Fraîchement promu sur le DP World Tour après une campagne réussie lors des Cartes européennes, Bastien Amat a inauguré son nouveau statut en Australie ; non sans quelques péripéties inhérentes à une arrivée précipitée.
Partir à l’assaut d’un nouveau circuit n’est jamais une chose aisée. Tom Vaillant, pensionnaire du Tour européen pour la deuxième saison consécutive, a attesté de la chose lors des trois dernières années. Alps Tour, Challenge Tour, DP World Tour : à chaque été de l’hémisphère Sud, il fallait redécouvrir une nouvelle strate des circuits professionnels, s’adapter (vite) sans pouvoir s’appuyer sur quelconques marques effectuées précédemment. Celui qui sera enfin en territoire connu en 2025 a servi de source d’information à l’un de ses nouveaux collègues. Bastien Amat, son ancien partenaire de l’équipe de France Messieurs avec qui il a disputé les championnats d’Europe par équipes en 2022, sera là.
Tout récent lauréat d’une carte sur la plus haute division européenne, l’ex-étudiant de l’université du Nouveau-Mexique a d’ailleurs fait ses tout premiers pas la semaine passée en Australie, à l’occasion du ISPS Handa Australian Open. Cette pige rapide n’a pas été un franc succès : un cut manqué pour quelques coups et une prise de plaisir noyée dans les nombreuses problématiques d'un lancement expéditif parmi les grands. De retour sur le sol français lundi, le néo-pro de 22 ans a pris le temps, malgré un décalage horaire tenace, de revenir sur les semaines qui ont suivi sa promotion et de nous plonger dans un envers du décor qu’il ne maîtrise pas encore.
Quel était votre sentiment après la finale des Cartes européennes, mi-novembre ?
En dehors de la satisfaction d’être sur ce circuit, je suis content de ne pas avoir eu à passer par les étapes un peu difficiles de l’Alps Tour et du Challenge Tour. Ce sont des circuits que j'étais prêt à jouer mais que je n'avais pas envie de traverser car ils ne sont pas forcément adaptés à tous les joueurs. Vous pouvez être bon mais avoir du mal à en sortir parce que ce n'est pas « votre golf. » Je pense que j'aurais pu réussir à me débrouiller sur le Challenge Tour parce que c'est un petit peu plus similaire au DP World Tour, mais sur l’Alps Tour, j’aurais probablement galéré à me faire au fait de scorer très bas tout le temps, sur des parcours qui sont assez faciles.
Avant la finale, vous aviez prévu de jouer les Cartes américaines et finalement, vous vous êtes aligné en Australie pour le deuxième tournoi de la saison. Pourquoi ce changement ?
Étant donné qu’à la base, je pensais obtenir un droit de jeu pour le Challenge Tour, j’avais du temps pour pouvoir aller aux États-Unis et tenter ma chance aux Cartes du PGA Tour. Et puis finalement, le DP World Tour s’est présenté. Ce n’est que plusieurs jours après que j’ai pris conscience du démarrage immédiat de la nouvelle saison. Et surtout j’ai réalisé que je n’avais qu’une catégorie incomplète (catégorie 16, ndlr) et insuffisante pour rentrer dans certains tournois à champ réduit. Ça me demande donc de jouer le plus de tournois possible, dont l'Australie, l'Afrique du Sud ou encore l'île Maurice en décembre. Et sur le plan comptable des points nécessaires pour la saison, ça ne valait pas le coup de les manquer.
L’enchaînement a été très rapide pour vous, ça n’a pas été trop difficile ?
Encore une fois je n’avais pas trop conscience de tout ça, donc j’ai tout réalisé récemment. Ce sont des trucs bêtes, mais je n’ai toujours pas de statut fiscal, j’ai dû me renseigner auprès de joueurs, j’avais aussi des questions typiques d’un mec qui fait ses premiers pas : par exemple, j’ai demandé à Tom Vaillant s’il fallait une housse particulière pour les sacs du Tour parce que… ben, je n’ai jamais eu de sac comme ça (rires). Il y aussi les sponsors avec qui il faut se mettre d’accord. Et du fait que tout ne soit pas réglé, je ne perçois pas encore mes revenus, donc pour le moment tous les frais sont à ma charge. Quand il faut payer 2500 balles d'avion pour aller en Australie, puis 2000 d’hôtel officiel du tournoi, puis les frais annexes, puis ci, puis ça… ça fait beaucoup. Et je ne peux pas puiser dans des gains de saisons précédentes puisque je démarre. Ça s’arrangera d’ici fin 2024, début 2025, mais pour l’instant je remercie ceux qui ont contribué à ma cagnotte pour m’aider.
Cette première sortie en tant que pro en Australie, comment l’avez-vous vécue ?
C’est toujours décevant de rater le cut, mais il y a eu aussi énormément de positif. J'ai eu une attitude qui était quand même vachement bonne pour me permettre de revenir à chaque fois sur mes erreurs. Certes, j'ai raté trois coups sur trois trous qui m'ont fait terminer trop loin, mais c’était la première et je sais que j’ai le niveau de passer les cuts et même de faire des top 20. Il faut juste que je gagne un peu d’expérience, c’est ce que je retiens du parcours en tout cas.
Et en dehors ?
J'avais déjà découvert le monde pro quand j'avais joué le l’U.S. Open et le Barracuda Championship durant l'été 2023. Je connaissais donc un petit peu, mais là, de le faire en tant que professionnel, c'est une saveur un peu différente. Après, c’est un métier un peu spécial, on n'est jamais chez nous, on est souvent seul, c’est particulier.
C’est ce que vous avez ressenti cette semaine-là à Brisbane ?
Un petit peu. J’ai eu l’occasion de croiser Victor Perez mardi midi avant ma reconnaissance. On a déjeuné ensemble - il a été très sympa comme d’habitude, hyper bienveillant - mais c’était assez bref. J’ai aussi dîné avec Adrien Saddier, Jean Bekirian et leurs caddies le samedi, mais sinon je n’ai jamais croisé les Français parce qu’on ne jouait pas sur les mêmes parcours, ou alors à des horaires différents. Je sais que cette semaine était à part (l’ISPS Handa Australian Open était mixte et se jouait sur deux parcours, NDLR), mais d’être tout le temps tout seul, ben… ça fait ch... J’avais entendu Tom parler de cet aspect en début d’année : il disait que c’était parfois difficile d’être le seul de son âge, d’aller de tournoi en tournoi sans avoir de potes de sa génération avec qui rigoler.
C’est une donnée qui peut vous affecter ?
Je ne sais pas encore. Si ça se passe bien dans le jeu, je pense que ça ira. Mais dès qu'il y a un petit moment de faiblesse dans les résultats, je pense que mentalement ça peut ne pas être simple. Là, c'est mon premier tournoi de la saison, ce n’est pas encore décisif, je suis content d'être là et même si j’ai raté le cut, je passe à autre chose. Mais si ça arrive deux fois, trois fois de suite, que la mi-saison passe et que le stress monte, ça peut devenir compliqué je pense. Et c’est pour ça que d’avoir des gens avec qui passer du temps en dehors du parcours s’avère utile. On peut déconnecter, penser à autre chose, partager, se changer les idées.
En parlant d’amis sur le circuit, vous allez les retrouver deux anciens partenaires d’équipe de France amateur, Tom Vaillant et Martin Couvra…
Oui, c’est génial, c’est surtout un gros plus surtout dans la vie périphérique au parcours. Parmi les nombreux Français qui évoluent sur le Tour, il n’y en a pas énormément qui ont mon âge, donc ce n’est facile à chaque fois de trouver quelqu’un avec qui manger, avec qui discuter ou avec qui sortir pour changer d’air. Ça va être sympa de passer des moments ensemble comme lorsque j’ai dîné avec Jean et Adrien. Ce sont des petits détails, mais ils feront la différence dans la saison.