De ses premières balles en famille à ses années d'apprentissage au Golf du Médoc, Matthieu Pavon s'est formé avec l'aide bienveillante de ses proches, en écoutant et en travaillant sans relâche.
Depuis une semaine, tout le monde en parle. La victoire de Matthieu Pavon au Farmers Insurance Open, il y a huit jours, fait la fierté de tous au Golf du Médoc, son club formateur. Au Training Center, chacun y va de son commentaire, son analyse, son anecdote. Nombreux sont ceux qui ont échangé avec lui dans la foulée de son triomphe à Torrey Pines. « Je lui ai demandé s'il comptait toujours participer au Championnat de France professionnel MCA début avril ; il m'a répondu qu'il avait un truc de prévu au même moment du côté d'Augusta », plaisante Vincent Paris, le directeur du resort. Et pendant que les enfants de l'école de golf s'affrontent sur le putting green – « celui qui la rentre de là est meilleur que Matthieu Pavon ! » – ceux qui l'ont guidé dans sa formation livrent leurs explications sur la trajectoire de Matthieu, qui a récemment pris une inflexion vertigineusement ascendante.
Une passion transmise dans le cercle familial
À l'origine de tout, il y a Béatrice Pavon-Deler, maman du nouveau champion mais également professionnelle de golf. Excellente joueuse dès l'adolescence (vice-championne de France junior en 1989, titrée en UNSS la même année, membre de l'équipe de France), elle a mis une potentielle carrière à haut niveau entre parenthèses pour permettre à son mari, le footballeur Michel Pavon, de se consacrer pleinement à la sienne. Très vite, la transmission de sa passion à elle s'est opérée dans le cercle familial : Matthieu, l'aîné de trois garçons, est né le 2 novembre 1992, alors qu'elle avait seulement 23 ans. « J'ai appris à mes enfants à jouer au golf, je leur ai mis un club dans les mains vers l'âge de trois ans. Mais je ne les ai jamais forcés, c'est eux qui me demandaient. Je voulais que ça reste un plaisir, qu'ils s'amusent. C'est venu comme ça », raconte-t-elle.
Devenue enseignante, d'abord à Vieille-Toulouse puis au Pian-Médoc, Béatrice Pavon-Deler a ainsi guidé les premiers pas de son aîné dans l'univers du golf, non sans garder intentionnellement une certaine distance : « Quand Matthieu a voulu se consacrer plus sérieusement au golf, j'ai estimé que je ne pouvais pas à la fois l'élever, lui faire réciter ses leçons d'école, et être en plus derrière lui au golf à lui bourrer le crâne. Donc je lui ai laissé les rênes en lui faisant confiance et en gardant un œil, mais je ne me suis jamais immiscée dans ses choix. Je n'ai pas voulu m'approprier la carrière de mon fils », poursuit-elle.
Prendre des autres ce qui lui était bénéfique
C'est au Golf du Médoc que les graines du futur champion ont été cultivées, avec soin et bienveillance. « Quand Matthieu est arrivé ici, il devait avoir une douzaine d'années et jouait à peine au golf. Mais il s'y est mis rapidement, même si sa passion du football dominait encore à l'époque. Mais lorsqu'il a arrêté le foot, les choses ont été relativement vite », indique Vincent Paris. Ayant obtenu son premier classement en 2003, Matthieu Pavon rejoint l'équipe du club, supervisée alors par Gilles Arnaud. « Je n'étais pas son professeur, mais il venait aux entraînements de l'équipe que j'animais. Il était sérieux, même si ce n'était pas le dernier pour rigoler », raconte celui qui officie toujours au Pian-Médoc comme enseignant indépendant. « C'était déjà quelqu'un d'intéressant physiquement et techniquement. Il avait des facilités et il n'a jamais eu besoin de tout déstructurer pour recommencer. Et puis, il avait déjà cette capacité de prendre des autres ce qui lui était bénéfique, et de s'améliorer en travaillant à sa manière. Il a quand même fait l'essentiel de son travail tout seul. »
Béatrice Pavon-Deler
Un séjour en Floride, en 2010, donne un coup d'accélérateur à la progression de Matthieu Pavon. En guise de récompense pour son bac S, le jeune homme alors âgé de dix-sept ans est envoyé par ses parents à West Palm Beach pour perfectionner son golf. Grâce au carnet d'adresse de sa maman, il récite ses gammes sous l'œil expert de Ken Martin, un pro PGA qui a un temps porté le sac de Sandy Lyle, et prend part à des petits tournois locaux. Sur le dernier mois du séjour, ce sont des amis de longue date qui accueillent le garçon : Thomas Levet et son épouse, Caroline Bourtayre, ancienne coéquipière de Béatrice Pavon-Deler en équipe de France amateur. « Thomas l'a pris sous son aile, l'a fait jouer, lui a présenté des gens, l'a amené sur des tournois, lui a appris à changer des grips et des shafts parce qu'il a un atelier dans sa maison... J'ai laissé partir mon enfant, et quelques mois plus tard j'ai vu revenir un homme », se souvient avec émotion sa maman.
« Ces gamins, c'était du pain béni »
De retour à Bordeaux, Matthieu n'a alors plus qu'une idée en tête : s'améliorer pour, un jour, devenir professionnel. À l'époque, il évolue au sein d'un groupe de jeunes joueurs passionnés de golf, au sein duquel règne une saine et amicale émulation. « Ces gamins, c'était du pain béni », sourit Gilles Arnaud. « Ils séchaient les cours pour se retrouver et jouer ensemble ! Dans ce groupe, Matthieu s'est révélé comme un leader. Pas par sa personnalité, car c'était un garçon discret, mais il a vite été un des meilleurs joueurs. » Fin 2010, il devient joueur scratch (+0,3) et atteint même +4,0 deux ans plus tard, alors qu'il commence à garnir son palmarès amateur de quelques (modestes) trophées : le Grand Prix de Bordeaux-Lac en 2012 et 2013, le championnat de son club les mêmes années.
Sur les parcours des Vignes ou des Châteaux ou au Training Center inauguré début 2013, il côtoie régulièrement Xavier Poncelet et Baptiste Chapellan, d'autres enfants du club un peu plus âgés, et passés pro quelques années avant lui. « Entre eux, ils s'amusaient, ils faisaient des petits concours de trajectoires, d'approches, de putting. La technique et la performance viennent aussi comme ça », note l'enseignant. Pour sa dernière année avec l'équipe du Golf du Médoc, Matthieu et ses copains hissent le club tout juste promu jusqu'en demi-finale de la Gounouilhou, s'inclinant seulement face à Saint-Nom-la-Bretèche, futur lauréat.
795e, son meilleur classement mondial chez les amateurs
Aussi honorable qu'elle soit, la carrière amateur de Matthieu Pavon s'effectue totalement sous les radars fédéraux. Pas d'équipe de France, de pôle Espoir ou de programme Élite pour le Bordelais, qui admettait après sa victoire à Torrey Pines que sa 800e place au classement mondial amateur (795e à son plus haut, ndlr) ne lui permettait pas d'y prétendre. « On voyait qu'il faisait quelques résultats en local, mais ça n'allait pas beaucoup plus loin que ça », se souvient Renaud Gris, alors responsable de la filière de haut niveau de la Fédération française de golf. « Je pense qu'il jouait beaucoup dans sa région, mais très peu de tournois nationaux ou internationaux à ce moment-là. Ce qui explique qu’il n’a jamais fait partie des groupes France, car à l'époque le cinquième ou sixième joueur de l'équipe de France devait être dans les 150 premiers du ranking mondial. Mais ce qui est intéressant, c'est que quand on a un vrai projet, qu'on a l'ambition de le réussir et qu'on s'en donne les moyens, on peut arriver à faire une très belle carrière même si on n'est pas dans les radars jeunes. Et je pense qu'il n'en est qu'au début. » C'est une fois passé pro, à la fin de l'année 2013, que Pavon a réellement commencé à percer : « Avant cela, ce n'était pas du tout un joueur médiocre ou moyen, c'est juste que la maturité d'un sportif arrive à des âges différents, et la sienne est arrivée vers 20 ans », estime Gilles Arnaud.
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Humilité et travail
Une maturité développée à force d'humilité et de travail, deux valeurs cardinales transmises par ses parents. « C'est la recette du sport de haut niveau », résume sa maman. « L'humilité, parce que si on peut vite se retrouver en haut, on peut redescendre encore plus vite. Le travail, parce qu'on n'a rien sans rien, surtout quand on part avec du retard par rapport aux autres. Quand on veut y arriver, il faut se donner les moyens. Son papa était un gros bosseur quand il jouait, ce n'était pas le plus doué de sa génération mais c'est celui qui a réussi car il était le plus travailleur. » Cet environnement familial favorisant a ensuite trouvé un relais dans les grands frères golfiques de Matthieu Pavon, que sont notamment Grégory Havre t, Julien Quesne et Grégory Bourdy. « Ils lui filaient des chaussures, des balles, ils l'ont présenté à Ping, ils ont fait des tas de parties avec lui en mettant des enjeux, en développant chez lui le goût de la gagne. Ils lui ont énormément donné », énumère Béatrice Pavon-Deler. « Avec tous ceux qu'il a croisés sur sa route, il a quand même eu énormément de chance, et il a su tirer le meilleur de toutes ces rencontres, parce que c'était un enfant qui écoutait beaucoup. Mais toutes ses victoires sont à lui, parce que c'est lui qui a été intelligent, et c'est lui qui a bossé. »
Au Golf du Médoc, l'excitation n'est pas près de retomber. Certes, Matthieu Pavon ne sera pas là dans deux mois pour disputer le Championnat de France professionnel MCA, mais il sera présent bien longtemps après cette édition, et toutes les suivantes d'ailleurs, dans les conversation des membres et les concours des gamins. « Tous le monde le connaît, et il connaît tout le monde », conclut Vincent Paris. « C'est un enfant du club, et on est très fiers de lui. »