Après une promotion rapide depuis les divisions inférieures du golf européen, Tom Vaillant a découvert la grandeur de son tout premier Rolex Series lors du Hero Dubai Desert Classic. Une semaine où il a autant bataillé contre le parcours que posé de questions à Tommy Fleetwood.
Tom Vaillant est un jeune homme qui n’aime pas la solitude. Alors en début de semaine, lorsqu’il a rallié Ras Al Khaimah depuis Dubaï, quel ne fut pas son plaisir de traverser le désert 128 kilomètres durant au milieu des dromadaires et des tôles isolées pour investir, seul, son appartement de la semaine en marge du Ras Al Khaimah Championship. Mais il en faut plus pour attaquer le moral du joueur de 22 ans. Car quelques jours plus tôt, à l’occasion de sa reprise sur le circuit européen après deux apparitions fin 2023 en Afrique du Sud et à Maurice, le rookie du DP World Tour a pris part à son tout premier Rolex Series. « C’est de loin le tournoi qui m’a fait le plus kiffer de ma vie », entonne-t-il d’entrée.
Avant même le premier tour, l’expérience prend une tournure étoilée. Dès son échauffement du mardi au practice, son entraîneur et ex-pro Jean-François Lucquin croise le regard d’un certain Rory McIlroy. La cassette se rembobine alors. Dans un souvenir commun, le désert s’efface pour faire émerger les montagnes helvètes de Crans-sur-Sierre, et les deux hommes se retrouvent à nouveau en play-off sur ce même green du 18. Seize ans après, la victoire de Lucquin à l’Omega European Masters refait surface. « Ils ont discuté un peu et Jeff m’a présenté. J’avais tout mon corps qui tremblait en m’approchant de Rory, je n’étais pas serein et j’ai presque bégayé », raconte le joueur dans un sourire.
Et puis quelques minutes plus tard au putting green, c’est Tommy Fleetwood qui reconnaît le technicien. « La veille, j’avais remarqué qu’il y avait de la place dans sa partie de reconnaissance alors je lui ai demandé si ça le dérangeait de jouer avec lui, raconte Vaillant. Ce à quoi il m’a dit de nous diriger au départ du 10. » Les genoux tremblant, le cœur palpitant, le gamin claque un drive plein fairway et colle quelques mètres au Britannique. « J’ai annoncé la couleur ! » plaisante-t-il. De là, le pro de 22 ans s’est mué en éponge, absorbant les moindre conseils du double vainqueur en Rolex Series. Performance, mental, physique, entraînement, calendrier, voyage, le petit nouveau ne manque pas de questions quand son coach en fait de même auprès du spécialiste du petit jeu accompagnant Fleetwood, Graham Walker. « C’était vraiment une journée hors du temps », résume-t-il.
Dans le dur d’entrée
Pourtant, la présence du Français dans ce tournoi ne s’est officialisée qu’à la quasi-dernière minute. Arrivé à Dubaï le jeudi précédent pour s’entraîner dans des conditions plus favorables que celles que propose l’hiver français, le promu du Challenge Tour n’entrait pas, à ce moment-là, dans le champ de 126 hommes. Ce n’est que le lendemain que sa position de première réserve s’est transformée en heureux dernier engagé. Une opportunité qui pourrait paraître anodine, mais qui prend beaucoup plus d’ampleur lorsque l’on sait que l’intéressé évoluait encore sur la strate inférieure trois mois plus tôt et sur l’Alps Tour (troisième division européenne) un an avant cela. « Je suis passé de la maternelle à un cours de bac +8 », exagère-t-il avant de retrouver un certain sérieux : « Je n’étais pas loin d’avoir les larmes aux yeux au départ du 1. En marchant, je me suis dit "p*****, il y a à peine plus d’un an j’étais encore amateur, et là je joue un Rolex Series !" »
Alors évidemment, tous ces facteurs cumulés à un départ en première partie le jeudi ont généré un éveil des sens chez le rookie. Et avec lui, beaucoup de tension : « Il y avait des tribunes partout, beaucoup de public, du bruit constant et le parcours était impressionnant. Je n’avais jamais joué un tracé aussi étroit et le tournoi a poussé la difficulté au maximum. Même Fleetwood me disait que les rough étaient aussi hauts et épais que lors d’un USPGA, et qu’il n’y avait pas de fairways plus étroits sur le reste de l’année. C’était vraiment un autre niveau. »
Dès le premier trou, le licencié du golf de Cannes-Mougins se met en difficulté dans le rough et concède son premier bogey. Deux autres suivront, ainsi qu’un double bogey compensé par deux birdies, les seuls de cette journée. Son premier tour en Rolex Series restera donc comme un camouflet. Mais le lendemain, la leçon a été retenue. Plus précis avec le driver - deux joueurs seulement feront mieux que lui lors du 2e tour - Vaillant rivalise avec le tracé Majlis de l’Emirates Golf Club jusqu’à jouer deux coups sous le par à quatre trous de la fin. « Et c’est là que la difficulté m’a le plus choqué. J’ai manqué le fairway deux fois pour environ 4 mètres et j’ai pris un bogey à chaque fois. Le moindre coup moyen - pas mauvais, mais juste moyen - est pénalisé et demande une énergie folle pour être rattrapé. »
Malgré son goût amer pour la défaite et les contre-performances, l’analyse à chaud est réaliste. « J’ai tout de suite dit à Jeff (Lucquin) que je devais m’améliorer sur trois points : m’engager davantage dans tous mes coups, maîtriser mes trajectoires et rester agressif. Je l’ai noté chez Fleetwood, McIlroy et aussi Meronk (2e du tournoi, NDLR) : ils ont tous ces trois qualités-là. » Au détour d’une discussion avec Nicolas Colsaerts, l’Azuréen s’est aussi vu confirmer l’importance de disséquer les parties, les parcours, tout comme de repérer les tous clés et ceux qui imposent des coups parfaits. Arrivé avec un certain bagage de connaissances, le 433e joueur mondial est reparti de Dubaï avec un excédent de leçons dans ses valises ; assez pour travailler avec son coach et son caddie, Yann Vandaele, lors des nombreuses semaines qui composeront son calendrier. « Je sais que tout ça viendra aussi avec l’expérience mais c’est ce qu’il me faut, vite, pour pouvoir passer à un niveau au-dessus. »