Vainqueur dimanche dernier de son premier tournoi sur le Korn Ferry Tour, le joueur basé au Texas est sur le point d'accéder au PGA Tour, le circuit professionnel le plus relevé du monde. Sa trajectoire fait l'admiration de ses pairs et devanciers.
Dans quatre mois, mi-septembre, Paul Barjon attaquera sa septième année chez les pros sur le PGA Tour. Vainqueur il y a trois jours du Huntsville Championship, le natif de Bordeaux a non seulement décroché dans l'Alabama son premier trophée sur le Korn Ferry Tour, mais a aussi assuré de manière quasi-définitive son accession à l'élite. Ce n'est pas prendre trop de risques que de l'affirmer : avec 1688 points inscrits à ce jour pour la saison 2020-21 de la deuxième division américaine, il ne le lui manque que douze petites unités pour être atteindre le seuil des 1700 points et être mathématiquement certain de décrocher sa carte. Une bagatelle qu'une 44e place cette semaine dans le Tennessee, où il est engagé, suffira à combler... (voir le tableau de répartition des points) Même si elle n'est pas encore tout à fait officielle, la nouvelle était donc anticipée, comme il l'indiquait ce mardi dans le podcast de Journal du Golf : « En commençant cette année, la carte était plus ou moins sécurisée. À moins de ne pas scorer de points du tout en 2021, elle était déjà en grande partie dans la poche. »
Dans quatre mois, le PGA Tour va donc devenir le quotidien du 170e joueur mondial, qui sera seulement le troisième Français à y évoluer après Thomas Levet et Jean Van de Velde dans les années 90 et 2000. « Ça fait clairement de lui un pionnier », souligne Julien Brun, son coéquipier durant ses études à la Texas Christian University. « Avec Cyril Bouniol, c'est pour l'instant le seul Français à avoir fait le choix de faire sa vie là-bas, donc il a vraiment tout misé là-dessus. » Installé au Texas du côté de Fort Worth, Barjon n'a en effet pas quitté son État d'adoption à la fin de ses études en 2016, et y a même épousé Katrina, une Américaine rencontrée durant son cursus universitaire.
Gérer la nouveauté
Pour avoir déjà goûté au PGA Tour ces dernières années – il a participé à deux tournois en 2019, à l'U.S. Open l'an dernier et à deux autres cette saison – le joueur de 28 ans ne partira pas totalement dans l'inconnu. Et son adaptation à l'échelon supérieur ne devrait pas poser trop de problèmes, à en croire son compère de TCU : « Un peu comme quand on passe du Challenge Tour à l'European Tour, ce qu'il fait en montant du Korn Ferry Tour au PGA Tour montre qu'il a le niveau pour être performant à l'échelon supérieur. En gardant le même niveau de jeu, ça a été prouvé à maintes reprises, il n'y a aucun souci pour être bon sur le PGA Tour. Après, ce qui peut poser problème, c'est la nouveauté de cette première saison, que ce soit les parcours qu'il va découvrir pour la plupart, ou le cadre un peu différent avec les tribunes, le public, la télé, etc. C'est plus par rapport à des éléments extérieurs que ça peut être délicat à gérer, mais au niveau du jeu, il a largement ce qu'il faut pour être bon. »
Paul Barjon
Même son de cloche du côté de Thomas Levet, qui reste l'unique Tricolore à avoir décroché son droit de jeu sur le PGA Tour via l'épreuve des cartes, fin 1993 : « Quand tu gagnes sur le Korn Ferry Tour, ça veut dire que tu joues très bien, donc à lui maintenant de garder la tête dans le guidon pour continuer comme ça. C'est loin d'être impossible : il n'y a qu'à voir un gars comme Will Zalatoris qui vient de ce circuit et a failli gagner le Masters ! Donc il a toutes les armes pour être performant sur le PGA Tour, et je crois qu'il ne se fait pas trop de complexes par rapport à ça. »
Un exemple à suivre
Mais en attendant de faire ses premiers pas dans la cour des grands en tant que membre, Barjon a encore quelques cases à cocher sur le Korn Ferry Tour. « Il y a un renouvellement des objectifs avec cette victoire : je ne vise plus le top 25, je vise la première place du circuit pour avoir le meilleur statut possible l'an prochain. Gagner l'ordre du mérite peut faire une grosse différence, car le lauréat a vraiment une catégorie complète, c'est-à-dire qu'il rentre dans tous les tournois, y compris le Players Championship et les Invitationals. Les autres, à partir du deuxième, passent après le top 125 du PGA Tour de l'année précédente », expliquait-t-il encore à nos confrères. Avec seize tournois restant au programme d'ici la conclusion de la saison début septembre dans l'Indiana, et deux cents points de retard sur l'actuel leader de l'ordre du mérite (l'équivalent d'une troisième place), l'objectif paraît tout à fait réaliste.
Au-delà de ses performances récentes et à venir, c'est surtout l'exemple proposé par Paul Barjon qui fait l'admiration de ses pairs, et suscite l'espoir pour le reste du golf français. « Il s'est lancé à fond dans cette aventure américaine, et ce qu'il réalise aujourd'hui en accédant au PGA Tour est fabuleux. Les États-Unis, il ne faut pas en avoir peur, ce n'est pas injouable : oui, le niveau est plus haut, mais tu as de meilleures installations pour t'entraîner, donc c'est possible. Je pense que sa victoire va lui permettre de passer un nouveau cap, et qu'on va avoir un super représentant sur le PGA Tour l'an prochain », anticipe Levet. « Et j'espère que ça va en pousser certains à vouloir l'imiter. Il y en a beaucoup qui ont le niveau, comme lui, mais très peu qui osent pour l'instant. Je lui tire mon chapeau, car c'est toujours difficile d'ouvrir la voie pour les autres. »