En pleine percée après un démarrage de haut niveau sur le DP World Tour, Martin Couvra a pris le temps, entre deux tournois, d'expliquer pourquoi ses résultats sont grandement liés à son épanouissement.

Martin Couvra, un joueur qui porte le rose saumon aussi facilement qu'il signe des top 5. © Warren Little / Getty Images - AFP

C’est le patronyme français du moment sur le circuit européen. Couvra, de son prénom Martin, a agité son monde en ce début de saison après avoir signé trois performances remarquables en cinq tournois joués : une septième place en Afrique du Sud mi-décembre, une 4e place à Bahreïn début février et un autre top 5 une semaine plus tard au Qatar. Ce démarrage tonitruant lors d’une première année sur un circuit de première division, ils sont peu à l’avoir opéré avant lui. Jon Rahm en 2016 (deux top 5 sur le PGA Tour) et Ludvig Åberg en 2023 (un top 5 et une victoire) en sont des exemples récents. Plus loin dans l’histoire, José María Olazábal signait deux top 5 et un top 15 sur le circuit européen en 1986. Chez les Français, personne n’a fait mieux ; ni même égalé le natif de Sanary-sur-Mer. Avec une 2e place et deux top 10 sur le même nombre de tournois, Antoine Rozner est celui qui s’en est le plus approché en 2020, tandis que Victor Perez et Romain Langasque demeurent juste derrière. Alors parmi ces noms prestigieux, celui de Couvra s’inscrit désormais.

Débarqué en novembre du Challenge Tour après une finale du circuit qui lui avait octroyé l’un des vingt-deux sièges d’accession, le joueur de 22 ans est arrivé dans la cour des grands avec la confiance de pouvoir atteindre ces résultats dès sa première année. « Mais pas aussi vite », nuance-t-il. « J’avais envie d’être bon et compétitif très tôt. D’abord parce que, sur n’importe quel tournoi, j’ai envie de rivaliser avec les meilleurs. Et aussi parce que ma catégorie ne me permet pas de jouer tous les rendez-vous du calendrier (ce qui lui donne moins d’opportunités de marquer de gros points à la Race to Dubai, ndlr). Mais entre le penser et le faire, il y a un peu de chemin. »

Là où il a toujours rêvé d’être

Pour expliquer ce démarrage loin de l’ordinaire, il y a évidemment les capacités techniques. « L’an dernier il avait déjà le niveau du DP World Tour, affirme son binôme au sac, Olivier Elissondo. Il est bon dans tous les compartiments. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne les travaille pas, mais il n’a pas de secteur faible. » Au-delà de son analyse, le caddie est lui-même artisan du résultat sur le parcours. Depuis quatre printemps maintenant - leur rencontre remonte à la préparation de l’équipe de France au championnat du monde amateur par équipes -, le Basque lui apporte son expertise de plus de deux décennies sur les circuits professionnels. « Malgré son expérience et malgré ses victoires sur le circuit, il cherche encore à évoluer, raconte Martin Couvra. Il est hyper investi et c’est très agréable de voir ça. » Leur dernier chantier en date est l’amélioration de la communication - le nerf de la guerre dans cette association - lors des tours de reconnaissance. Un axe de développement soufflé astucieusement par un troisième acteur prépondérant qu'est le coach Mathieu Santerre. « On a démarré ce travail au Qatar mais sans se forcer pour que ce ne soit pas faussé », appuie celui qui est surnommé « Elish’ ».

Enfin, la réussite de l’actuel 271e joueur mondial est aussi la traduction du simple plaisir d’évoluer au sein de l’élite européenne. Pour l’un, comme pour l’autre, c’est un shoot d’endorphine hebdomadaire. « Ça rappelle des bons souvenirs, ça m’avait manqué », sourit le caddie qui a retrouvé ce circuit cinq ans après l’avoir quitté au sac de Grégory Havret. « Ce sont pour ces montées d’adrénaline, ce petit piment de l’enjeu, que l’on fait ça. »

Après leur travail au niveau amateur, Olivier Elissondo et Martin Couvra ont continué leur collaboration en pro. © Johan Rynners / Getty Images via AFP

Tel joueur, tel caddie

À l’instar de son jeune binôme, Olivier Elissondo travaille avec une préparatrice mental, Stéphanie Paloumet, sur la gestion des émotions et des « coups de speed », comme il dit. « Davantage pour les débuts de partie car une fois que quelques trous sont passés, je suis sur mes rails. »

Quant au blondin, son épanouissement est social. En janvier, il a retrouvé à Ras Al Khaimah son pote d’un an son aîné, Tom Vaillant, « là où ils ont toujours rêvé d’être. » Avec lui, ce sont les années insouciantes du monde amateur qui ont ressurgi. Celles qui rappellent qu’ils ne sont que deux grands gosses. « Après chaque tour en tournoi, on joue à NBA 2K25 sur la Nintendo Switch et on se fait un match avant dîner et un autre après. C’est notre routine. Même si je lui mets des fessées, c’est intense ! » Au point de faire râler quelques voisins de chambre pour leur tapage, quand d’autres, Ugo Coussaud et David Ravetto en tête de liste, les rejoignent parfois pour les défier sur Mario Kart.

Jusqu’où ira « Bouddha » ?

Sans trop se torturer l’esprit, le n° 15 français grandit donc professionnellement. « Au Bahreïn, j’ai compris beaucoup de choses sur le parcours, notamment sur l’état d’esprit et la patience à avoir. » Une progression que confirme son copilote par le surnom de « bouddha » qu’il lui a attribué. « C’est même "maître bouddha", plaisante le joueur. On verra sur le reste de la saison si on peut parler de déclic, mais je suis content d’avoir appliqué ce travail dès maintenant. » Bien qu’il s’exerce à le chasser, son naturel impatient - inhérent à la fougue de la jeunesse - est parfois revenu l’animer, comme au premier tour du Commercial Bank Qatar Masters. « J’ai commencé à avoir plus d’attentes » ; la conséquence de s’être mis deux fois en position de gagner avant cela. Puis le calme l’a regagné. Cette capacité a d’ailleurs été l’un de ses plus grands progrès de ses deux dernières années. Et à l’inter-saison, une discussion avec Nicolas Colsaerts à propos de Tyrrell Hatton a confirmé son investissement dans le domaine : « Il me disait que malgré son attitude moyenne, Tyrrell oubliait toujours le coup précédent pour se concentrer sur le suivant uniquement. C’est cet esprit du "coup après coup" que l’on travaille beaucoup avec Makis Chamalidis (son préparateur mental, ndlr). »

Actuellement au centre de l’attention, le Varois ne se laisse pas envahir pour autant par l’engouement qui le suit. S’il note les changements de perception de la part des autres joueurs, les soutiens grandissants et la médiatisation qui les accompagne, il souhaite s’en détacher un maximum. « J’entends plein de compliments dans des émissions et c’est très gentil, mais (il marque une pause)… Ce n’est que le cinquième tournoi, la saison est encore très longue. Si à la fin de l'année, le bilan est positif et les objectifs accomplis, là je serai très content qu’on me félicite. » Si ses envies d’accomplissement resteront secrètes à sa discrétion, il laisser tout de même échapper un indice sur la taille de ceux-ci : un bon démarrage de l'année est nécessaire pour parvenir à ses fins. En bonne voie donc pour sa première année, celle qui lui confère le statut de rookie, le « bouddha » continue de tracer sa route dans un environnement où tout n'est que régalade.