Les trophées des Majeurs. Dans le deuxième article de cette série consacrée aux grandes et petites histoires des récompenses offertes aux vainqueurs des Majeurs, vous apprendrez (peut-être) que le trophée Wanamaker remis au lauréat est une réplique. Oui, oui !

Le trophée Wanamaker, 71 cm sous la toise et 12 kilos sur la balance... © Andrew Redington / Getty Images - AFP

Des quatre Majeurs masculins, le PGA Championship est le seul à offrir un trophée portant le nom de son donateur. Si la green jacket du Masters n'est pas la veste de M. Green, pas plus que la Claret Jug de The Open n'est la cruche de Mme Claret, le trophée Wanamaker est bel et bien une coupe offerte par un dénommé Wanamaker.

Rodman Wanamaker, le parrain du golf américain

Lewis Rodman Wanamaker, né en 1863 à Philadelphie, était l'héritier d'une chaîne de grands magasins, fondés dans cette même ville par son père, et devenus au gré des rachats sucessifs Woodies, Hecht's puis aujourd'hui Macy's. Riche à millions, ce mécène touche-à-tout s'intéressait aux arts, à l'éducation, à la culture des Amérindiens, à l'aviation, et au golf. Cet intérêt pour la petite balle blanche naquit de sa rencontre avec Alexander Findlay, joueur, club-maker et architecte écossais installé aux États-Unis, qu'il embaucha dans son magasin de Philadelphie en 1909. Familiarisé avec la discipline – bien qu'il ne soit mentionné nulle part qu'il la pratiquât lui-même – Rodman Wanamaker devint rapidement un fervent partisan de la cause golfique. Pas juste par philanthropie, mais plus probablement parce que sa société était alors en concurrence avec d'autres dans le domaine de la vente d'articles de golf.

En rassemblant les principaux acteurs du milieu dans son magasin de New York, le 17 janvier 1916, Wanamaker ambitionnait avant tout de se placer en position de force sur ce marché naissant. Il confia la direction opérationnelle du projet d'union des pros américains au professeur de Brookline, Tom MacNamara, posant par l'entremise de celui-ci les fondations de la PGA of America. L'instance regroupant les professionnels de golf des États-Unis naquit officiellement trois mois plus tard, le 10 avril, lors d'une réunion tenue à l'hôtel Martinique, au croisement de la 32e Rue et Broadway. Parmi les 78 membres élus ce jour-là, dont 35 joueurs, figurait le Français Louis Tellier. Aux termes de la charte, Wanamaker parraina la naissance du championnat annuel de la PGA of America, dont la première édition fut disputée du 10 au 14 octobre de la même année, dans l'État de New York.

Haute de 71 centimètres, large d'autant d'une anse à l'autre et de 25 cm à la base, pesant plus de 12 kilos, la coupe Wanamaker est à la mesure de son importance historique dans le golf américain : massive.

Outre le fait de prendre en charge les frais de déplacement des compétiteurs, de mettre sur la table la coquette dotation de 2580 dollars – la plus importante jamais proposée dans un tournoi de golf à l'époque – et d'offrir quelques breloques aux meilleurs (médaille d'or incrustée de diamants pour le vainqueur, d'or pour le finaliste et d'argent pour les demi-finalistes), il fit manufacturer par l'atelier de joaillerie new-yorkais Dieges & Clust une coupe en argent destinée à être conservée, une année durant, par le vainqueur. Haute de 71 centimètres, large d'autant d'une anse à l'autre et de 25 cm à la base, pesant plus de 12 kilos, la coupe Wanamaker est à la mesure de son importance historique dans le golf américain : massive.

Oops! He did it, Hagen...

L'histoire de ce trophée a pourtant failli s'arrêter brusquement, quelques années seulement après sa création. Vainqueur une première fois en 1921, Walter Hagen le remporta ensuite quatre années consécutives, de 1924 à 1927. Après sa quatrième victoire, en 1926, lorsqu'on lui demanda où était le trophée, il répliqua qu'il ne l'avait pas rapporté car il n'avait pas l'intention de le laisser quelqu'un d'autre s'en emparer. Tout le monde rigola, comme il était de coutume à chaque bon mot du fantasque et populaire champion. La plaisanterie se répéta l'année suivante, mais tourna au vinaigre en 1928 lorsque le désormais quintuple champion de la PGA of America s'inclina en quart de finale. « Je l'ai perdu », admit un Hagen tout contrit.

Le flamboyant Américain révéla honteusement qu'il avait perdu la trace de la mallette contenant la coupe au soir de sa victoire de 1925, lorsqu'il confia à un chauffeur de taxi le soin de déposer l'objet à son hôtel, tandis que lui-même partait célébrer son succès dans un night club de Chicago. Une réplique à 90 % de la taille fut produite, et les dieux du golf eurent le bon goût de permettre à Leo Diegel, vainqueur sans trophée en 1928, de réaliser le doublé l'année suivante pour enfin brandir la récompense tant méritée !

Pour éviter une nouvelle perte, le précieux trophée fut exposé au musée de la PGA of America, et l'on continua de remettre au vainqueur du PGA Championship sa réplique, jusqu'à aujourd'hui.

Puis, à la surprise générale, le trophée d'origine fut récupéré en 1931 par la PGA of America, qui le reçut à son siège new-yorkais dans une colis sans nom d'expéditeur. L'instance fit savoir qu'un concierge l'avait trouvé dans une boîte sans étiquette, entreposée au sous-sol du bâtiment de la firme L.A. Young & Company à Grand Rapids, près de Detroit. Cette même firme qui, quelques années auparavant, avait racheté la société Walter Hagen Golf Products Corporation, qui produisait les clubs au nom du champion... Comment la coupe y parvint, nul ne le sait. Toujours est-il que pour éviter une nouvelle perte, le précieux trophée fut exposé au musée de la PGA of America, et l'on continua de remettre au vainqueur du PGA Championship sa réplique, jusqu'à aujourd'hui.

Jason Dufner et les 43 bières

La suite de l'histoire est, pour le plus grand soulagement des officiels de la PGA, nettement moins mouvementée. On peut toutefois mentionner que John Daly, vainqueur en 1991, s'en servit de récipient pour stocker ses boissons fraîches ; que Jason Dufner, qui le souleva en 2013, fit savoir qu'il pouvait contenir 43 bières (l'histoire ne dit pas s'il s'agit de demis ou de pintes...) ; et qu'en 2021 Collin Morikawa manqua de s'assommer avec le couvercle en le brandissant un peu trop vivement !

« Chute à l'arrière du trophée ! » © Sean M. Haffey / Getty Images - AFP