En cette première moitié du XXIe siècle, Zach Johnson, Trevor Immelman, Charl Schwartzel et Danny Willett étaient très loin d'être favoris. Ils ont pourtant déjoué tous les pronostics avant d'endosser la fameuse veste verte.

Charl Schwartzel est le seul joueur à avoir réalisé quatre birdies sur les quatre derniers trous pour gagner le Masters. © Jamie Squire / Getty Images - AFP

Zach Johnson, béni des dieux

Quand il s'élance ce jeudi 5 avril 2007 pour son troisième Masters personnel, on ne peut pas dire que Zach Johnson, alors âgé de 31 ans, a la « carrure » pour s'imposer à l'Augusta National Golf Club. Cut manqué en 2005, 32e l'année suivante, son meilleur résultat dans un Majeur était jusque-là une 17e place au PGA Championship 2005. Classé 56e mondial, il n'a alors à son actif qu'un seul succès sur le PGA Tour, le Bell South Classic en 2004. Mais la météo et notamment un vent omniprésent redistribuent les cartes dans cette édition pas franchement comme les autres. Seuls huit joueurs postent ainsi une carte dans les 60 durant les quatre jours de compétition. À deux coups de l'Australien Stuart Appleby après 54 trous, l'Américain réalise un dernier tour hyper solide bouclé en 69 (-3). Ce qui lui permet de décrocher le titre, après avoir pourtant joué 76 (+4) la veille. Avec un total de 289 (+1), deux coups devant Retief Goosen, Rory Sabbatini et l'inévitable Tiger Woods - sa première deuxième place à Augusta - le natif de Cedar Rapids (Iowa) égale ici le score final le plus élevé dans un Masters avec Sam Snead (1954) et Jack Burke Jr. (1956). Il est aussi le premier golfeur au-delà du top 50 mondial à s'imposer en Géorgie. « C'est le jour de Pâques, je ne peux m'empêcher de croire que mon Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ, marchait avec moi aujourd'hui », a-t-il lancé, en fervent chrétien, au moment de recevoir la veste verte des mains du lauréat 2006, Phil Mickelson.

Zach Johnson recevant la veste verte des mains de Phil Mickelson. © Andrew Redington / Getty Images North America - AFP

Trevor Immelman, le triomphe puis la chute

Vainqueur sur le PGA Tour en juillet 2006 (Cialis Western Open), Trevor Immelman s'est surtout taillé une belle réputation sur le Sunshine Tour, le très relevé circuit pro sud-africain, et sur l'European Tour. Présent à son premier Masters en 1999 en tant qu'amateur, il revient en 2004 (cut manqué) puis en 2005 où il finit 5e ex æquo. Il ne passe pas le cut l'année suivante et termine très loin en 2007 (55e). Fin décembre de la même année, il est opéré d'une tumeur bénigne (de la taille d'une balle de… golf) au niveau du diaphragme. Lui aussi est donc tout sauf un favori à la victoire quand il se présente au Masters 2008. Et pourtant, comme habité malgré un retard dans sa préparation dû à son intervention chirurgicale, il aligne trois premiers tours magnifiques (68, 68, 69) avant d'être toutefois rattrapé par la pression le dimanche avec un difficile 75 (+3). Mais l'avance acquise entre jeudi et samedi lui permet, à -8 (280), de devancer de trois coups… Tiger Woods, devenant le premier sud-africain depuis Gary Player en 1978 à revêtir la veste verte. À 28 ans, il touche le Graal, mais ne s'en relèvera pas. Des blessures à répétition vont en effet l'écarter petit à petit du haut niveau, malgré quelques ultimes fulgurances comme cette troisième place au Scottish Open 2018. Aujourd'hui âgé de 43 ans et reconverti en consultant pour la télévision, il n'a plus joué le moindre Masters depuis 2019…

Trevor Immelman fut le 2e Sud-Africain à remporter le Masters, après Gary Player. © Andy Lyons / Getty Images North America - AFP

Charl Schwartzel, l'invité du dimanche

Contrairement à Zach Johnson et Trevor Immelman, Charl Schwartzel a déjà beaucoup gagné sur le Sunshine Tour (cinq fois entre décembre 2004 et janvier 2011) et sur l'European Tour (six fois entre décembre 2004 et janvier 2011, dont quatre fois chez lui en Afrique du Sud) quand il se présente pour son deuxième Masters. Dans le courant de l'année 2010, il a intégré le top 50 mondial, ce qui lui a permis d'obtenir dans la foulée un droit de jeu sur le PGA Tour. Pour son premier Masters (en 2010), il a fini à la 30e place avant d'enchaîner avec trois top 20 sur les autres Majeurs de la saison (16eà l'U.S. Open, 14e à The Open et 18e au PGA Championship). Mais de là à imaginer qu'il va triompher à Augusta en 2011, c'est sûrement aller un peu vite en besogne. D'autant que la victoire semble promise à Rory McIlroy. Au départ du dernier tour, le jeune Nord-Irlandais, 21 ans, possède quatre coups d'avance sur la concurrence. Son aller le dimanche n'est toutefois pas aussi maîtrisé qu'on aurait pu l'espérer et c'est avec un seul coup d'avance que le Britannique se présente au départ du redoutable par 4 du 10. C'est le début du cauchemar pour McIlroy qui dégoupille complètement : triple au 10, bogey au 11, double au 12. Totalement chamboulé, le tableau de marques change alors plusieurs fois de leaders. Jason Day, Adam Scott mais aussi Luke Donald, Geoff Ogilvy et… Tiger Woods, évidemment, ont la possibilité de l'emporter. Mais c'est finalement Schwartzel qui tire les marrons du feu en claquant quatre birdies sur les quatre derniers trous de l'Augusta National Golf Club. Jamais personne n'avait réussi un tel exploit depuis 1934 ! Cinquante ans après le premier succès de son mentor, Gary Player, premier golfeur non-américain vainqueur du Masters, un autre Sud-Africain s'impose. Seul troisième en 2017, il a rejoint en 2022 le LIV Golf dirigé par l'Australien Greg Norman. Il fait partie des dix-huit « dissidents » engagés cette semaine en Géorgie.

Danny Willett, l'improbable finish…

La victoire de l'Anglais de Sheffield en 2016 demeure toujours aujourd'hui une énigme aux abords de Washington Road, l'antre de l'Augusta National Golf Club. Tout près de déclarer forfait pour rester au chevet de sa femme qui vient de donner naissance à leur premier enfant, Danny Willett n'a en effet rien d'un vainqueur en puissance quand il s'élance ce jeudi 7 avril du tee n° 1. Pour sa première ici au Masters en 2015, il s'était contenté d'une 38e place. Ce fils d'un vicaire de l'Église anglicane et d'une mère suédoise prof de maths s'est quand même distingué quelques semaines auparavant en remportant le Dubai Desert Classic, l'un des tournois les plus cotés de la saison sur l'European Tour. Après trois premiers tours où il ne parvient jamais à jouer dans les 60 (70, 74, 72), Willett ne semble toutefois pas armé pour faire obstacle à Jordan Spieth, en route pour un second succès d'affilée. Le premier depuis Tiger Woods en 2002. Le Texan possède cinq coups d'avance à mi-parcours le dimanche. Mais comme souvent au moment d'entrer dans l'Amen Corner (l'enchaînement des trous n° 11, 12 et 13 où de nombreux Masters ont basculé), tout se dérègle. L'Américain concède un premier bogey au 10 puis un autre au 11 avant de sombrer sur le petit par 3 du 12 avec un quadruple bogey (deux balles dans l'eau). Le voilà subitement avec trois coups de retard sur Willett, qui n'en demandait pas tant. Celui-ci, comme galvanisé, va tenir le choc et rendre un sublime 67 (-5) sans bogey. Contre toute attente, il remporte le Masters devant son malheureux adversaire et un autre Anglais, Lee Westwood, abonné aux accessits (trois tops 3, trois tops 5). Comble de l'ironie, c'est ce même Jordan Spieth, vainqueur en 2015, qui lui remet la veste verte dans la Butler Cabin et devant les caméras. Totalement hagard. C'est aussi ça, la magie du Masters !

Danny Willett avait surpris tout le monde en devançant Jordan Spieth en 2016. © Andrew Redington / Getty Images North America - AFP