Après le Masters chez les hommes et avant le Chevron Championship qui s'ouvre ce jeudi chez les femmes, il est bon de rappeler ce qui fait que certains tournois de golf sont considérés comme supérieurs aux autres.

Un peu de sémantique
En golf et en tennis, on parle de Majeur - par métonymie de « tournoi majeur » - pour désigner les épreuves les plus prestigieuses du calendrier, celles qu'il convient de remporter pour entrer au panthéon de son sport.
Le Grand Chelem désigne quant à lui le fait de remporter l'ensemble de ces tournois majeurs lors d'une année calendaire. Identiques chez les hommes et les femmes tapant dans la moyenne balle jaune (l'open d'Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l'U.S. Open), ceux-ci diffèrent chez les adeptes de la petite balle blanche, qui en ont trois en commun (le PGA Championship, l'U.S. Open et l'open britannique), ces messieurs ayant en sus le Masters, et ces dames le Chevron Championship et l'Amundi Evian Championship.
Mais le terme de Grand Chelem est également employé dans d'autres sports en référence à d'autres types d'exploit. En rugby, il s'agit remporter tous les matchs du Tournoi des 6 Nations ; en Formule 1, de gagner un Grand Prix en ayant mené de bout en bout, signé la pole position et le meilleur tour en course ; en baseball, de réaliser un home run alors que les trois bases sont occupées, ce qui permet de marquer quatre points en un seul coup. Et même, au-delà du sport en compétition, les explorateurs et aventuriers de l'extrême définissent leur Grand Chelem comme le fait d'atteindre les deux pôles terrestres et le plus haut sommet de chacun des sept continents !
Golf : les 9 Majeurs en 2025
Hommes
- 10-13 avril : Masters
- 15-18 mai : PGA Championship
- 12-15 juin : U.S. Open
- 17-20 juillet : The Open
Femmes
- 24-27 avril : The Chevron Championship
- 29 mai-1er juin : U.S. Women's Open
- 19-22 juin : KPMG Women's PGA Championship
- 10-13 juillet : The Amundi Evian Championship
- 31 juillet-3 août : AIG Women's Open
Un peu d'étymologie
Quelle est l'origine étymologique de Grand Chelem et Majeur ? Pour le second, elle est assez simple : majeur vient du latin major qui signifie « plus grand ». Les Majeurs sont donc des tournois considérés comme plus grands que les autres.
Pour le premier terme, en revanche, l'explication est à chercher du côté des jeux de cartes. En bridge-contrat, mais aussi dans d'autres jeux fonctionnant par tours tels que le tarot ou le whist, le Grand Chelem désigne le fait de remporter l'intégralité des levées de la partie. Chelem (parfois orthographié schlem) est la francisation phonétique du mot anglais slam, littéralement « grand coup » ou « claque » ; mais ce terme pourrait lui-même dériver de slampant, dont l'emploi est attesté dès le XVIe siècle, et qui sous-entend une tromperie ou une supercherie. Après tout, remporter tous les plis d'une même partie, n'est-ce pas jouer un bon tour à ses adversaires ?

Un peu d'histoire
Mais au fait, depuis quand l'expression Grand Chelem est-elle employée dans le sport ? Et dans le golf, plus précisément ?
On dit que le journaliste américain de tennis Allison Danzig fut le premier à l'employer pour qualifier l'exploit réalisé par son compatriote Donald Budge, vainqueur de l'open d'Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l'U.S. Open en 1938 ; mais son utilisation est attestée dans la presse dès 1933, en amont de l'U.S. Open, pour qualifier l'exploit à la portée de l'Australien Jack Crawford, vainqueur cette année-là des trois premières levées. Avant même cela, dans une Amérique fervente de bridge depuis la fin du XIXe siècle, le terme est utilisé dans le contexte du baseball dès 1910.
En golf, il est communément admis que la première référence au Grand Chelem est due à O. B. Keeler de l'Atlanta Journal, qui employa le terme pour décrire l'accomplissement réalisé par Bobby Jones au cours d'une année 1930 entrée dans les annales grâce à ses victoires au British Amateur le 31 mai, au British Open le 20 juin, à l'U.S. Open le 12 juillet, et à l'U.S. Amateur le 27 septembre. À une époque où le golf professionnel n'était pas nécessairement considéré comme plus compétitif que le golf amateur, Jones fut acclamé pour avoir réalisé « l'imprenable quadrilatère du golf », à savoir remporté les quatre trophées les plus prestigieux du monde.
Encore un peu d'histoire...
L'emploi du terme Grand Chelem en référence aux tournois majeurs du golf professionnel est largement postérieur à l'annus mirabilis du grand Bobby. Le Masters, qui en constitue aujourd'hui la première levée, ne vit le jour qu'en 1934 ; et même en 1953 lorsque Ben Hogan remporta le Masters, l'U.S. Open et le British Open (il ne put participer au PGA Championship, dont les dates chevauchaient celles du British), l'expression n'eut guère d'écho dans les journaux.
C'est en 1960 que le terme ressurgit, employé par Bob Drum du Pittsburgh Press, dans l'anticipation d'une année potentiellement historique que son ami Arnold Palmer, le meilleur joueur de l'époque, avait entamé par une victoire à Augusta. « Le Midas des fairways s'est engagé sur une voie qui pourrait le mener au plus remarquable grand chelem de golf depuis l'exploit de Bobby Jones en 1930. Le géant de Pennsylvanie béni des dieux du golf a franchi le premier jalon en remportant hier le 24e Masters [...] Trois autres grands rendez-vous l'attendent : l'U.S. Open à Denver du 16 au 18 juin, l'open britannique du centenaire sur les links historiques de St Andrews du 4 au 9 juillet, et le PGA Championship à Akron, Ohio, du 28 au 31 juillet. Si Palmer, 29 ans, parvient à ajouter ces trois joyaux à sa couronne du Masters, cette performance égalera le grand chelem de Jones », écrivait Drum le 12 avril. Si Palmer remporta l'U.S. Open, il échoua d'un coup au British et dut se contenter d'une septième place au PGA Championship.
Toutefois, la notion de Grand Chelem fit recette auprès de la presse, des joueurs ; et le monde du golf professionnel adopta définitivement sa définition actuelle dès la fin des années 60.
L'Open de France : un Majeur !
De la naissance des premières compétitions de golf, à la fin du XIXe siècle, jusqu'au consensus sur la liste des quatre Majeurs professionnels, d'autres tournois furent considérés comme Majeurs, au gré des époques, de la sensibilité des joueurs et des préférences des journalistes ! Aux États-Unis, l'étiquette fut ainsi collée sur le Western Open, le Metropolitan Open et le North and South Open ; au Royaume-Uni le British PGA Matchplay Championship bénéficia longtemps de la même considération, de même que certains opens nationaux. C'est le cas de l'open du Canada et de l'open de France, deux tournois que Walter Hagen a remporté (en 1931 et 1920 respectivement) et qu'il considérait comme des victoires majeures parce qu'acquises dans les championnats les plus importants de ces pays ! CQFD...
Sur cette photo, Walter Hagen est crédité de 16 victoires majeures, dont l'Open de France en 1920. © D. R.
La notion de « Grand Chelem en carrière » (« Career Grand Slam ») se développa à partir de là. Rétrospectivement d'abord, puisque Gene Sarazen (1935), Ben Hogan (1953), Gary Player (1965) et Jack Nicklaus (1966) l'avaient déjà accompli. Prospectivement ensuite, jusqu'à ce que Tiger Woods les rejoigne en 2000, puis Rory McIlroy il y a dix jours.
À noter que si aucun golfeur n'a réalisé le Grand Chelem stricto sensu (gagner les quatre Majeurs la même année), Woods a remporté les quatre consécutivement entre 2000 et 2001, un exploit auquel on fait référence comme le Tiger Slam.
Un peu de féminité
Dans le golf professionnel féminin, la notion de Majeur fait nettement moins consensus. Au contraire du golf masculin dans lequel les quatre Majeurs sont des tournois indépendants reconnus par les différents circuits internationaux, la liste des Majeurs féminins varie selon les circuits. Le LPGA Tour of Japan en reconnaît quatre, tous à l'intérieur de ses frontières ; le Ladies European Tour, deux : l'Amundi Evian Championship et l'AIG Women's Open.
C'est, bien entendu, la liste du LPGA Tour qui a force de loi, étant donné que le circuit américain est le plus développé sur le plan international et attire de ce fait les meilleures joueuses du monde entier. L'organisation, fondée en 1950, en reconnaît cinq... aujourd'hui (cf. encadré ci-dessus). « Le terme de Grand Chelem a été employé dans le golf vingt ans avant la création de la LPGA, et nous n'avons pas toujours eu quatre Majeurs. Nous avons commencé notre histoire avec trois, certains années nous n'en avons joué que deux, d'autres trois, d'autres quatre, et maintenant cinq », est-il indiqué sur le site officiel.
Huit tournois au total ont, ou ont eu, le statut de Majeur, le changement le plus récent étant l'addition de l'épreuve organisée sur les rives du lac Léman en 2013. « La LPGA n'a pas ajouté un cinquième Majeur pour changer l'histoire, orienter le débat ou rendre l'accomplissement d'un Grand Chelem plus difficile. Nous avons ajouté un cinquième Majeur pour donner une opportunité supplémentaire au golf féminin », explique le même article.
Le Grand Chelem en carrière chez les femmes
Même si la liste des Majeurs a varié au fil des ans, on considère que sept joueuses ont réalisé un Grand Chelem en carrière, à savoir remporter quatre Majeurs différents. Il s'agit de Louise Suggs (1957), Mickey Wright (1962), Pat Bradley (1986), Juli Inkster (1999), Karrie Webb (2001), Annika Sörenstam (2003) et Inbee Park (2015). Lauréate de cinq Majeurs différents, l'Australienne Karrie Webb est quant à elle reconnue comme l'unique auteur du Super Career Grand Slam !
À noter que si l'Américaine Babe Zaharias a gagné les trois Majeurs inscrits au calendrier en 1950, ce triplé n'est pas considéré comme un Grand Chelem par la LPGA...