'ailleurs plus approprié, puisque Antoine Delon, l'habituel titulaire de la charge, retenu pour raisons personnelles en juillet, devrait s'y consacrer à nouveau pour la campagne 2024-25.
Mais le mois prochain, sur le parcours turinois du Royal Park I Roveri où les Bleus tenteront de décrocher un titre européen qui leur échappe depuis 2011, la casquette du rôle sera bel et bien vissée sur le crâne de Guy Forget. « J'ai été un peu étonné, d'abord... » admet-il en préambule. « Mais, après m'avoir expliqué ses besoins et le fonctionnement de l'équipe, Benoît m'a rassuré sur le déroulé de cette période qu'on va passer avec les jeunes. J'ai accepté avec grand plaisir. »
Vingt-cinq ans de pratique passionnée
L'ancien tennisman, professionnel de 1982 à 1997 et vainqueur au cours de ces seize années au plus haut niveau de onze titres en simple et vingt-huit en double, n'est pas plus novice en golf que pour ce qui est d'encadrer une équipe sportive. En ce qui concerne la balle jaune, le double vainqueur de la Coupe Davis en tant que joueur l'a également remportée à la tête de l'équipe de France en 2001, tout comme son pendant féminin qu'est la Fed Cup en 2003.
Pour ce qui est de la petite balle blanche, s'il ne se définit pas comme un spécialiste – « loin de là ! » insiste-t-il – il affiche un admirable 0,4 d'index glané au cours de vingt-cinq ans de pratique passionnée, en solo ou avec sa « bonne bande de copains » des seniors de Chiberta. « C'est comme ça que j'ai découvert le côté collectif du golf. Je retrouve dans ce cadre certaines sensations que je pouvais avoir au tennis. La vraie différence, c'est qu'au golf on a le temps de préparer son coup avant de le jouer, et ça crée un stress, une adrénaline, qui peut être aussi bien positive que négative. C'est toute la difficulté de ce sport ! » estime-t-il.
Benoît Teilleria
Coach et capitaine coexistent
Ami de longue date de Benoît Teilleria, avec qui il partage aussi l'amour du surf et du Pays basque, Guy Forget s'apprête donc à vivre une nouvelle expérience de meneur d'hommes. « J'aborde ce rendez-vous avec un mélange de prudence et d'excitation, car c'est un challenge unique pour moi. L'ayant connu dans mon sport, j'ai hâte de vivre ce moment de l'intérieur dans le golf », admet-il avec l'enthousiasme d'un junior.
La seule différence avec la Coupe Davis réside dans la bicéphalie de l'encadrement d'une équipe amateur de golf, où l'entraîneur et le capitaine coexistent dans des rôles différents, bien que se recoupant parfois. « Il m'a dit "c'est toi le boss", mais je lui ai répondu qu'on travaillerait en équipe et qu'il aurait un rôle à jouer à l'entraînement, sur le parcours, et le soir au débriefing », précise Benoît Teilleria. « Lui et moi, on sera les seuls à avoir le droit de parler aux garçons pendant qu'ils joueront, donc je compte vraiment sur lui. Il a la sensibilité du jeu de golf, mais de l'humain avant tout, et par son expérience du très haut niveau je suis sûr qu'il peut apporter plein de choses aux jeunes. »
« L'ambiance est pour beaucoup dans la performance »
S'il avoue ne pas connaître personnellement les joueurs qui composeront l'équipe de France, dont les six noms ont été dévoilés avant-hier - Bastien Amat, Paul Beauvy, Édouard Cereto, Gaspar Glaudas, Ugo Malcor et Darren Strachan - Guy Forget a déjà sa petite idée sur ce qu'il pourra apporter au groupe. « Quel que soit le sport, le secret est de faire en sorte d'atteindre son meilleur rendement au bon moment, et pour cela il y a un état d'esprit à mettre en place. Je ne dis pas qu'à chaque fois que j'ai été à la tête de l'équipe de France de tennis, on a tutoyé les sommets, mais avec l'expérience je sais pourquoi ça n'a pas toujours marché », amorce-t-il.
« Il y a des pièges dans lesquels il ne faut pas tomber, et je suis convaincu que l'ambiance qui règne dans un groupe est pour beaucoup dans la performance. On n'a jamais vu d'équipe sportive avoir de bons résultats lorsque l'ambiance n'était pas bonne. Alors, loin de moi de dire qu'on va recréer le Club Med entre nous, car quand on vise les sommets on se doit d'être rigoureux, mais tout cela peut être fait de manière agréable et détendue. »
« Le succès s'obtient plus souvent dans la difficulté »
Face à de jeunes hommes qui n'étaient pas nés lors de ses exploits raquette en main, Guy Forget n'entend pas employer d'autre méthode que celle qui lui a permis de mener les mousquetaires Escudé, Clément, Grosjean, Pioline et Santoro à la conquête du saladier d'argent en terre australienne. Et l'ancien directeur de Roland-Garros et Paris-Bercy de poursuivre sa démonstration : « Dans toutes les disciplines, les questions que se posent les athlètes sont les mêmes : est-ce que je vais être à la hauteur ?, est-ce que l'adversité va être rude ?, est-ce que je vais être solide mentalement dans les moments importants ?, est-ce que je suis en forme ?, est-ce que mon copain ne joue pas mieux que moi en ce moment ?... Toutes ces questions sont légitimes. Être en équipe de France est une grande fierté, et c'est sûr que tout le monde voudra être à la hauteur, remplir ses devoirs envers le maillot et son staff. C'est quelque chose d'important, mais il faut savoir s'en détacher, car la performance passe aussi par le lâcher-prise. »
« Il faut se faire confiance, avoir conscience qu'on a le niveau et qu'on a fait le travail en amont, et se détacher de cette pression qui peut parfois étouffer », poursuit-il avec conviction. « Il va donc être très important de valoriser les individus, et leur faire comprendre que même s'il y a des moments qui vont être difficiles, et qu'ils n'arriveront pas toujours à jouer comme ils le veulent, ce n'est pas grave car ça fait partie du process. On ne gagne pas toujours une compétition de golf en faisant sept birdies et aucun bogey. Quand ça se passe comme ça, c'est facile, mais ça arrive rarement. Le succès s'obtient plus souvent dans la difficulté. Ces garçons le savent, j'en suis sûr, mais ça sera forcément une bonne chose de faire passer ce message une fois de plus. Mon rôle sera vraiment de les aider à être leur champion le jour J. »
Guy Forget
« On ne doit pas se fixer de limites »
Et si le jour J que tout le monde attend est fixé au 13 juillet, date de la finale du championnat d'Europe, l'humilité reste de mise du côté du nouveau capitaine : « Le premier objectif sera évidemment de se qualifier pour le haut de tableau en finissant parmi les huit premiers. » Et ensuite ? « On sait que dans le golf les jours ne se ressemblent pas toujours, et qu'il y a des opportunités à saisir. C'est comme ça dans tous les sports, on voit toujours des athlètes en profiter et saisir l'occasion. Je souhaite que les garçons soient prêts à profiter de la moindre opportunité, en comprenant qu'ils sont là grâce à leur talent et à leur travail. »
« Sur un tel rendez-vous, tout est possible, et on se doit de rêver. On ne doit pas se fixer de limites. Avoir des doutes, c'est normal, mais l'encadrement est là pour répondre à leurs questions et les encourager à libérer leur potentiel pour être assez bons le jour J. Le golf doit être abordé avec beaucoup d'humilité, mais il faut garder à l'esprit qu'au départ du 1 tout est possible, même contre des joueurs supposés meilleurs. » La photo ci-dessous en est une preuve éclatante ; et même si les golfeurs de l'équipe de France d'aujourd'hui n'étaient pas nés en 1991, les exploits d'antan de leur nouveau capitaine sauront sûrement les inspirer.
Guy Forget en bref
Né le 4 janvier 1965 à Casablanca
Professionnel de 1982 à 1997
11 titres en simple, dont Cincinnati et Bercy en 1991
28 titres en double, dont le Masters en 1992
Vainqueur de la Coupe Davis en 1991 et 1996
Meilleur classement mondial : 4e (3e en double)
Capitaine de l'équipe de France masculine de 1999 à 2012
Vainqueur de la Coupe Davis en 2001
Capitaine de l'équipe de France féminine de 1999 à 2004
Vainqueur de la Fed Cup en 2003
Directeur de Paris-Bercy de 2012 à 2021
Directeur de Roland-Garros de 2016 à 2021