Souvent considéré comme le moins prestigieux des quatre tournois du Grand Chelem masculin, l'USPGA est pourtant, au même titre que les trois autres, un monument vivant à la gloire du golf.
Il n'a ni le privilège de l'ancienneté, ni la légitimité de la nationalité, ni le prestige de l'exclusivité. Il ne se joue pas sur un links, ne se pose pas en test de golf suprême, ne cultive pas la tradition d'un parcours manucuré comme le jardin d'Éden. Non, l'U.S. PGA Championship n'est rien de tout ça, et il n'en souffre pas, car il ne se définit pas par rapport au British Open, à l'U.S. Open ou au Masters. Il est un Majeur, point. Et pas le quatrième, mais l'un des quatre... Souvent considéré comme le parent pauvre des quatre levées du Grand Chelem – « the minor major », disent les Anglo-Saxons – le tournoi a pourtant bel et bien une identité propre forgée au fil des décennies, et sa légende continue à s'écrire à chaque édition. « Je ne pense pas qu'il y ait un seul joueur qui dira qu'il ne veut pas gagner cette semaine », résume Victor Perez, qui le dispute pour la deuxième année d'affilée. « C'est un énorme tournoi, avec un super champ de joueurs, sur un très gros parcours. » Effectivement : avec 11 millions de dollars de dotation (en 2020, le chiffre de cette année n'a pas encore été dévoilé), 99 des 100 meilleurs joueurs du monde au départ, et un parcours qui avait enregistré le deuxième score moyen le plus haut dans l'histoire des Majeurs (78,1 le samedi lors de l'édition 2012), tous les ingrédients évoqués par le Français sont bel et bien là.
Le meilleur champ de joueurs
Côté sportif, rien à dire : en invitant systématiquement les membres du top 100 planétaire, le PGA Championship s'assure chaque année du meilleur plateau possible. Sur le papier du moins, comme l'explique Thomas Levet, quatre participations au compteur : « Le fait d'avoir le top 100 mondial garantit qu'il y a un champ très fort, mais tu l'as aussi d'une autre manière dans les opens comme le British ou l'U.S., qui organisent des qualifications. Les joueurs qui se qualifient jouent très bien sur la période donnée, indépendamment de leur classement mondial, et arrivent en pleine bourre, alors qu'à l'USPGA les anciens vainqueurs sont exemptés et certains aujourd'hui ne mettent plus une balle. » John Daly (vainqueur en 1991), Rich Beem (2002), Shaun Micheel (2003) ou encore YE Yang (2009) sont aujourd'hui au PGA Championship ce que Larry Mize et Sandy Lyle sont au Masters, et Mark Calcavecchia et David Duval au British Open : de vieilles gloires reléguées au rang de figurants, mais qui ont gagné ce droit de faire de la figuration.
Thomas Levet
La vraie particularité du champ de joueurs est bien sûr la présence de vingt professionnels de clubs, autrement dit des enseignants qualifiés via le PGA Professionnal Championship organisé fin avril ou début mai. « Il y a parfois de belles histoires qui s'écrivent quand l'un d'entre eux fait une belle semaine, voire la semaine de sa vie. Donc ça apporte un peu de piment à ce tournoi, et c'est très bien comme ça », salue Perez, qui jouera d'ailleurs ses deux premiers tours en compagnie d'Omar Uresti, le dernier lauréat du championnat des enseignants américains. Il faut quand même le reconnaître : cette particularité – un huitième du champ réservé à des professeurs n'ayant aucune chance de gagner – tient quelque peu de l'anachronisme. « On ne peut pas enlever ça à la PGA of America, car c'est leur tournoi. C'est une institution énorme aux États-Unis, et ils font un super boulot avec ce PGA Championship », indique Levet. « Le fait de remporter le prix décerné par tous les gens qui enseignent le golf aux États-Unis, ce n'est pas rien ! C'est donc un tournoi qui a une grosse valeur et qu'il faut respecter. » Seul des quatre Majeurs à être organisé par une instance représentant des professionnels, l'USPGA est enfin, en toute logique, le seul à ne pas inviter de joueurs amateurs.
Les meilleurs parcours
Du point de vue des parcours, le PGA Championship n'a rien à envier à ses confrères Majeurs. Invariablement, ce sont les meilleurs golfs des États-Unis qui reviennent : Hazeltine, Whistling Straits, Bethpage, Quail Hollow, Baltusrol, Medinah, Valhalla, etc. « En termes de rotation, ça tient la route, sans problème », estime Thomas Levet, qui voit plutôt la différence dans la façon de préparer les tracés. « Ce n'est pas le Masters avec ses greens ultra-rapides, ni l'U.S. Open avec sa difficulté extrême, ni The Open qui se joue sur un links. C'est un peu plus clément qu'à l'U.S. Open en termes de configuration et de préparation de parcours. C'est ce qui se rapproche le plus d'un tournoi normal du PGA Tour, donc le scoring y est généralement un peu meilleur. » Effectivement, depuis son passage au stroke-play en 1958, l'USPGA ne s'est gagné qu'à quatre reprises au-dessus du par, la dernière en 1976. C'est également dans ce tournoi qu'a été établi le total gagnant le plus bas par rapport au par, le fameux -20 réalisé par Jason Day en 2015. « Ça fait un Majeur qui a un peu moins de saveur que les autres de ce point de vue-là. Mais c'est un Majeur quand même ! » conclut Levet.
Il n'y a qu'à parcourir le palmarès pour s'en convaincre. Avec cinq victoires chacun, respectivement dans l'ère du stroke-play (depuis 1958) et du match-play (1916-1957), Jack Nicklaus et Walter Hagen sont les recordmen dans l'histoire du tournoi. Tiger Woods en a gagné quatre, Sam Snead et Gene Sarazen trois. Parmi les légendes du jeu, seuls Arnold Palmer et Tom Watson n'ont jamais réussi à soulever le Wanamaker Trophy. Et les derniers noms gravés sur l'énorme coupe (75 cm, 12 kg !) sont encore aujourd'hui ce qui se fait de mieux en golf : McIlroy, Thomas, Koepka, Morikawa. « Il y a eu de nombreuses surprises dans ce tournoi, des Micheel ou Beem ou même Walker, Dufner et Bradley plus récemment, mais niveau palmarès c'est pas loin d'être ce qui se fait de mieux », observe Levet. « La seule chose qui manque, c'est une édition vraiment légendaire. » Sur un parcours de Kiawah Island déjà mythique et poussé cette année à 7202 m pour devenir le plus long de l'histoire des Majeurs, et alors que la plupart des cadors du golf mondial arrivent en pleine forme, les conditions semblent réunies pour que cette 103e édition le soit.