Pensionnaire éphémère du Challenge Tour, Alexander Levy est parvenu en l’espace d’un an à regagner sa place parmi l’élite européenne. Entre-temps, il a profité : du partage, des apprentissages et des moments décisifs pour renforcer des envies oubliées.

Alexander Levy est de retour pour nous jouer son meilleur Tour. © Joosep Martinson / Getty Images via AFP

À l’instar de ce que peut faire vivre le golf, Alexander Levy est un lunatique. Un homme au sang bouillant capable de rebaptiser une balle d’un nom d’oiseau pour ne pas avoir trouvé sa cible ; et en moins de vingt minutes, le temps d’enquiller une ficelle au green suivant, de laisser place à un joyeux luron en train de remuer de l’arrière-train, le poing levé, pour célébrer un eagle au dernier tour de la finale du Challenge Tour à Majorque. « Ça, c’est Alex », résume dans un sourire sa sœur, Pauline, venue l’encourager toute la semaine avec leur père, Philippe.

Au moment de tirer le bilan de sa saison sur la deuxième division européenne, le joueur de 34 ans fait preuve de la même dualité, heureux d’une part d’avoir terminé parmi les 22 promus qui (re)découvriront le DP World Tour en 2025, mais insatisfait de ne pas avoir remporté de titre cette année pour s’assurer qu’il en était encore capable. Au fond, il le sait, il le peut. Cette saveur oubliée de la gagne est d’ailleurs ce qui lui est revenu en évoluant sur la deuxième strate du golf européen. « Quand tu es sur le niveau du dessus, tu ne te rends pas compte de ce qui se passe en dessous, que ce circuit est difficile et qu’il faut faire des tops 3 toutes les semaines pour pouvoir marquer des points. Le fait d’y revenir m’a mis une claque. J’ai été proche plusieurs fois, mais je n’ai pas converti, donc ça donne envie de débarquer plus fort sur le DP et de s’imposer à nouveau. » Pour trouver trace de son dernier succès, il faut remonter au Trophée Hassan II de 2018. Sa cinquième victoire d’une série démarrée en 2014. À la sortie de cette période faste, le jeune varois de 27 ans qu’il était n’imaginait peut-être pas devoir repasser un jour par l’échelon inférieur. « Je ne m’étais jamais posé la question, tâtonne-t-il. Il y a des grands joueurs à qui c’est arrivé… »

Levy revient en 2025 avec le couteau entre les dents... © Andrew Redington / Getty Images via AFP

Au moment de marquer une pause après ses derniers mots, difficile de ne pas créer le lien entre lui et ses compères que sont Matteo Manassero, Marcel Siem et autres grands vainqueurs précipités un jour dans l’antichambre européenne. Eux aussi avaient eu droit à leur claque. Et eux aussi, au moment de faire leur retour, avaient tiré la même conclusion : « On réalise qu’il faut profiter de chaque moment au plus haut niveau, qu’il faut savourer. Et c’est ce que je me suis dit pour la saison prochaine : je profiterai beaucoup plus de tous les moments vécus. »

À la fois maître et apprenti

Loin de toute rédemption, Alexander Levy s’est offert sur le Challenge Tour une nouvelle dualité. Celle d’un joueur qui a d’abord beaucoup apporté à ses compatriotes. Dès les premiers tournois de la saison, Félix Mory en a été l’un des premiers bénéficiaires. Au détour d’une partie de reconnaissance en Afrique du Sud, celui qui est passé proche d’une promotion ces deux dernières années reçoit sans détour l’avis de son aîné sur sa capacité à pouvoir « rivaliser cent fois sur la première division. » « Ça m’a énormément aidé à croire que je pouvais le faire », confie le Nordiste. « Il aime bien poser des questions, savoir comment on va et il s'intéresse à ce qu'on fait », ajoute de son côté Martin Couvra. Au retour du Rosa Challenge Tour fin août, le jeune de 21 ans a traversé une période de ras-le-bol qui concluait plusieurs semaines durant lesquelles « les doubles et triples bogeys gâchaient les tournois », selon ses dires. Le temps d’un vol partagé, le quintuple vainqueur dans l’élite européenne l’éclaire alors sur la gestion du momentum ; une discussion qui a beaucoup aidé d’après le rookie : « Après ce tournoi, je n’ai concédé qu’un seul double bogey en six tournois joués (contre treize sur les six événements qui précédaient, ndlr). »

Quand j’étais plus jeune, Raphaël Jacquelin, Grégory Havret ou encore Thomas Levet m’ont beaucoup aidé en arrivant sur le circuit. Ils m’ont mis en confiance, m’ont appris des choses en reconnaissance, etc. Alors si je peux contribuer à mon tour à aider d’autres joueurs, je pense qu’il faut le faire.

Alexander Levy

Mais à l’inverse, le trentenaire a énormément tiré de leur présence chaque semaine. « Ça m’a bougé le cul, tout simplement », balance-t-il dans un grand rire. « C’est top de voir qu’il y a une relève qui arrive, mais ça incite aussi à faire mieux parce que tu sais que sinon ça va pousser derrière. » Désormais, l’essentiel pour lui sera d’arriver à transférer sa régularité trouvée sur le Challenge Tour vers le niveau supérieur. Un travail qui démarre avec une grande période de repos et un choix de vie important : un déménagement à Dubaï dans les prochains mois. Là-bas, il se rapprochera de son entraîneur technique, Jérôme Theunis, lui aussi domicilié aux Émirats arabes unis, et s’offrira l’opportunité de s’entraîner dans des conditions idéales toute l’année. « Ça me fera moins voyager aussi parce que le DP World Tour est très implanté là-bas », ajoute-t-il. De quoi sauvegarder une énergie qui lui sera précieuse pour, pourquoi pas, retrouver la gloire dès sa première année... comme ont pu le faire Manassero et Siem avant lui.