Il y a cent ans, l'Anglais Cyril Tolley remportait l'Open de France à La Boulie et devenait le premier amateur à s'imposer dans l'épreuve. Un exploit toujours inégalé, si ce n'est par lui-même, en 1928.

Cyril Tolley demeure le seul amateur à avoir gagné l'Open de France. © W. J. Brunell, in « The Modern Golfer » de Cyril Tolley, chez Collins, Sons & Co, Londres, 1924.

Alors que l'Ukrainien de 16 ans Lev Grinberg, 33e après trois tours, disposera ce dimanche au Golf National d'une mince chance de remporter la 106e édition de l'Open de France, le moment est opportun pour raconter l'histoire du seul joueur amateur à avoir, jusque ici, triomphé dans l'épreuve : Cyril James Hastings Tolley (1895-1978).

1917 : Première visite en France

Né le 15 septembre 1895 à Brockley, dans la banlieue sud de Londres, Cyril Tolley s'initie tout seul au golf à l'âge de cinq ans, lorsqu'il met la main sur quelques vieux clubs de son père, qu'une blessure à la jambe empêche de jouer. Armé d'une scie, le garçon parvient à couper le long driver en deux et se retrouve ainsi en possession d'un outil adapté à sa taille, qu'il apprend à manier en tapant des balles de squash en caoutchouc. Vers l'âge de neuf ans, comme il le raconte dans son ouvrage The Modern Golfer (1924), sa famille déménage à Eastbourne, station balnéaire de la côte Sud de l'Angleterre, où il s'exerce seul. Dispensé d'école en raison d'une constitution jugée fragile, il s'exerce presque quotidiennement à la pratique du golf : obtenant un premier handicap de 16 à l'âge de 13 ans, il devient membre du Eastbourne Downs Golf Club.

Parfait autodidacte qui ne prit jamais une leçon de sa vie, il effectue de notables progrès en s'inspirant du pro du club, George Adams, et commence à se faire un nom dans le comté, puis la région. « Jusqu'à ce que la guerre n'éclate, j'avais joué plusieurs rencontres inter-club, et j'eus la chance de n'en perdre aucune. Lorsque le conflit se déclara, j'avais dix-huit ans et mon handicap était de 1 », raconte-t-il dans son livre. Stationné dans les environs de la capitale lors des ses premières années sous les drapeaux, il est envoyé en France au début de l'année 1917, participe à des combats à Ypres et Cambrai, et est fait prisonnier en novembre de la même année à Bourlon. Cette première visite en France se solde par treize mois d'emprisonnement dans des camps allemands, dans lesquels il est bien traité, avant un rapatriement le 23 décembre 1918.

Deux jours plus tard, il joue sa première partie de golf depuis plus d'un an ; et malgré les difficultés rencontrées clubs en mains ce jour-là, il persévère. Il reprend sa carrière de compétiteur sous les couleurs d'Oxford, et se présente en tant que dernier inscrit à son premier grand championnat, le British Amateur de 1920. Dans cette édition organisée à Muirfield, il s'impose contre toute attente en finale face à l'Américain Robert A. Gardner ! Ce succès le propulse parmi les meilleurs amateurs de Grande-Bretagne, et Cyril Tolley devient alors un participant régulier aux plus grandes compétitions de l'époque, notamment la Walker Cup (équivalent amateur de la Ryder Cup) dont il dispute au total six éditions.

Cyril Tolley à La Boulie lors de son succès à l'Open de France 1928. © Bibliothèque Nationale de France

1924 : Première victoire à l'Open de France

En 1924, Cyril Tolley est au départ de l'Open de France, le 1er juillet, sur le parcours de La Boulie. Malgré son respectable pedigree, qui comprend également une finale aux Internationaux de France amateurs en 1920, l'Anglais est loin d'être une tête d'affiche de cette 14e édition, dont les vedettes parmi les quelque 80 engagés sont plutôt américaines - Walter Hagen, vainqueur quatre ans plus tôt, est là, tout comme Gene Sarazen, déjà sacré une fois à l'U.S. Open et deux fois au PGA Championship - et françaises - Arnaud Massy et Eugène Lafitte, eux aussi anciens vainqueurs. À l'issue de la première journée, Sarazen devance d'un coup Aubrey Boomer et de deux Tolley, mais le jeune américain de 22 ans concède un horrible 9 au premier trou le lendemain matin et abandonne tout espoir de victoire.

Dans la matinée, Tolley ajoute un 71 à ses deux 73 de la veille, et prend l'avantage, alors que Hagen recule au classement avec un 77. Dans l'après-midi, malgré un superbe 69 de ce dernier, l'Anglais « joue son meilleur golf en dépit de l'orage qui arrose le parcours », comme le rapporte la revue Canadian Golfer de juillet 1924, et « crée l'une des plus grandes sensations de la saison » en s'imposant avec trois coups d'avance sur Hagen. « Son score de 290 est l'un des meilleurs jamais enregistrés dans un open, et établit Tolley comme l'un des meilleurs amateurs de notre temps », salue la publication spécialisée. Quatre jours plus tard, au même endroit, il manque de peu de réaliser un doublé historique lorsqu'il s'incline en finale du championnat international amateur de France, face à l'Américain John Anderson !

Cyril Tolley (tête nue) lors de l'Open de France 1928, à La Boulie. © Bibliothèque Nationale de France

1928 : Rebelote à La Boulie

Jamais, dans toute l'histoire de l'Open de France, un autre amateur ne parvint à égaler l'exploit de Cyril Tolley, la meilleure performance réalisée par un non-professionnel restant la 2e place de l'Anglais Leonard Crawley en 1937 à Chantilly, trois coups derrière Marcel Dallemagne. Le seul qui fit aussi bien n'est autre que Tolley lui-même, qui remporta à nouveau le tournoi quatre ans plus tard, toujours à La Boulie. Cette année-là, au terme d'une édition dominée par les golfeurs britanniques qui trustèrent les huit premières places du classement, il s'imposa en 283, un coup devant son compatriote Henry Kinch.

Par la suite, Tolley remporta d'autres succès prestigieux, notamment un deuxième British Amateur au Royal St George's en 1929, tournoi auquel il participa régulièrement jusqu'en 1955 et dont il atteignit encore les demi-finales en 1950, à l'âge de 55 ans. Décoré de la Military Cross après la Première Guerre mondiale, promu au grade de major, il commanda une compagnie du Royal Sussex Regiment lors de la Seconde et servit d'officier de liaison avec l'armée américaine. Excellent joueur de tennis et de cricket incarnant toute les vertus de la haute société anglaise, le gentleman d'Eastbourne s’éteignit en 1978, à l'âge de 82 ans. Un siècle après ses exploits, l'Open de France lui attend toujours un successeur.

Cyril Tolley recevant le trophée du British Amateur en 1929. © D. R.

Des amateurs sacrés chez les pros

Cette liste recense les victoires de golfeurs amateurs dans les principaux opens nationaux d'Europe avant la création du circuit européen en 1972. En haut de la liste, les trois premières victoires sont les seules prises en compte par l'European Tour.

2009 — Open d'Irlande : Shane Lowry (IRL)
2009 — Johnnie Walker Classic : Danny Lee (NZL)
2007 — Open du Portugal : Pablo Martín (ESP)
1955 — Open d'Espagne : Henri de Lamaze (FRA)
1936 — Open de Suisse : Francis Francis (ENG)
1930 — Open britannique : Bobby Jones (USA)
1928 — Open de France : Cyril Tolley (ENG)
1927 — Open britannique : Bobby Jones (USA)
1926 — Open britannique : Bobby Jones (USA)
1924 — Open de France : Cyril Tolley (ENG)
1918 — Open des Pays-Bas : Florent Gevers (BEL)
1916 — Open des Pays-Bas : Charles Bryce (ENG)
1915 — Open des Pays-Bas : Gerry del Court (NED)
1897 — Open britannique : Harold Hilton (ENG)
1892 — Open britannique : Harold Hilton (ENG)
1890 — Open britannique : John Ball (ENG)