L’acquisition d’une 76e place lui aurait, en temps normal, déplu. Mais parce qu’il s’agissait du AIG Women’s Open, parce qu’il se tenait à St Andrews et que la semaine était magique, Emma Grechi a fait un plein de confiance non négligeable pour la fin de saison.
Dans un sport aussi tortueux que le golf, la loi des cercles vicieux est une norme qu’il faut parfois savoir accepter. Plus ou moins long, plus ou moins lesté de doutes, chaque pensionnaire d’un circuit professionnel a traîné le sien au moins une fois. Pour Emma Grechi, c'était au printemps dernier. Dans une cinquième saison sur le Ladies European Tour qui semblait démarrer relativement bien, la joueuse de 26 ans se sentait, au cours de ces premiers mois, « bien dans la balle. » Et puis, les résultats ont fini par ne plus suivre la bonne dynamique du swing. Un cut manqué début mai en Corée du Sud - le quatrième en 2024 - en amène un autre à Évian une semaine plus tard, puis deux autres en juin. Pourtant, la Girondine n' pas capitulé dans le travail et dans la foi qu’elle accorde à son processus. Comme une première récompense, la série noire prend alors fin bien que la capacité à scorer ne soit pas encore en mesure de refaire une apparition. Le swing et la balle, eux, renvoient des signes contraires. La tête y est réceptive et un nouveau mot d’ordre s’installe chez la joueuse : la patience. Dans son travail avec Karine Mathiot, coach technique, et Amélie Cazé, préparatrice mentale, les retours vont dans le même sens.
Le temple de la confiance
Après un arrêt d'un mois imposé par l’Amundi Evian Championship et les Jeux olympiques, celle qui court toujours après un premier succès parmi l’élite mondiale a vu sa confiance remise à l’épreuve lorsque sa semaine au Women's Scottish Open a été tronquée faute de cut. Un mal pour un bien, avec le recul. Avec deux jours de récupération, Emma Grechi arrive le lundi suivant plus en forme pour son second objectif en Écosse : décrocher un ticket en qualification pour jouer trois jours plus tard l’AIG Women’s Open, organisé pour la troisième fois en 48 ans d’existence dans le temple du golf, à St Andrews. Grâce à un solide 68 (-4), la récompense est acquise. Pour la seconde fois de sa carrière après l’an passé, la Française s’invite parmi les plus grandes dans un Majeur. « C’était beaucoup d’émotions, tout golfeur rêve de jouer là-bas, encore plus un British », revit-elle avec le sourire dans la voix. « « J’étais déjà venue en 2021, mais je n’avais pas joué. En fait, je participais pour la première fois au Scottish Open et je n’avais pas passé le cut. Donc avec d’autres joueuses et avec mon père, on était allé à St Andrews pour se balader, marcher autour du parcours et prendre la fameuse photo sur le pont (entre le trou n° 1 et le n° 18, ndlr). »
Dépourvue de son œil de touriste, l’enfant du golf de Margaux était cette fois encore accompagnée par un membre de sa famille - sa mère. Comme à l’habitude, finalement. « C’est important pour moi car les événements prennent moins d’ampleur dans ma tête et je reste connectée à ce qui compte vraiment. » Dans ce cadre, il a fallu attendre quelques jours pour réaliser le rêve qu’elle vivait. « Entre la qualification le lundi, les reconnaissances mardi et mercredi, et le plongeon dans le premier tour, j’ai finalement pris conscience de tout ça en remontant le 18e trou le vendredi », avoue-t-elle. L’expérience grandissante, sans doute, a-t-elle joué également. L’an dernier (à Walton Heath, ndlr) j’étais totalement dans l’inconnu, je découvrais ce que c’était qu’un British. J’y ai peut-être trop regardé l’événement avec les yeux ébahis et c’est pour ça que j’ai manqué le cut. Cette année, je me suis mise dedans plus vite. »
Un vrai British
Parce qu’il fallait que l’expérience soit parfaite dans un Sud-Est de l’Écosse qui appelle la pluie, le vent et le froid, la joueuse et son caddie Nicholaz Pagelz ont eu droit à la quasi totalité des conditions possibles, leur permettant tout de même de rester au sec la majorité du temps. « Quand on parle d’un British, les gens pensent tout de suite à ça. Il y a plus d’exigence, de difficulté, pas le temps de se reposer sur un seul trou et, pour le coup, ça ne m’a pas perturbée plus que ça. » Son binôme suédois non plus, malgré un baptême pour lui en Majeur et donc en open britannique. S’il y a pu y avoir quelques erreurs de choix de club et une légère latence pour ajuster l’appréciation du vent, leurs deux premiers tours se déroulent sans grande punition. Et même avec une certaine aisance, amenée par l’environnement dans lequel ils évoluaient. « L’atmosphère était superbe. J’ai croisé des Français très chaleureux et, de manière générale, le public est connaisseur, raconte la Bordelaise. Les spectateurs applaudissent lorsque la balle termine à huit mètres du drapeau parce qu’ils savent que sur certains trous et avec les conditions extrêmes, ça peut être une bonne position. » Ce cocktail délicieux, elle a eu le plaisir de le siroter pendant quatre jours. Car à la conclusion du deuxième, le cut était passé sans sourciller.
De ce nouvel objectif atteint naît alors un nouvel élan de confiance. Le swing, la balle, les sensations, tous les éléments lui parlent d’une perspective d’avenir qui lui plaît. Si le score du quatrième tour mettra un terme à la régularité des trois précédents, sa 76e place finale dans l’un des cinq plus gros tournois de l’année a eu l’avantage de confirmer un avis qu’elle et son staff savaient raisonné : « Tous ces mois où j’ai continué à travailler malgré les résultats moyens, finalement ça a payé. Je le disais à ma mère : il faut y croire. »