Les trophées des Majeurs. Dans le premier article de cette série consacrée aux grandes et petites histoires des récompenses offertes aux vainqueurs des Majeurs, vous apprendrez (peut-être) que la veste verte N'EST PAS le trophée du Masters. Oui, oui !
Vous avez bien lu, oui : la veste verte N'EST PAS le trophée du Masters. Même s'il symbolise mieux que tout autre butin la victoire dans le premier Majeur de l'année, l'iconique blazer n'est pas l'équivalent géorgien de la Claret Jug de l'open britannique, de l'U.S. Open Championship Trophy ou de la coupe Wannamaker du championnat de la PGA américaine.
Un trophée permanent depuis 1961
En réalité, le trophée du Masters est le... Masters Trophy. Tout simplement ! Il fut créé en 1961, vingt-sept ans après la naissance de l'épreuve, afin de rassembler sur un seul et même objet les patronymes de tous les vainqueurs. Selon le site officiel du Masters, cette réplique du club-house de l'Augusta National Golf Club fut réalisée en Angleterre et consiste en un assemblage de plus de 900 pièces d'argent, pour un poids avoisinant les 132 livres (environ 60 kilos) et un diamètre de 4 pieds (1,20 m). Sur le socle, entouré d'une bande d'argent de près de 3 mètres de longueur, sont gravés les noms des vainqueurs et de leurs dauphins.
Ce n'est donc pas ce trophée que le gagnant soulève, chaque premier ou deuxième dimanche soir d'avril, son poids et ses dimensions rendant la chose difficilement réalisable – même à l'ère de la préparation physique généralisée ! Et puisque l'inamovible original reste posé sur son piédestal au sein du club-house, c'est donc une réplique, de taille plus modeste (9 kg et 34 cm de diamètre, tout de même) mais néanmoins en argent sterling (pur à 92,5 %), que le lauréat reçoit lors de la cérémonie de remise des prix, depuis l'édition 1993 remportée par Bernhard Langer.
À noter enfin qu'une médaille d'or de 14 carats, mesurant 8 cm de diamètre, pesant 65 g et représentant comme il se doit le club-house, fait partie des récompenses offertes au gagnant depuis 1951. La même breloque, en argent, est offerte au second ; tandis que le meilleur amateur, à condition qu'il ait passé le cut du vendredi soir, a le droit de soulever la Silver Cup.
Les trophées d'antan
Avant la réplique du trophée permanent, les vainqueurs se sont vus offrir :
- De 1942 à 1959 : Une plaque de laiton gravée à leur nom (cf. photo ci-dessus) ;
- De 1954 à 1970 : Un étui à cigarettes en argent gravé à leur nom et orné des signatures des autres joueurs (cf. photo ci-dessous) ;
- De 1960 à 1992 : Un bas-relief en argent sterling représentant le club-house (cf. photo ci-dessus) ;
- De 1971 à 1992 : Une boîte en argent gravée à leur nom et orné des signatures des autres joueurs.
La veste verte, emblème mythique du Masters
Au regard des joueurs comme des fans, ces différents bibelots n'ont néanmoins que peu de valeur comparés à l'emblème mythique du Masters qu'est la green jacket. À l'issue de chaque édition depuis 1949, celle-ci est remise au vainqueur par son prédécesseur, qui l'aide à l'endosser lors d'une première cérémonie tenue pour la télévision dans la Butler Cabin, puis aux yeux du public lors de la grande remise des prix organisée devant le club-house. Sam Snead fut le premier joueur à s'en vêtir (cf. photo ci-dessous), et suite à l'instauration de cette tradition tous les vainqueurs des éditions précédentes en reçurent une à leur tour.
Mais la veste verte apparut à Augusta bien avant le premier succès de Slammin' Sammy, en 1937 précisément, à l'instigation du co-fondateur du club, Bobby Jones. Le grand champion amateur américain en eut l'inspiration lors d'une visite au Royal Liverpool Golf Club, dont les capitaines portaient tous une jaquette identique afin de marquer leur rang. Jones reprit ainsi l'idée à son compte afin de permettre aux membres de l'Augusta National Golf Club de se distinguer des spectateurs pendant le tournoi, et de permettre à ces derniers de solliciter plus facilement leur aide.
La veste verte, qui symbolise l'accession au statut de membre honoraire du club, n'est pas cependant la propriété du vainqueur. Le blazer fait d'un mélange de laine mérinos et de polyester qu'il enfile le dimanche soir appartient en effet à un membre, choisi le jour même pour sa correspondance morphologique, qui prête son vêtement le temps de la cérémonie. Après quoi, les mesures du nouveau champion sont dûment prises et « sa » veste est alors fabriquée sur mesure par un tailleur. Cinq boutons de laiton, un petit écusson brodé au logo du club et environ 2,30 m de tissu de couleur « Masters Green » (Pantone 342) sont nécessaires à sa confection, qui dure environ un mois et coûte moins de 500 dollars. Lorsqu'il la reçoit enfin, le lauréat est autorisé à la porter à sa guise durant un an, jusqu'au Masters suivant.
C'est à ce moment-là que les contraintes surgissent : de retour en Géorgie pour défendre son titre, le champion en titre est prié de rapporter sa veste, qui restera sur un cintre au club-house ; et il ne sera autorisé à la porter que lorsqu'il reviendra dans l'enceinte du club. L'anecdote concernant Gary Player, qui avait conservé chez lui en Afrique du Sud le vêtement gagné en 1961, est célèbre : Clifford Roberts, le chairman de l'ANGC, l'avait appelé pour lui signifier de la ramener à Augusta. « Si vous y tenez tant, pourquoi ne venez-vous pas la chercher ? » avait répliqué le premier étranger à gagner le Masters... qui avait ensuite fini par obtempérer.
Casper, de vert vêtu jusque dans la tombe...
Parmi les rares vestes vertes à ne pas être rangées au club-house, la plus célèbre est celle de Billy Casper, vainqueur du Masters en 1970. À son décès en 2015 à l'âge de 83 ans, son épouse transmit à l'Augusta National Golf Club sa dernière volonté : être enterré avec. Élégant jusque dans la tombe, l'Américain repose à Springville (Utah), dans le bien-nommé cimetière d'Evergreen !