L’Amen Corner d’Augusta est-il si dur ? Le putting fait-il la différence au Masters ? Les joueurs d’expérience s’en sortent-ils mieux sur le tracé géorgien ? Alors que débute le premier Majeur masculin de la saison, donnons la parole aux chiffres pour séparer la réalité du mythe.
À chaque édition (et celle de 2022, qui commence ce jeudi, ne devrait pas faire exception), les mêmes affirmations reviennent quant au défi qui attend les joueurs. Trous diaboliques, greens en carrelage, obstacles d’eau gourmands… Au fur et à mesure des années et des images entrées dans le livre d’or du Masters, une mythologie s’est construite autour d’Augusta et de ce qu’il peut faire endurer aux meilleurs joueurs du monde. Mais que disent concrètement les statistiques ? Voici quatre exemples de choses entendues, et confrontées aux chiffres.
« L’Amen Corner est le passage le plus difficile d’Augusta »
Le mythe
Impossible que la semaine du Masters se déroule sans que le terme d’Amen Corner ne surgisse. Ne serait-ce que parce que l’Augusta National juge utile de ne braquer les caméras que sur ces trois trous 11, 12 et 13 pendant de longues heures de jeu. C’est donc bien connu, le tracé géorgien n’offre pas d’enchaînement de trous plus compliqué que celui-ci. Et les victimes sont légion, notamment sur le par 3 du 12, pourtant le trou le plus court d’Augusta.
Les chiffres
Oui, le passage 11-12-13 est très dur, et les prières prononcées par certains joueurs en sortant du green du 10 ne sont sans doute pas vaines. Mais à ce compte-là, mieux vaut avoir carrément un missel dans le sac, car quelques autres enfilades d’Augusta peuvent faire mal.
Sur l’ensemble de l’édition 2021 du Masters, le par 4 du 11 a été négocié par les joueurs avec un score moyen de 4,40, le par 3 du 12 en 3,11, et le par 5 du 13 en 4,62. Soit un total cumulé par rapport au par de 0,13. Bien loin des trous 4, 5 et 6, que les joueurs jouent en moyenne 0,94 coup au-dessus du par.
Surcoté, alors, l’Amen Corner ? Pas si vite. Là où le mythe est à la hauteur, c’est sur les scores au-delà du bogey. En 2021, 13 scores égaux ou supérieur au double bogey ont été enregistrés sur le 11, 11 sur le 12, et même 8 sur le 13, soit autant que d’eagles sur ce par 5 généralement touchable en deux avec un fer. Aucun autre enchaînement de trois trous à Augusta n’offre autant d’accidents de parcours. Conclusion : l’Amen Corner peut se passer très bien. Mais si la précision n’est pas là, ça peut vite très, très mal finir. Pour tout le monde...
« Pour performer à Augusta, il faut de l’expérience »
Le mythe
Chaque année, ceux qui font leur première apparition au Tournoi des maîtres ont le droit au même couplet de la part des anciens, à base de « tant que tu n’as pas joué Augusta, tu ne peux pas comprendre ». Sous-entendu, tu ne peux pas scorer, encore moins performer. Pour rêver à la veste verte, il faut être allé poser ses crampons dans les pièges du parcours inconnus de ceux qui ne connaissent le Masters que par écran interposé.
Les chiffres
Dans l’histoire du Masters, trois joueurs se sont imposés lors de leur première participation. Même si, bon, les deux premiers ne comptent pas vraiment : Horton Smith a remporté l’édition inaugurale du tournoi en 1934, dans ce qui était par définition sa première participation ; et Gene Sarazen, absent cette année-là, s’est imposé l’année suivante. Bref, le seul "vrai" vainqueur débutant est Fuzzy Zoeller, en 1979. Par comparaison, la chose est arrivée davantage de fois dans l’histoire, même récente, de l’Open britannique : Ben Hogan (1953), Tom Watson (1975) ou encore Ben Curtis (2003) ont par exemple remporté le plus vieux tournoi de golf à leur premier essai.
Pour revenir à Augusta, un contre-exemple marquant a été fourni par l’Américain Will Zalatoris l’an dernier : pour sa première participation à Augusta, il a terminé seul deuxième, à un coup d’Hideki Matsuyama.
« Ça se joue principalement au putting »
Le mythe
À Augusta, on peut voir son putt finir dans l’eau. Même quand on est le plus grand et qu’on est sur la route d’une quatrième veste verte, comme Tiger Woods en 2005.
Bref, à Augusta, sans un putter affûté comme la care d’un ski, vous n’irez jamais loin. Les greens bosselés et ultra-rapides vont feront payer la moindre imprécision, avec pour possibles conséquences de vous mettre hors-course, ou de vous rendre grotesque devant le monde entier (voire les deux).
Les chiffres
Ne nous cachons pas les choses : oui, le putting est très important à Augusta. Est-il pour autant ce qu’il y a de plus décisif ? À en croire les statistiques de strokes gained, non. Il y a plus fondamental encore.
Le strokes gained est un compartiment statistique qui tente de mesurer combien de coups un joueur gagne ou perd sur l’ensemble du champ. Il peut être calculé de manière générale sur 18 trous, ou découpé entre les différents secteurs de jeu. Ainsi, le PGA Tour distingue désormais quatre catégories : driving, approach (attaques de green), around the green (petit jeu autour du green) et putting. Et là, surprise : les sept derniers vainqueurs en date du Masters ont gagné leurs coups davantage sur les attaques de green (36 %) qu’au putting (33,6 %).
Pire encore : sur les 28 tours joués par ces sept vainqueurs, le strokes gained au putting est négatif. Le reste du champ a, en moyenne, mieux putté qu'eux. Autrement dit, les greens d’Augusta punissent surtout les balles arrivant dans les mauvaises zones que les balles mal puttées.
« À Augusta, on peut rater le fairway, il n’y a pas de rough »
Le mythe
Les participants au Masters ont tous au moins une certitude : ils ne trouveront jamais de foin au bord du parcours pour avaler leur balle comme sur les links écossais. Certes, l’herbe est tondue moins rase de part et d’autre des fairways, mais la deuxième coupe n’est jamais très sévère. Par ailleurs, quelques trous présentent des pistes franchement larges, surtout pour les meilleurs joueurs du monde. D’où l’idée reçue que le driving ne fait pas une différence fondamentale à Augusta.
Les chiffres
Pour le coup, ce mythe-ci trouve de solides fondations statistiques. Sur 7 des 14 trous d’Augusta où le driving entre en ligne de compte, la différence du taux de birdies ou mieux entre les joueurs ayant touché le fairway et ceux l’ayant raté est de moins de dix points de pourcentage. Autrement dit, la "pénalité" en cas de fairway loupé est l’une des plus basses de la saison sur le PGA Tour.
Autre chiffre parlant : depuis 2010, les joueurs ayant fini dans le top 10 du Masters ont touché en moyenne 9,6 fairways par partie. Tous leurs autres collègues à avoir terminé les quatre tours affichent un score de… 9,5. Vraiment pas de quoi faire une différence notable. Ceci dit, rough ou pas rough, les pins seront toujours capables de vous boucher la vue vers le green.