Présent à Évian ce dimanche, le président de la Fédération française de golf a assisté au premier sacre en Majeur de Céline Boutier. Réaction.
Vous étiez sur place, dimanche, lorsque Céline Boutier a rentré le dernier putt et gagné l'Amundi Evian Championship. Quelle était l’émotion à ce moment-là ?
À chaque fois que je suis les joueurs sur le terrain, c’est avant tout en tant que golfeur passionné. J’ai ressenti le même type d’émotion que j’ai eu la chance de vivre lorsque Julien Guerrier a gagné le British Amateur en 2006, lorsque j’étais capitaine de l’équipe championne d’Europe en 2011, lorsque le vainqueur de la candidature de la Ryder Cup 2018 a été la France, ou encore quand j’ai marché sur ce fairway du 18, le dimanche lorsque cette même Ryder Cup était terminée. C’est une chance incroyable de pouvoir vivre tout ça, et d’avoir participé, d'une certaine façon, au fait qu’elles aient pu avoir lieu.
Qu’est-ce que cette victoire en Majeur représente pour le golf français ?
Je pense que ça nous permet d’être positionnés à notre véritable place. Cela aurait été très triste, par exemple, que cette victoire ne fasse pas la une de L’Équipe. Et je tiens d’ailleurs à les remercier, car c’est le plus grand journal sportif français, il est dirigé par de grands professionnels, et quand un résultat comme celui-là arrive, ils prennent la bonne décision de mettre en avant une athlète française, qui réussit un exploit extraordinaire en gagnant un tournoi majeur.
Cette victoire, en plus, est venue dans le seul Majeur à être disputé en France. Pouvait-on rêver meilleur scénario ?
Quand on en est au point de gagner un Majeur, on prend n’importe lequel, mais il est vrai qu’Évian, c’est particulier. Et je tiens d’ailleurs à remercier Franck Riboud et Jacques Bungert (président et vice-président de l’Amundi Evian Championship, ndlr), car sans eux, il n’y aurait pas ce tournoi majeur, et donc pas de victoire de Céline hier. Il faut le rappeler : ce sont des Français qui sont à l’origine de ce tournoi, sur un parcours et un resort exceptionnels, connus dans le monde entier. Le mérite leur revient, car à l’époque de la création de ce tournoi, il fallait avoir un grain de folie, et c’est ce que j’aime.
Boutier désormais n° 4 mondiale
Le classement mondial féminin a été actualisé ce lundi, et comme attendu, Céline Boutier fait un nouveau bond, en entrant pour la première fois de sa carrière dans le top 5, précisément en 4e position, juste derrière Lydia Ko. Il s'agit naturellement du meilleur classement d'une Française au Rolex Women's World Golf Rankings... étant donné que c'était déjà le cas de la 8e place qu'elle a occupée pendant quelques semaines au printemps.
Beaucoup de réactions consécutives à la victoire d’hier parlent de Céline Boutier comme étant un exemple. En quoi est-elle un exemple ?
Au départ, elle n’était pas forcément destinée à être une grande championne. Quand vous voyez des joueuses comme Nelly Korda, vous vous dites qu’elle a des moyens physiques qui lui permettent d’avoir un ascendant. Céline, elle, mesure 1,65 m, n’est pas le même genre d’athlète que d’autres. Par contre, elle a énormément travaillé, depuis son plus jeune âge. Elle n’a pas seulement la volonté de beaucoup d’entraîner, elle a aussi un corps qui lui permet de le faire. Elle a su se préparer d’une façon remarquable. Ce n’est pas le tout de s’entraîner beaucoup, il faut le faire bien. Derrière, il y a une envie incroyable de performer au plus haut niveau. Et lorsqu’il y a des choix à faire, elle fait les bons. Il faut rappeler qu’elle a choisi, au départ, de rejoindre le Pôle France au Golf National, avant de partir dans une bonne université américaine, puis de passer professionnelle avec un bon entourage, et de s’établir à Dallas, où il y a cette culture du golf et où elle peut s’entraîner toute l’année.
Les instances de la Fédération française de golf affichent de clairs objectifs depuis plusieurs années : avoir des joueurs et des joueuses dans les tops 20 mondiaux, et jouer les victoires dans des Majeurs. Cette victoire de Céline Boutier sonne-t-elle pour vous comme une validation ?
C’est en effet ce que j’ai annoncé lorsque j’ai commencé mon mandat, sur la même longueur d’ondes que François Illouz, qui a beaucoup contribué à la construction de la politique sportive fédérale. Nous avons eu la chance d’avoir Jean Van de Velde, Thomas Levet, Grégory Havret, qui ont été très proches de gagner un Majeur. Mais leur classement mondial n’était pas celui que Céline a aujourd’hui, elle qui est depuis environ deux ans dans le top 20 mondial. Lorsqu’on y est depuis aussi longtemps, on a beaucoup plus de chances de remporter un Majeur.
L’année prochaine, les épreuves olympiques de golf se dérouleront au Golf National. Pensez-vous que la victoire de Céline Boutier à Évian va contribuer à rendre le golf plus visible, y compris médiatiquement, au sein du programme olympique ?
J’en suis persuadé. Les JO sont regardés partout dans le monde, c’est une fête du sport. En France, bien sûr, les résultats des athlètes français vont être très scrutés. Le golf français serait très fier de contribuer au succès du sport tricolore. Céline connaît très bien le Golf National. Compte tenu de sa motivation, et elle l’a dit dès dimanche, elle mettra tout en place pour faire le meilleur résultat possible. Ce sera aussi, je l’espère, l’occasion de démontrer que, lorsqu’on s’intéresse au golf, on finit par mieux le comprendre. Nos détracteurs, qui veulent faire croire que le golf est un sport de riches et que nos joueurs sont tous nantis, ne peuvent que se rendre compte qu’ils font fausse route : les parents de Céline Boutier, par exemple, ne sont pas des nantis. Ils n’étaient pas prédestinés à avoir une fille qui joue à ce niveau-là. En France, nous avons des golfeurs et des golfeuses qui viennent de tous les milieux, et quand des champions émergent, la Fédération est là, aussi, pour aider les meilleurs amateurs quand ils n’ont pas forcément les moyens de voyager pour jouer les plus grands tournois internationaux et avoir les meilleures formations.
Le dernier Majeur féminin de la saison, l’AIG Women’s Open, débute dans dix jours déjà. Que peut-on espérer pour Céline Boutier ?
Je pense qu’il faut essayer de la laisser tranquille au maximum. Dimanche, je l’ai suivie de très près, son visage n’a pas bougé du départ du 1 jusqu’au 18. Ça, c’est ce qu’on voit de l’extérieur. Dans la réalité, c’est une joueuse qui subit la pression comme tout grand athlète capable de gagner et de réaliser des exploits extraordinaires, mais elle est justement capable de la surmonter, ce qu’elle a fait. Donc ne rajoutons pas de la pression à la pression, et faisons lui confiance dans sa capacité à reconduire une telle performance.