Incontournable dans le golf tricolore depuis plus de trente ans, Patrice Barquez est un puits à souvenirs et autres anecdotes. Certains ont d’ailleurs écrit l’histoire récente de ce sport en France. Il nous livre ici quelques petits secrets intimes, parfois émouvants, parfois drôles…
Il se présente lui-même comme un « enfant de la balle ». La balle de golf bien sûr. Comme un héros célèbre de bande dessinée, Patrice Barquez, né le 7 janvier 1970 à Biarritz, est tombé dedans tout petit. Son père, Dominique, professeur de golf et entraîneur national, a dirigé le CREPS de Toulouse, alors seul centre de haut niveau (remplacé depuis par les pôles espoirs). Sa mère, Christiane, fut directrice de golf. Ses parents ont ainsi tenu pendant longtemps le golf de Toulouse Palmola. Doué pour la discipline, il gagne dans toutes les catégories avant d’être sacré champion d’Europe Boys 1988 en compagnie de Christophe Muniesa, l’actuel Directeur général de la Fédération française de golf (FFG), Olivier Edmond, Jean-Charles Cambon, Christian Cévaër et Frédéric Cupillard. Une première pour la France !
Il décide de passer professionnel à seulement 18,5 ans, mais ne parvient jamais à s’imposer. Il joue une vingtaine de tournois sur le Tour européen entre 1989 et 1991 avant de rester sept ans sur le Challenge Tour. En 1998, « à bout de souffle », il raccroche, diplômes BE1 et BE2 en poche. Au cas où. En 1999, il rencontre Régis Brunet (vice-président IMG France) et Patrick Proisy, l’ancien champion de tennis devenu directeur de la filiale française du groupe de management sportif américain, IMG-McCormack. Il lui propose de le rejoindre.
Agent des meilleurs golfeurs français
« Je sais alors à peine parler en anglais et mes connaissances en informatique sont quasi nulles, se souvient-il aujourd’hui. Je ne savais rien en management mais j’ai saisi ma chance. J’ai appris sur le tas et je me suis rapidement occupé des intérêts de la majeure partie des golfeurs et golfeuses français de l’époque, de Jean Van de Velde à Olivier Edmond en passant par Gwladys Nocera, Marine Monnet, Grégory Havret, Thomas Levet et Victor Dubuisson… »
En parallèle, il devient consultant pour plusieurs chaînes qui diffusent du golf à la télévision. Ce sera Paris-Première, AB Sport, Pathé Sport puis Sport+, filiale de Canal+. Et cela ne s’est plus arrêté depuis.
« J’ai fait une année de transition avec Olivier Edmond en tant que coach, à travers le monde, rectifie-t-il. Sur Canal+, j’ai vraiment commencé avec Fabrice Balédent. C’est lui qui m’a lancé. Je sentais que j’aimais ça. Jusque-là, seuls Bernard Pascassio et André-Jean Lafaurie étaient la voix du golf en France. Et puis aussi un peu Dominique Larretche, sur AB Sport, qui avait les droits du circuit US. »
Tiger Woods, Claude Nougaro, Tim Finchem
En 2015, en même temps que de mettre un terme à sa collaboration avec IMG, il est missionné par la FFG auprès des golfeurs professionnels français.
« Je fais le lien, explique-t-il. La FFG possède une enveloppe financière et aide certains golfeurs en les accompagnant dans leur projet sportif. Cela représente une dizaine de garçons par an, qu’ils soient sur le Tour européen, le Challenge Tour, l’Alps Tour ou le Pro Golf Tour. Ce sont des jeunes en général entre N+0 et N+3. Mais on peut faire aussi quelques exceptions. On aide par exemple Paul Barjon et Cyril Bouniol, qui sont sur le Korn Ferry Tour, ou encore Jérémy Gandon, sur le PGA Tour Latinoamerica. »
Incontournable dans le golf tricolore depuis plus de trente ans maintenant, Patrice Barquez est forcément un puits à souvenirs et autres anecdotes. Certains ont d’ailleurs écrit l’histoire récente de ce sport en France. Il nous livre ci-dessous quelques petits secrets à la fois suaves et drôles… « Ma rencontre la plus folle golfiquement parlant, c’est Tiger Woods, admet-il. Mais je suis fan de Claude Nougaro. Je ne l’ai pas vu en concert mais j’ai eu la chance de le rencontrer avant qu’il ne s’en aille. J’ai aussi été impressionné par la rencontre avec Tim Finchem, l’ancien grand patron du PGA Tour parti à la retraite. Il faisait la pluie et le beau temps dans le monde du golf professionnel. »
Trophée Lancôme 2001
« IMG gérait alors le tournoi qui se disputait tous les ans à St-Nom-la-Bretèche (78). Avec Patrick Proisy, je suis l’artisan de la venue de Tiger Woods cette année-là, avec un contrat signé entre Mark Steinberg et nous. On est aussi ok pour les 3 millions de dollars de prime de départ. Et dix jours seulement avant le tournoi, c’est le 11 septembre. Les tours jumelles, le Pentagone… Tiger ne vient plus. Le tournoi a eu du mal à s’en remettre. Je crois qu’il aurait pu aller plus loin que 2003 mais il se serait de toute façon arrêté. L’Oreal voulait baisser, quoiqu’il arrive, sa contribution et réduire la voilure dans le monde du golf. Woods, en tant que pro, n’est jamais revenu en France, avant la Ryder Cup 2018 au Golf National ! »
Masters 2003
« C’est mon premier avec Thomas Levet. Je découvre Augusta dans sa totalité, presque de fond en comble. J’avais accès à tout… Club-house, les vestiaires, avec le téléphone en plus… Inimaginable. J’étais comme un gamin. J’avais remonté Magnolia Lane… Je l’ai fait plusieurs fois depuis… Avec IMG, on loue des maisons durant le Masters et je rencontre pour la première fois Tiger Woods. Grâce à Steinberg. J’ai discuté avec lui. Rapidement. Vu mon niveau d’anglais. « C’est dommage que tu ne sois pas venu au Lancôme en 2001. On va tout faire pour que tu reviennes en France… » Cela aurait été une des conditions pour que le golf décolle vraiment dans notre pays. Je ressens néanmoins une immense fierté d’être en face de lui deux ans après ce Lancôme inachevé. Je ne suis pas trop idole, mais le gars en dégage… Oui, je suis un peu impressionné. Mais grâce à Thomas (Levet), l’atmosphère s’est vite détendue. Je me souviens que cette année-là, il a plu du lundi au vendredi. Il n’a fait beau que durant le week-end. Thomas n’a pas passé le cut. Il y parviendra en 2005 et finira 13e. Jamais un Français n’a fait mieux au Masters depuis… »
Shell Houston Open 2007
« Je suis exceptionnellement le caddie de Thomas Levet pour ce tournoi du PGA Tour. Thomas a passé cinq saisons sur le circuit US. Il avait fait sa première apparition aux USA en 1994. Nous avions partagé les deux premiers tours avec le Suédois Daniel Chopra et l’Américain Nick Watney. Celui-là, il tapait comme un bourrin et arrosait partout. Il balançait des trucs à plus de 320 yards, mettait 40 mètres à Thomas, mais il y avait aussi beaucoup de déchets. J’étais là pour tenir le carnet de parcours, donner les distances mais Thomas se gérait tout seul… Il n’a pas passé le cut. Quant à Watney, il a fini 42e. La semaine suivante, il gagnait le Zurich Classic of New Orleans. Il remportera le WGC-Cadillac Championship 2011 et sera 12e mondial à la fin de cette année-là. »
Open de France 2011
« Je commente pour Canal+ aux côtés de Christian Ledan. Je sens que Thomas Levet, dont je suis l’agent, est en train de gagner le tournoi. Le dimanche, au trou n°17, je dis à Christian : « si Thomas gagne, je dois quitter l’antenne. » Alors qu’il se trouve sur le fairway du 18, je m’en vais, en plein direct. Je suis remplacé par… Patrick Timsit, qui passait par là. Comme un fou, je me rends au recording pour accueillir Thomas. Un souvenir exceptionnel. Et puis arrive cette bêtise. Qui n’en était pas une au départ puisque c’était la tradition pour le vainqueur de se jeter dans la pièce d’eau du 18. Remésy l’avait fait en 2004, je crois, Larrazabal, lui, avait carrément plongé en 2008. On se met d’accord avec Thomas, mais, hélas, on ne l’a pas fait au bon endroit… Je fais un salto arrière, Thomas, lui, a sauté comme un petit enfant de 8 ans et a touché un caillou qui a fracturé son péroné. Je m’en suis évidemment voulu ! Thomas revenait à son meilleur niveau. Il s’était ouvert la porte des plus grands tournois (Open britannique, USPGA, WGC-Bridgestone…) Tout s’est écroulé. On est parti à l’hôpital. On est resté trois heures. Thomas s’est fait plâtrer. Toute sa famille et la mienne nous attendait à la maison pour fêter ça. On est revenu, il était presque minuit. La fête était gâchée. Cinq jours plus tard, Thomas était opéré. Il n’a repris la compétition qu’au début de l’année 2012… »
WGC-Match Play 2014
« Victor Dubuisson dispute en février le WGC-Match Play en Arizona. Je suis son agent depuis 2010. Je l’ai fait signer à Antibes, chez sa mère. Je commente depuis Paris. Au micro, je n’en peux plus. Mon rêve était que la France ait enfin un grand champion de golf. Un peu comme le tennis a eu Yannick Noah. Thomas Levet m’a fait faire le tour du monde et m’a permis de vivre de l’intérieur les plus grands tournois de la planète, mais avec Victor, j’ai l’impression qu’on a franchi un palier supplémentaire. Je me disais qu’on le tenait enfin, ce fameux champion. Ce qu’il a fait en Arizona, c’est énorme… On l’avait un peu senti arriver puisqu’il avait gagné en Turquie en 2013 et avait fini 3e à la finale de la Race quelques semaines plus tard. Le match-play, c’est son profil, une compétition faite pour lui. Il élimine Bubba Watson, Graeme McDowell, Ernie Els… En finale, contre Jason Day, il réalise des coups incroyables, qui ressemblent beaucoup à des sauvetages. Je croyais qu’il pouvait gagner sans vraiment y croire. Et puis ça s’est arrêté au 23e trou… Il fut un beau perdant. Avec la victoire de Thomas Levet en 2011, c’est l’une de mes plus belles émotions. Je l’ai eu au téléphone le lundi… Il était resté lucide, il était content de ce qu’il avait accompli. Dans la foulée ou presque, j’accompagne Victor au WGC-Cadillac, au Doral (Floride). Chez Trump. Qui n’était pas là. C’est certainement ma plus belle conférence de presse. Jamais je n’ai vu un Français autant demandé par les médias américains. Ils étaient dingues de lui. Tout le monde aux USA était tombé amoureux du d’Artagnan français. Mais Victor n’a pas du tout géré cette pression soudaine, ni cette popularité. Il a fini en queue de leaderboard (62e)… »
La candidature française à la Ryder Cup 2018
« J’en avais fait une avec Thomas Levet en 2004. Fantastique. Pour moi, il y a deux dates clés quand on évoque la Ryder Cup 2018 en France. Décembre 2007, je vais voir Georges Barbaret, alors président de la FFG, et Christophe Muniesa. Je leur dis : « il faut qu’on se présente à la Ryder Cup 2018. Le modèle va changer, ce ne sont plus des milliardaires mais des pays, dans la lignée des Jeux olympiques, qui vont organiser les prochains événements en Europe. Il faut qu’on y aille. On peut gagner ! ». Là, ils m’ont presque ri au nez. Ils ont quand même envoyé un courrier avant le 28 février 2008 pour annoncer que la France postulait. Tout IMG s’est mis derrière nous. Pascal (Grizot) est arrivé après et a fait un travail monumental. C’est lui le grand patron de la Ryder Cup 2018. La seconde date, c’est le 17 mai 2011, à Wentworth. George O’Grady, le patron du Tour européen, annonce le pays qui va organiser la 42e édition. C’est la France ! J’ai Christophe (Muniesa) à ma gauche et on tombe dans les bras l’un de l’autre, les larmes aux yeux. Une fierté immense m’assaille. C’est le graal absolu ! C’est un peu comme si le Liechtenstein décrochait la Coupe du monde de football. En 2007, personne ne voyait la France gagner. »