Dans une année où elle fêtera ses 40 ans, Anne-Lise Caudal vient d’entamer sa 19e saison sur le Ladies European Tour (LET). Même si elle s’est fixé 2026 pour une éventuelle retraite sportive, celle-ci n’est pas d’actualité, car l’envie est toujours là.
Vous êtes professionnelle depuis 2006, et vous allez fêter vos 40 ans en juin prochain. De manière générale, où pensez-vous en être dans votre vie de golfeuse ?
Je pense que je suis proche de la fin (elle sourit). Je pense que je vais jouer encore jusqu’en 2026, en tout cas c’est ce que je me suis fixé. Une carrière c’est long, il y a des hauts et des bas. Il y a des moments où on a envie d’arrêter, d’autres où on fait des rencontres qui font qu’on a envie que ça continue. Je parle là d’un de mes sponsors, Jabra. Je lui ai promis que j’allais jouer jusqu’aux dix ans du Jabra Ladies Open à Évian, en 2026. Et là je pense que j’aurai fait le tour : 42 ans, 20 ans de circuit, j’ai envie de fonder une famille, donc il ne faut pas que je traîne. Du coup, je me suis donné jusqu’à 2026. Après, je ne dis pas que je ne ferai pas une année de plus si j’ai encore le niveau. Mais je me suis mis ça en tête, et je vais essayer de performer les trois prochaines années.
Du point de vue du plaisir pris lors des tournois du LET et à l’entraînement, où en est rendu votre curseur ?
L’envie à l’entraînement est plus faible qu’avant, je ne vais pas mentir. Mais l’envie de la compétition est toujours là. Même si parfois, les voyages pèsent beaucoup, et avec l’âge, on ne récupère pas de la même façon. Mais j’adore toujours la compétition. Par exemple, au tournoi d’ouverture de la saison du LET (la semaine passée au Kenya, NDLR), j’étais malade depuis le début de la semaine, mais une fois le tee planté sur le 1, je ne lâche rien. Comme un jack russell (sic), j’y vais à fond. Et j’adore ça. Après, c’est vrai que ce n’est pas facile tous les jours, parce que le niveau augmente et qu’il faut suivre.
Pour cette saison et les suivantes, avez-vous réfléchi à éventuellement alléger votre calendrier, en jouant moins de tournois ?
Déjà en général, je n’enchaîne pas plus de trois ou quatre tournois d’affilée. Au niveau des voyages, par exemple, je ne vais pas en Australie. Je ne pense pas non plus que je vais aller en Corée. Je fais des choix sur les tournois en fonction de certains voyages, pour ne pas être trop claquée.
Pour cette nouvelle saison 2024, quels sont vos objectifs ?
Je vais jouer beaucoup en début de saison (à part en Australie), pour essayer de me qualifier pour le AIG Women's Open, car on joue à St Andrews cette année. Dans deux semaines on joue au Maroc, j’aime bien le parcours, même si je n’y ai pas forcément bien joué par le passé. C’est un parcours très technique, assez long, et j’aimerais vraiment y performer cette année. Et puis évidemment, le Jabra Ladies Open à Évian et le Lacoste Ladies Open de France, ce sont des épreuves qui me sont chères, et que je n’ai pas envie de louper. Mais globalement, je ne me mets pas trop de pression cette année, car j’ai une catégorie pleine. L’an dernier, j’avais une catégorie partielle, et il fallait marquer des points très vite, pour ne pas se retrouver à la 120e place après le re-ranking de mi-saison et ne plus jouer de l’année. Donc ça fait du bien de ne pas avoir besoin de courir après les points, pour jouer un peu plus libérée.
J’aimerais beaucoup gagner à nouveau un tournoi aussi, parce que ça fait maintenant très longtemps que je n’ai pas gagné, ça fait onze ans. L’année dernière, j’ai été en haut du tableau assez souvent, et je pense que j’ai encore le niveau pour gagner. C’est sûr que ce n’est jamais facile de gagner un tournoi, même quand on a de l’expérience. Mais j’aime jouer sous pression, je n’ai pas beaucoup de stress quand je joue au golf. Au contraire, je m’en sers, du moins j’essaie au maximum.
Vous êtes sur le LET depuis 18 ans maintenant. Ce circuit, comment l’avez-vous vu évoluer ?
J’ai eu la chance, lorsque je suis passée pro, de jouer sur un tour qui était au top. On enchaînait toutes les semaines. Il y a eu beaucoup d’évolutions pendant six ou sept ans, mais après, ça a été la dégringolade. Pendant quatre ou cinq saisons, on ne jouait plus beaucoup de tournois, ça a été très difficile. Et puis maintenant, après le Covid, il y a un peu plus de sponsors, de dotations. J’ai l’impression que les sponsors s’intéressent un peu plus au golf féminin. J’espère que ça va évoluer encore plus, surtout pour la prochaine génération. On devait signer un contrat avec le LPGA Tour, mais ça ne s’est pas fait, car le LET a aussi un contrat avec les Saoudiens. Mais à l’heure actuelle, ça se passe plutôt bien.
Et le niveau de jeu global sur le circuit, comment évolue-t-il ?
Il évolue vers le haut. Chaque année, il y a des nouvelles joueuses qui arrivent, jeunes, physiques, qui tapent fort. Quand je suis passée pro, on était toutes un peu plus âgées, on avait plus de 20 ans. Aujourd’hui, les filles qui arrivent sur le LET, elles ont 17 ou 18 ans, et elles sont physiquement préparées. Et c’est bien : si le niveau monte, ça va attirer les sponsors, et tout le monde en bénéficiera.
Ces jeunes joueuses viennent sans doute parfois vous poser des questions sur les vicissitudes de la vie sur le LET. Est-ce un rôle de conseil que vous aimez endosser ?
Oui, bien sûr. Quand on est en partie avec des filles qui sont là depuis un ou deux ans, elles ont des questions diverses, et ça ne me dérange absolument pas d’y répondre. Au contraire, ça me plaît de voir que des jeunes s’intéressent à des joueuses plus expérimentées. Elles respectent le fait, par exemple, que je suis sur ce circuit depuis 18 ans, donc c’est normal de les guider sur la manière de démarcher un sponsor ou de faire une partie de reconnaissance.
Lorsque vous aviez débuté votre carrière sur le LET, vous aviez reçu des conseils de la part d’autres joueuses sur ces questions ?
Oui, bien sûr. J’avais Ludivine Kreutz, Gwladys Nocera, Stéphanie Arricau, Sophie Gicquel, Virginie Lagoutte… Quand j’ai débarqué, elles m’ont aidée. Je ne parlais pas très bien anglais au départ (rires). Ça va mieux maintenant, mais à l’époque, quand je recevais plusieurs mails en anglais, je me disais : "Mais comment je vais faire ?". Et elles étaient là pour m’aider, c’est clair que j’ai été très bien encadrée, je n’avais pas à me plaindre.
Cette jeune joueuse que vous étiez, et qui est arrivée sur le circuit en 2006, est-ce qu’elle serait fière de savoir que vous y êtes toujours, 18 ans après ?
Je pense que oui. Ce n’est pas une vie facile, et quand on regarde ce qu’on a fait, les hauts et les bas, il faut être fier de ce qu’on fait et de la longévité. Bien sûr, il y a toujours des regrets, des blessures qui ont empêché de jouer certains tournois ou de se qualifier pour une Solheim Cup. Mais il faut toujours retenir le positif, et être lucide. Quand le bilan viendra, il y aura beaucoup de belles choses, c’est une certitude. Et j’espère que je vais encore écrire un bout de l’histoire. Ce n’est pas fini, je n’ai encore dit mon dernier mot.