Comme sept autres Français, Bastien Amat prendra ce vendredi le départ de la finale des Cartes européennes, en Espagne. Celui qui vient de passer professionnel depuis le top 20 du classement mondial amateur a encore le DP World Tour, voire le PGA Tour, en ligne de mire pour sa première saison.

063_2166933461_edited.jpg
Bastien Amat (ici lors du dernier U.S. Amateur, en août), est en quête d'un accès au DP World Tour pour sa première saison professionnelle, en 2025. © David Berding / Getty Images North America - AFP

Q-School. Nom commun féminin, issu de l’anglais, contraction de Qualifying School (littéralement "école de qualification"). Désigne les épreuves de qualification, disputées généralement en fin de saison, donnant accès aux différents circuits professionnels de golf.

Sans doute que la définition ressemblerait à ça, si le Grand Larousse avait un jour la belle inspiration d’ouvrir ses pages au jargon profond du golf. Une utopie dans laquelle, au rayon synonymes, l’annuel dictionnaire mentionnerait le terme "Cartes", citant en exemple l’épreuve des Cartes européennes, dont la finale 2024 débute ce vendredi, sur le site espagnol d’Infinitum, au sud de Barcelone. Sans doute également relierait-il le vocable aux notions de stress, de pression et d’enjeu, tant cette semaine détermine à elle seule le devenir golfique de dizaines de joueurs pour les 12 mois qui suivent, voire au-delà. Ceci étant, il y a au moins une exception à citer : Bastien Amat.

Le natif du Pas-de-Calais, qui vient de passer professionnel (frappant ironiquement son patronyme d’anachronisme), arrive cette semaine en Catalogne « très détendu, relâché ». Bien sûr, lors des six tours que va durer l’épreuve (lire ci-dessous), il compte bien « tout péter, et signer les meilleures cartes possibles », histoire, pourquoi pas, de terminer dans les 20 premiers pour accéder au DP World Tour. Mais contrairement à un certain nombre de ses adversaires de la semaine, il ne se trouvera pas dans l’obligation de performer pour être pensionnaire d’un circuit l’an prochain. Et ce pour deux raisons principales : il dispose déjà d’une catégorie sur la deuxième division que constitue le Challenge Tour, et il aura quoi qu’il arrive une autre opportunité, mais cette fois aux États-Unis, début décembre.

Six tours, vingt places, huit Français

Épreuve la plus longue de tout le calendrier européen, la finale des Cartes du DP World Tour débute ce vendredi en Espagne. Six tours sur autant de journées sont au programme. Après les quatre premiers tours, joués simultanément sur le Lakes Course et le Hills Course d'Infinitum, un premier cut interviendra alors, garantissant à tous ceux qui le franchissent la catégorie 9 sur le Challenge Tour en 2025. À l'issue des six tours, les 20 premiers obtiendront la catégorie 18 sur le DP World Tour.

Hormis Bastien Amat, sept Français seront au départ : Aymeric Laussot, Damien Perrier, Félix Mory, Robin Sciot-Siegrist, Nathan Legendre, Clément Sordet et Sébastien Gros.

L’assurance qui est la sienne de pouvoir jouer sur le Challenge Tour l’an prochain provient d’un dispositif récemment mis en place par le DP World Tour, le PGA Tour et le R&A : le Global Amateur Pathway (GAP). Son objectif est de permettre aux meilleurs amateurs de se frotter directement aux meilleurs professionnels, en leur donnant accès aux différents circuits sans passer par les Q-Schools. À la mi-octobre, lors de la première finalisation de ce classement, le Chinois Wenyi Ding, leader, a ainsi empoché un droit de jeu sur le DP World Tour. Ses neuf suivants ont gagné quant à eux un accès au Challenge Tour. Suivants dont faisait partie Bastien Amat, devenu éligible au GAP en étant sorti diplôme de l’Université du Nouveau-Mexique, au début de l’été, et en occupant une belle place au classement mondial amateur (il est actuellement 16e, à l’heure de quitter la hiérarchie pour cause de passage professionnel).

En résumé, dès la fin de sa belle aventure à l’U.S. Amateur (huitièmes de finale) au mois d’août, Bastien Amat était assuré, a minima, d’évoluer en deuxième division européenne la saison prochaine. De quoi se mettre à regarder vers le haut sans avoir à ressentir trop de pression, chose qu’il a très vite faite, et avec succès. Exempté de préqualification à la Q-School du PGA Tour, le désormais ancien n° 1 amateur français a eu l’opportunité d’en disputer la première étape, du 15 au 18 octobre, sur un terrain familier : celui même de l’Université du Nouveau-Mexique. Un avantage qu’il a très bien mis à profit, en prenant la troisième place ex-æquo, avec le total de -5 en quatre tours.

Après avoir mis ses roues sur le bon rail sur la rive ouest de l’Atlantique, il en a fait de même sur l’autre. Lors de la deuxième étape des Cartes du DP World Tour, la semaine passée à Fontanals, il a pris une 15e place synonyme de qualification pour la troisième et dernière étape. « Toutes ces épreuves, je les ai vraiment jouées avec une mentalité très proche d’un tournoi normal, commente-t-il. J’ai senti que je n’avais pas de pression supplémentaire, alors que je sais que pour 99% des joueurs, c’est sûrement la semaine la plus stressante de l’année, c’est là où tout se joue. Ceux avec qui j’ai joué, je voyais très bien qu’ils stressaient, surtout sur les derniers tours, dès qu’ils étaient dans le mal. Après, je pense que j’ai aussi été très bien préparé par l’université. »

Une préparation qui, notamment ces deux dernières années, a surtout concerné l’aspect mental des choses. « J’ai un regard sur le golf qui a changé énormément depuis deux ans, avoue Bastien Amat. J’ai compris que tout ce que je peux faire, c’est faire de mon mieux pour taper le meilleur coup possible. Si je fais une socket, peut-être que le mieux que je puisse faire, c’est un drop et un bon coup derrière, pour faire un triple au lieu d’un quadruple. Cette mentalité, j’ai vraiment bien réussi à l’installer. »

L’accès au DP World Tour, qui sera l’enjeu des six journées qui viennent, est l’échéance la plus immédiate. Et quelle qu’en soit l’issue, elle sera suivie par celle de la Q-School du PGA Tour, dont la deuxième étape se déroulera pour le Français à Valencia, en Californie, du 3 au 6 décembre. Objectif : soit finir avec le meilleur score, ce qui garantirait non seulement une qualification pour la finale mais aussi une participation aux huit premiers tournois de la saison 2025 du Korn Ferry Tour (la deuxième division du PGA Tour), soit faire partie des 10 joueurs suivants et ex-æquo, pour aller disputer la finale du 12 au 15 décembre, sur le fameux site de Sawgrass en Floride. Lors de cet ultime événement, les cinq meilleurs gagneront leur place sur le PGA Tour, tandis que les 40 suivants auront accès au Korn Ferry Tour, avec différents nombres de tournois garantis pour faire leurs preuves. « Être dans le top 5 pour le PGA Tour, c’est tendu mais ça se joue », sourit Bastien Amat.

Dit autrement, à 22 ans et à l’aube de sa première année pleine parmi les professionnels, et avec la certitude de jouer à plein temps quoi qu’il arrive, Bastien Amat a toujours, techniquement, la possibilité de devenir pensionnaire du PGA Tour ou du DP World Tour. Mieux : lui qui a déjà disputé un Majeur (l’U.S. Open 2023) et un tournoi régulier du circuit américain (le Barracuda Championship, la même année) a confiance en ses capacités d’y parvenir. « Je le dis sans égo ni prétention, mais j’ai l’impression que j’ai le niveau pour le PGA Tour, le DP World Tour ou le Korn Ferry, affirme-t-il. Je pense que je suis prêt. Et puis, si je ne réussis pas à avoir ma carte cette semaine, j’irai sur le Challenge Tour, avec l’objectif d’y passer le moins de temps possible. Et si je n’y arrive pas la première année, j’en ferai une deuxième. »

Bref, jusqu’à la fin de l’année 2024, son programme est chargé. Mais lui considère quoi qu’il arrive que tout n’est que bonus. « Il n’y a plus de question à se poser puisque j’ai une carte, et donc je sais que je vais jouer toute la saison en tant que pro l’an prochain, résume-t-il. Forcément, je préfère avoir le PGA Tour, le DP World Tour ou le Korn Ferry Tour, mais si je ne les ai pas, ce n’est pas la fin du monde. »

Surtout, les victoires de David Ravetto et Frédéric Lacroix sur la première division européenne cette année, la belle première saison de Tom Vaillant ou encore la récente promotion de Martin Couvra depuis le Challenge Tour sont autant de sources de motivation supplémentaires. « De voir des gars avec qui j’ai grandi, comme Tom ou Martin, réussir, ça donne envie, avoue-t-il. Ça donne confiance en soi aussi. En plus, si j’y arrive, ça ferait encore un peu plus de Français sur le DP World Tour. Ça serait cool pour le golf français, ça donnerait plus de chances de gagner des tournois. » Après tout, le Grand Larousse a aussi une section dédiée aux noms propres.