Après une année de hiatus en raison de la pandémie de Covid-19, les traditionnelles qualifications étaient de retour au programme de l'U.S. Open en 2021. Comme d'autres Français avant lui, Paul Barjon y a décroché sa place pour la 121e édition de l'open américain, qui débute ce jeudi en Californie. Éclairage sur cette épreuve unique en son genre.
Organisées du 26 avril au 17 mai sur 108 sites aux États-Unis, les qualifications locales, première partie de la longue route menant à Torrey Pines, ont été disputées par 8680 joueurs, professionnels ou amateurs d'index inférieur ou égal à 1,4. Au total, l'USGA qui organise ce championnat a comptabilisé 9069 demandes d'inscription, un chiffre qui comprend également les joueurs exemptés de cette première étape. La barre des 9000 inscrits a donc été franchie pour la neuvième fois d'affilée dans l'histoire du tournoi, le record étant les 10 127 de l'édition 2014 à Pinehurst. Après cette première étape, onze épreuves de qualifications finales ont été organisées, d'abord le 24 mai au Texas et au Japon, puis le 7 juin sur neuf autres sites américains, permettant à 66 joueurs de décrocher leur ticket pour le 121e U.S. Open, qui s'ouvre ce jeudi sur le parcours Sud de Torrey Pines, à San Diego (Californie).
Considéré comme le plus dur des quatre Majeurs en termes de préparation de parcours, l'open américain l'est certainement aussi du point de vue du processus de qualification. Cette année, sur les 156 joueurs dans le champ, seulement 88 étaient exemptés, entre anciens vainqueurs, lauréats d'autres Majeurs et de tournois réguliers du PGA Tour et membres du top 60 mondial, pour ne citer que les principales catégories d'exemption. Pour ceux qui n'appartiennent pas à ce club très fermé – seul Victor Perez côté français était concerné en tant que 34e joueur mondial au 24 mai – la seule voie d'accès est donc de tenter sa chance aux fameuses « qualifs ».
Paul Barjon
Si plusieurs Tricolores se sont présentés aux qualifications locales, seul Bastien Amat s'en est extirpé, mais l'étudiant à l'université du Nouveau-Mexique n'a pas franchi le deuxième obstacle. De son côté Paul Barjon, exempté de premier tour, a réussi à décrocher son ticket pour le Majeur à Dallas le 24 mai dernier en terminant 8e ex æquo (pour dix places). Non sans éprouver les incertitudes et le stress inhérents à ce genre de loterie golfique, mi-sprint mi-marathon de 36 trous dans la même journée : « Ce n'était pas évident, à tous points de vue ! J'avais joué la semaine précédente dans le Kansas sur le Korn Ferry Tour, et je suis revenu chez moi au Texas le dimanche soir avant d'entamer cette qualif' le lundi matin. C'était un peu la course ! Et par dessus tout ça, on a eu du mauvais temps durant l'épreuve, donc je n'ai pu jouer que 27 trous le lundi, et j'ai fini les 9 restants le lendemain matin. Après cela, j'ai dû patienter toute la journée au cas où j'aurais dû jouer un play-off. Évidemment il n'y en a pas eu, en tous cas pas pour moi. Ça a été deux jours vraiment intenses, mais heureusement ça s'est bien goupillé pour moi. J'ai décollé le mardi soir pour Chicago où avait lieu le tournoi suivant, qui commençait le jeudi, donc l'enchaînement a été assez épuisant », raconte-t-il.
Épuisant, à tel point que le Néo-Calédonien a sérieusement songé à jeter l'éponge : « Déjà, avant de gagner en Alabama, j'hésitais un peu à jouer cette qualif, car je pensais bien que j'allais me griller pour le tournoi à Chicago. En plus de ça, avec les tous les délais pour cause de mauvais temps qu'on a eus le lundi et le mardi, ça a effleuré mon esprit plus d'une fois de me scratcher et de partir directement à Chicago. Mais comme j'avais bien joué ces 27 premiers trous, je me suis décidé à tenter ma chance jusqu'au bout. Je ne joue pas si mal la plupart du temps quand je ne connais pas le parcours, je joue un peu à l'instinct et généralement ça tourne en ma faveur, donc j'ai bien fait de rester jusqu'à la fin ! » se réjouit celui qui disputera dans deux jours son deuxième U.S. Open, après avoir été invité l'an dernier via son classement sur la deuxième division américaine.
Grégory Havret
Dans les qualifications de l'U.S. Open, les petites histoires comme celle de Barjon sont légion. Certaines se transforment en contes de fées, comme celles de Michael Campbell et Lucas Glover, vainqueurs du tournoi en 2005 et 2009 respectivement, et tous deux sortis de ces qualifs. À d'autres, comme celle de Grégory Havret, il n'a manqué que trois fois rien... Le 24 mai 2010, le Rochelais enquille un putt de plus de 13 m pour s'inviter dans le play-off de la qualif européenne, disputée près de Londres. Quelques minutes plus tard en mort subite, il rentre un nouveau birdie et décroche sa place pour Pebble Beach. Le reste appartient à l'histoire, mais l'aventure de « Greg » aurait pu ne jamais avoir lieu : « J'ai toujours voulu jouer ces qualifs, car je pensais – et encore plus après 2010, évidemment – que ma vie pouvait basculer grâce à cette épreuve. Et c'est ce qui m'est petit peu arrivé ! Et si j'avais gagné l'U.S., ça aurait été juste dingue de penser que tout s'était joué sur le fait de décider de participer ou non à ces qualifs. Car oui, j'avais envisagé de ne pas les faire ! La question s'était posée, puisque je n'avais pas très bien commencé la saison cette année-là, et en arrivant au mois de mai ce n'était pas illogique de bien préparer la Suède, Munich, l'open de France et l'Ecosse et de zapper cette qualif. Mais comme c'était Pebble Beach, j'avais quand même envie de tenter le coup », raconte le deuxième de la mythique édition 2010, un coup derrière Graeme McDowell.
Organisée traditionnellement fin mai au Walton Heath Golf Club, l'épreuve européenne a souri à de nombreux Français depuis son instauration en 2005. Christian Cévaër, Thomas Levet, Raphaël Jacquelin, Jean-François Lucquin, Grégory Bourdy, Gary Stal, Romain Wattel, Alexander Levy, Joël Stalter, Matthieu Pavon et Clément Sordet en sont tous repartis avec le sourire, au moins une fois chacun. Mais depuis que le golf est perturbé par le coronavirus, un système de qualification différent a été mis en place en Europe, avec un mini-ordre du mérite sur quelques tournois (cinq l'an dernier, trois cette année) récompensant les dix premiers – dont Romain Langasque en 2020. « Je préfère cette qualif sur 36 trous, car ça fait partie du folklore, de cette ambiance particulière de l'U.S. Open, que je trouve fabuleuse », indique Havret. « Après, c'est vrai que sportivement, c'est plus représentatif d'un niveau de jeu sur une période donnée que de le faire sur quelques tournois en amont. C'est aussi une très bonne solution pour déterminer les qualifiés européens, mais je préfère quand même l'ancienne formule, parce que j'ai toujours connu ça et que c'est vraiment un événement particulier. »
Grégory Havret et l'U.S. Open à la courte paille
« Deux ou trois ans avant 2010, il y avait onze spots qualificatifs, et j'avais terminé 12e, et on était cinq ex æquo à la 12e place. Et il fallait quand même déterminer qui serait le joueur réserve en cas de désistement de quelqu'un d'autre dans le champ de l'U.S. Open. Les arbitres nous ont réunis dans une pièce et nous ont proposé de tirer ça à la courte paille, car il ne restait plus beaucoup de lumière du jour pour faire un play-off. Mais ils ont bien dit que si l'un d'entre nous n'était pas d'accord avec cette idée, on irait jouer le play-off. Finalement tout le monde a dit oui, et on a tiré. Et j'ai tiré le premier, et j'ai eu la paille la plus courte, donc je me suis retrouvé première réserve pour cet U.S. Open. Les quatre ont commencé à râler en rigolant, à dire que finalement on devait aller jouer le play-off ! Mais au final je ne suis pas rentré dans le tournoi... »