Alors qu'il s'apprête à participer pour la deuxième année consécutive au Masters, le n° 1 français nous fait la visite de l'Augusta National Golf Club, ce club à nul autre pareil qui organise un tournoi à nul autre pareil.

Matthieu Pavon s'apprêtant à franchir le Hogan Bridge lors du dernier tour en 2024. © Maddie Meyer / Getty Images - AFP

À quand remontent vos premiers souvenirs du Masters ?
Je ne peux pas vraiment dire que j'ai des souvenirs du Masters étant enfant, car je me suis mis sérieusement au golf assez tard, et avant cela je ne regardais quasiment pas de golf à la télévision puisque j'étais très branché foot. Mes premiers remontent donc plutôt à l'adolescence, en particulier la victoire de Tiger Woods en 2005 avec ce fameux chip-in au trou n° 16. À partir de là, j'ai commencé à regarder le Masters à peu près tous les ans, et ça n'a fait que se confirmer au fil du temps puisque je ne l'ai jamais autant suivi que depuis que je suis passé pro. Ces dernières années, avant d'y participer, je n'en ratais pas une miette !

Pour ceux qui ont la chance de le jouer, le Masters commence aux alentours de Noël lorsque arrive dans votre boîte aux lettres cette fameuse invitation. Quelles émotions avez-vous ressenti en recevant la vôtre ?
Le truc, c'est que je n'étais pas chez moi à Noël, et je n'avais eu ma lettre dans les mains qu'en février, quand je suis rentré... Mais oui, c'est un sentiment particulier de recevoir cette enveloppe marquée Augusta National, de l'ouvrir et de tomber sur cette pochette verte contenant la lettre d'invitation... Je ne l'ai pas encadrée, mais c'est assurément un courrier que je garderai toute ma vie !

Pénétrer dans l'enceinte du club par Magnolia Lane, c'est aussi une émotion très forte ?
Bien sûr, parce qu'on a enfin le privilège de conduire dans cette allée qu'on voit dans tous les génériques des retransmissions du Masters. On sait qu'on y est enfin ! On roule tout doucement : c'est sans doute, dans le monde entier, l'allée sur laquelle les gens roulent le plus lentement possible ! On avance à l'ombre de ces arbres pour déboucher enfin sur ce petit rond-point avec un parterre de fleurs qui représente le logo du Masters. Et c'est là que ça prend tout son sens.

Magnolia Lane est sans doute, dans le monde entier, l'allée sur laquelle les gens roulent le plus lentement possible !

Vous êtes-vous mis dans la peau d'un touriste en visitant le club-house et ses salles chargées d'histoire ?
Oui, étant donné qu'on a accès à tout le club-house, j'en avais profité pour voir un maximum de choses le lundi et le mardi avant la semaine du tournoi, donc dix jours avant, lorsque j'étais venu m'entraîner là-bas. C'est génial ! Il faut absolument, quand on a la chance de pouvoir le faire, aller dans la Champions Locker Room, cette salle réservée aux champions dans laquelle les noms de tous les anciens vainqueurs sont gravés sur leurs casiers de vestiaire. C'est un endroit exceptionnel !

Est-ce que le club a des attentions à l'égard des joueurs, qui vous font vous sentir comme un invité spécial ?
Pas plus que ça, bien qu'il y ait effectivement des petits trucs atypiques, comme le fait d'utiliser le casier de vestiaire d'un membre du club pendant toute la semaine. C'est plutôt après le tournoi que les petites attentions arrivent : par exemple, après ma participation l'an dernier, j'ai reçu la photo encadrée de ma famille et moi pendant le Par 3 Contest. J'ai aussi reçu un coffret avec de magnifiques couteaux Laguiole – une marque française ! – ornés du logo du Masters.

Le Par 3 Contest, la veille du premier tour, c'est à faire ou à éviter ?
Pour moi, c'est incontournable. C'est probablement la chose la plus fun que j'ai jamais faite au golf ! Le petit parcours de par 3 est manucuré comme jamais, et le fait de pouvoir partager ce moment avec sa famille rend la chose encore plus incroyable. Donc c'est à ne manquer sous aucun prétexte, et je vais évidemment le refaire cette année.

Avez-vous ramené des souvenirs de l'an dernier ?
Oui, j'ai ramené deux ou trois objets – polos, pulls, marque-balle – des choses assez simples mais que je garde avec moi. Je joue d'ailleurs avec le marque-balle que j'ai acheté à Augusta l'an dernier.

Est-ce que le Masters dépasse tout ce qui se fait ailleurs en termes d'ambiance, de fourmillement de monde ?
Pas vraiment, car au practice, par exemple, on n'a le droit d'amener qu'un seul accompagnateur à la fois. On ne peut pas avoir son coach, son préparateur physique et son préparateur mental en même temps, c'est une seule personne. Donc ça donne un petit côté assez intimiste au tournoi, comparé à d'autres grands rendez-vous comme le Players Championship où ça grouille beaucoup plus.

Avez-vous le droit d'inviter autant de personnes que vous voulez pour vivre le tournoi avec vous ?
On a un nombre restreint de tickets. La famille proche – dans mon cas, ma femme, mon fils et mes parents – bénéficie d'accréditations spéciales, mais pour les autres – l'an dernier, j'avais fait venir mes frères et quelques amis – il faut passer sur des tickets standards.

Est-ce qu'il y a une ambiance particulière durant le tournoi, plus feutrée qu'ailleurs ?
Dans tous les tournois, de façon générale, les gens ne courent pas trop autour des trous et des greens, donc ça ne change pas vraiment du reste. Après, c'est sûr que ce n'est pas semaine où on entendra un téléphone portable sonner, donc c'est assez plaisant pour ceux qui jouent !

Est-ce que c'est facile de trouver le sommeil à la veille de son premier Masters ?
Oui, dans mon cas ce n'était pas différent d'un autre tournoi. Trouver le sommeil la veille d'un premier tour, c'est quand même beaucoup plus facile qu'avant un dernier tour où on joue la victoire...

Est-ce que le parcours est plus fatigant physiquement ou nerveusement ?
Les deux, bien sûr, mais alors qu'on s'attend à ce qu'il nous fatigue nerveusement, on s'attend beaucoup moins à son exigence au niveau physique. Il y a de gros dénivelés, beaucoup de vallonnements, et ça rend le fait de le jouer vraiment fatigant. C'est pour ça d'ailleurs que beaucoup de joueurs prennent du repos la semaine précédant le Masters, pour être frais physiquement.

Je souhaite à tout joueur et à tout fan de golf d'avoir la chance d'aller un jour à Augusta, car c'est un endroit vraiment exceptionnel.

Quels sont vos trous préférés, et ceux que vous redoutez le plus ?
Le trou que je trouve très difficile et charnière, c'est le n° 12. Ce petit par 3 est très délicat à gérer en raison du vent qui tourbillonne au-dessus du ruisseau et du green. Ce n'est pas un très long club à taper, mais le green est de travers, étroit, et en raison du vent et du moment où arrive ce trou dans la partie, ça rend ce petit wedge très compliqué à exécuter. À l'inverse, il y a des trous plus reposants, même si on ne peut pas dire qu'il y ait un seul trou facile à Augusta. Mais au 8, si on tape un bon drive, ce n'est pas très difficile derrière. Pareil pour le 2, ou le 3 également qui n'est pas très oppressant du tee.

En arrivant dans l'Amen Corner, est-on saisi comme en rentrant dans un stade ?
Pas tant que ça, car il n'y a pas de spectateurs autour du green du 12. Une fois qu'on a tapé son coup et qu'on franchit le ruisseau, on se sent un peu seul au monde car la foule est loin derrière. Alors qu'on est au cœur de l'Amen Corner, le green du 12 et le départ du 13 sont paradoxalement les deux endroits les plus calmes du parcours. On a l'impression de sortir un peu de l'événement.

Le Masters est-il votre Majeur préféré ?
Oui, mais ça peut aussi dépendre du parcours des trois autres. J'aime beaucoup l'U.S. Open, et selon le parcours qu'on joue ça peut très vite se rapprocher du Masters en termes de préférence. C'est sûr que l'endroit, l'histoire du club et les traditions du tournoi sont des choses appréciables, mais c'est avant tout le parcours qui compte à mes yeux car c'est là qu'on est censés prendre du plaisir. Et si celui d'Augusta est particulier, vallonné, un peu tordu ; il y a des parcours d'U.S. Open qui sont tout aussi intéressants à jouer, golfiquement parlant, voire plus.

Est-ce qu'il y a des contraintes particulières qu'on ne soupçonne pas au Masters ?
La seule chose qui me vienne à l'esprit, c'est la restriction des accès un peu partout. Il n'y a que la famille proche qui peut accéder à certains endroits, et même mes frères l'an dernier avaient eu du mal à venir déjeuner avec moi, donc c'est un peu dommage. Et cette fameuse règle d'une seule personne au practice à la fois, c'est un peu particulier aussi. On peut regretter que ça ne soit pas plus ouvert et accessible, mais c'est aussi ça qui fait toute l'histoire du Masters. Quoi qu'il en soit, je souhaite à tout joueur et à tout fan de golf d'avoir la chance d'aller un jour à Augusta, car c'est un endroit vraiment exceptionnel.