Pour la première fois depuis sa création en 1972, le premier Majeur féminin de la saison a quitté Rancho Mirage et la Californie pour s’installer dans la banlieue de Houston. À quoi les joueuses doivent-elles s’attendre sur le Signature Golf Course dessiné par Jack Nicklaus ? Réponse en cinq points.
Et d'abord, pourquoi ce changement ?
Que ce soit lors de sa création en 1972, où il portait alors le nom de Colgate Dinah Shore Winner’s Circle, ou à partir de 1983 où il est officiellement devenu un Majeur, le Chevron Championship a certes connu autant de dénominations que de sponsors, mais une chose ne changeait jamais : son cadre. À tel point que le tracé Dinah Shore de Rancho Mirage, en Californie, semblait aussi attaché au tournoi que l’est Augusta au Masters.
Alors pourquoi, cette année, les meilleures joueuses de la planète ont-elles dû mettre le cap sur la banlieue de Houston, dans le Texas, pour se mesurer sur le Signature Golf Course de Carlton Woods ? Tout bêtement, si l’on peut dire, pour une histoire de sponsor. En octobre 2021, le LPGA Tour, organisateur du tournoi, signe un contrat avec Chevron, deuxième plus grosse compagnie pétrolière des États-Unis. Un document qui inclut le déménagement du tournoi à la fois dans l’espace, direction Houston, mais aussi dans le temps, en passant de la semaine précédant le Masters à deux semaines après. Ce dernier aspect a notamment pour but de ne pas entrer en collision médiatique avec l’Augusta National Women’s Amateur, désormais disputé en Géorgie en lever de rideau du tournoi des maîtres.
Certes, le Chevron Championship quitte son berceau californien et quelques traditions qui vont avec pour des questions paraissant, au premier abord, bassement matérielles. Mais en réalité, le sponsoring visant à augmenter la puissance financière du tournoi et sa dotation fait partie de son ADN depuis le début. Déjà, la première édition, en 1972, s’était positionnée comme le tournoi le mieux doté de l’époque, et avait vu le jour dans un contexte global de revendications quant à l’égalité entre sportifs et sportives sur ce point. L’arrivée de Chevron a permis de franchir un pas de plus dans cette direction, en faisant passer le prize money de la semaine de 3 millions de dollars en 2021 à 5 millions depuis l’an dernier.
Des greens petits et piégeux
Une chose saute aux yeux d’entrée : le Signature Golf Course de Carlton Woods n’a rien à voir avec le tracé Dinah Shore. Et une deuxième suit immédiatement : ce parcours dessiné de la main même de Jack Nicklaus porte bien son nom, tant il présente les caractéristiques les plus classiques des réalisations du Golden Bear, à commencer par les greens.
Ces derniers, surtout dans un état du Texas connu pour ses surfaces de putting aussi vastes qu’un hall de gare, se distinguent surtout par leur étroitesse. Et si c’était le seul problème. Car en plus de tout cela, les bosses, pentes et autres ondulations les tordent dans tous les sens. Même chose sur leurs pourtours, qui présentent plusieurs exemplaires de pentes en herbe rase qui éconduisent sans ménagement les balles imprudentes. Autrement dit, gare au petit jeu émoussé cette semaine.
C'est long, c'est long...
Les décisions des organisateurs quant au positionnement des repères de départ seront l’un des points cruciaux à scruter. Mais d’ores et déjà, les longues frappeuses peuvent avoir le sourire : avec 6240 m pour un par 72, le Signature Golf Course va voir sortir beaucoup de longues cannes. D’autant que les conditions atmosphériques ont été particulièrement humides en début de semaine.
Certes, en valeur absolue, la différence n’est pas énorme avec Rancho Mirage, qui affichait 6184 m au garrot. Mais quatre trous devraient particulièrement mettre les joueuses à l’épreuve : les pars 3.
Situés au 3, au 7, au 12 et au 17, ces quatre trous affichent des longueurs comprises entre 170 et 202 mètres. Soit des longueurs pour lesquelles un certain nombre de joueuses vont être contraintes de taper plus long que de la ferraille. Sans oublier une chose : les greens sont petits.
Céline Boutier, n° 1 française, auprès de LPGA Communications
Pas la peine de garder le carnet
Les joueuses engagées dans ce Chevron Championship 2023 et qui repartiront pour un tour l’an prochain devraient trouver du changement dans le paysage. À partir de mai et jusqu’à novembre, période durant laquelle il sera complètement fermé aux joueurs, le Signature Golf Course, inauguré en 2001, subira une vaste campagne de travaux. Objectifs, principalement : resurfacer l’intégralité des greens, et creuser de nouveaux bunkers.
On songerait, spontanément, à une mise à niveau du parcours maintenant qu’il accueille un Majeur, mais en réalité, cette rénovation a été imaginée puis décidée avant le partenariat avec Chevron. Elle aurait même eu lieu un an plus tôt, s’il n’avait fallu, dès ce printemps 2023, accueillir l’élite du golf mondial.
Je fais quoi, je saute ?
La tradition faisait immanquablement partie du rituel de la championne à Rancho Mirage : sitôt couronnée, celle-ci se devait (en se faisant d’ailleurs rarement prier) de piquer une tête dans Poppie’s Pond, la pièce d’eau jouxtant le green du 18. Patricia Meunier-Lebouc, seule Française victorieuse du tournoi à ce jour, avait pu, avec son mari et coach Antoine Lebouc, en goûter la température en 2003.
Coup de chance : à Carlton Woods également, une mare accompagne le final du 18. Mais si Poppie’s Pond faisait office d’aimable mare aux canards où même ces derniers auraient pied, il s’agit cette fois d’un étang tout de qu’il y a de plus naturel, et surtout sauvage. Les organisateurs l’assurent : le parcours est convenablement clôturé pour éviter l’intrusion d’alligators, et ce n’est pas encore la saison des serpents. Confiants, ils ont même installé un tremplin au bord de ladite étendue d’eau, histoire de tenter la future championne à faire le grand saut. Ceci dit, leurs propos rassurants ont tout de même permis d’apprendre que serpents et alligators font partie du décor local, fût-ce de manière saisonnière. Donc même si une joueuse s’impose avec dix coups d’avance, le Chevron Championship gardera un suspense jusqu’au bout.