Les trophées des Majeurs. Dans le quatrième et dernier article de cette série consacrée aux grandes et petites histoires des récompenses offertes aux vainqueurs des Majeurs, vous apprendrez (peut-être) que la Claret Jug peut contenir deux pintes. Oui, oui !

Qui a laissé traîner sa cruche à vin dans l'herbe ? © François Nel / Getty Images - AFP

Il convient, avant même d'évoquer l'actuel trophée de The Open, connu universellement sous le nom de Claret Jug depuis sa première présentation à un vainqueur en l'an 1873, de remonter le temps de quelques années. L'open britannique, dont la première édition se joua en 1860, était auparavant doté d'une ceinture de cuir rouge, ornée d'une grosse boucle gravée d'une scène représentant des joueurs de golf, et de petits écussons en argent. Cette récompense, dénommé Challenge Belt, fut remise aux vainqueurs des onze premières éditions, de 1860 à 1870 : Willie Park Sr. (trois fois), Old Tom Morris (quatre fois), Andrew Strath (une fois) et Young Tom Morris (trois fois). Ce dernier, plus jeune vainqueur de l'épreuve à 17 ans – un record de précocité qui n'a jamais été battu dans aucun des quatre Majeurs – eut même le privilège de conserver la ceinture grâce à ses trois victoires consécutives.

Le tournoi n'eut pas lieu en 1871, faute d'une entente entre les clubs de Prestwick, Muirfield et St Andrews sur l'ordre de rotation pour les années à venir, et de l'incapacité du trio à offrir un nouveau trophée à présenter au futur vainqueur. La Challenge Belt resta donc propriété des Morris, et finit par être donnée au Royal & Ancient Golf Club, où elle est toujours exposée, à la mort d'Old Tom en 1908. Bien avant cela, Young Tom continua à écrire l'histoire de The Open lorsqu'il remporta l'édition de 1872, son quatrième titre consécutif, performance jamais égalée depuis. Le prodige écossais reçut cette année-là une médaille d'or, récompense encore décernée aujourd'hui au Champion Golfer of the Year, mais pas le nouveau trophée permanent, qui avait été commandé mais n'était pas encore prêt. Toutefois, même s'il n'eut pas le bonheur de le soulever (il se classa 3e en 1873, 2e en 1874, ne participa pas à l'édition de 1875 en raison du décès en couches de son épouse et de son fils nouveau-né six jours auparavant, et mourut le jour de Noël la même année), c'est bien son nom qui fut gravé le premier sur l'objet : lorsque Tom Kidd le brandit en 1873, la coupe, enfin prête, portait en effet à la première ligne la mention « 1872; won by Thomas Morris, Jr.; Prestwick; 166 strokes ».

Un vulgaire pichet à vin ?!

Le trophée en question, bien sûr, n'est autre que la fameuse Claret Jug, récompense la plus mythique du golf. Officiellement appelé The Golf Champion Trophy, il s'agit d'un récipient en argent sterling d'environ 30 cm de hauteur (52,5 cm avec la base, dont les trois étages furent rajoutés au fil des décennies) et de 14 cm de diamètre (18,5 au plus large de la base). Il fut réalisé par l'orfèvrerie Mackay, Cunningham & Company, basée à Édimbourg, pour la modique somme de 30 livres sterling, financée à parts égales entre les trois clubs à l'origine de sa création.

Quant à sa fonction, elle est parfaitement explicitée par son nom : il s'agit d'un récipient à vin, « jug » signifiant « pichet » ou « cruche », et « claret » désignant le « clairet », un vin rouge léger produit dans les vignobles de Bordeaux et exporté dans les îles Britanniques depuis le Moyen Âge. Cette fonction n'a jamais été ignorée par les vainqueurs au fil des années, et l'objet est sans doute le trophée sportif qui a été le plus fréquemment rempli d'alcool, du Romanée-Conti à 40 000 $ la bouteille de Phil Mickelson à la Guinness de Stewart Cink en passant par le Jägermeister de Rory McIlroy ou le bourbon du Kentucky « exceptionnellement exceptionnel » de Brian Harman l'an dernier ! Information importante : Cameron Smith, vainqueur en 2023, fit savoir que la pichette pouvait contenir environ deux pintes, soit un peu plus d'un litre, autrement dit un faible nombre de gorgées pour Darren Clarke et Shane Lowry !

Une simple copie ?!

La Claret Jug que l'on remet chaque année au vainqueur, dès que le graveur a terminé son travail, n'est cependant pas l'objet d'origine. Celui-ci fut utilisé jusqu'à l'édition 1927, à l'issue de laquelle il fut rangé dans une vitrine au sein du club-house du Royal & Ancient Golf Club à St Andrews, où il est toujours exposé. C'est donc une réplique exacte qui est présentée au Champion Golfer of the Year, et lui est confiée durant un an jusqu'à la cérémonie baptisée The Return, qui ouvre la semaine de l'édition suivante. Après quoi le vainqueur reçoit sa copie personnelle, et peut même commander jusqu'à trois répliques additionnelles de plus petite taille, pour décorer son bureau, sa cheminée, ou compléter son service de table...

C'est sans doute une bonne chose que l'original soit, depuis près d'un siècle, précieusement conservé dans sa châsse de verre dans le Saint des saints de St Andrews, car au fil des années les avanies infligées à la réplique se multiplièrent. En 1987, Nick Faldo la restitua aussitôt après l'avoir gagnée, voyant que le trophée remporté l'année précédente par Greg Norman présentait quelques bosses et pocs ; le résultat, dit la légende, de la proximité voire de la participation dudit trophée à un match de football australien. Lorsqu'il le récupéra, l'Anglais, soucieux de la bonne conservation de la Claret Jug, l'exposa sagement sur sa table de nuit...

En 1995, John Daly l'apporta avec lui au McDonald's où il lança le début de ses célébrations personnelles : en 1996, la fille de Tom Lehman parvint à tordre le pied de la cruche à un angle de 45° en jouant avec ; quelques mois plus tard, l'agente du même Lehman fut arrêtée par la police dans un bar de Minneapolis après avoir clamé, l'alcool aidant, avoir dérobé le trophée dans lequel elle voulait se faire servir : elle fut relâchée après un coup de fil à son patron, qui trouva la plaisanterie moyenne. Finalement, la sortie en jet-ski que Henrik Stenson lui imposa après son titre en 2016 fut peut-être la moins dangereuse de ces péripéties !

Les autres récompenses à gagner

Outre la Claret Jug, d'autres prix sont à gagner chaque année au British Open. Comme évoqué, le lauréat reçoit également, depuis 1872, la Gold Medal. Depuis 1901, tout vainqueur de l'épreuve étant membre de la PGA britannique se voit également remettre la Ryle Memorial Medal. Depuis 1924, le joueur britannique ou né de parents britanniques réalisant le score le plus bas sur un tour reçoit de la PGA britannique la Tooting Bec Cup, qui comme son nom ne l'indique pas est une médaille et non pas une coupe. Depuis 1949, la célèbre Silver Medal est donnée au meilleur amateur à l'issue des quatre tours ; et depuis 1972 tout autre amateur jouant les quatre tours reçoit la Bronze Medal. Enfin depuis 1966, la Braid-Taylor Memorial Medal est offerte au membre de la PGA britannique le mieux classé à la fin du tournoi.

Plus trivialement, le vainqueur de l'édition 2024 remportera un chèque d'un montant de 3 100 000 $, la plus grosse portion d'une dotation globale de 17 000 000 $. En 1863, première année où une enveloppe fut mise en jeu, celle-ci s'élevait à 10 £...