Après avoir décidé de rentrer en Europe suite à la perte de ses droits de jeu sur le PGA Tour Canada, Aymeric Laussot, alors sans circuit permanent, s’est imposé dès la manche d’ouverture de l’Alps Tour. Le résultat d’un travail technique et surtout mental consciencieux pendant l’hiver.

Les pieds en Europe, mais le regard dirigé de l'autre côté de l'Atlantique pour Aymeric Laussot. © Valerio Pennicino / Getty Images - AFP

Un aspect est primordial dans l’intégralité du golf professionnel : une victoire, sur une semaine encore meilleure que les autres, peut changer votre paysage. Et ce qui est vrai au plus haut niveau du PGA Tour l’est au même titre sur le niveau plus modeste de l’Alps Tour. Encore faut-il aller chercher ladite victoire, chose jamais simple, mais réussie le 22 février dernier par Aymeric Laussot sur la troisième division européenne.

Le Parisien s’est imposé lors de l’Ein Bay Open, qui marquait l’ouverture de la saison, sur les rives égyptiennes de la mer Rouge. Présent grâce à une invitation via la ffgolf, il a d’emblée sécurisé sa place pour toute la saison, et placé son nom sur la liste des potentiels promus de fin d’année par le top 5. Contraste saisissant, lorsqu’on sait qu’au départ du tournoi, il ne comptait même pas parmi les membres à part entière de l’Alps Tour. « La victoire a un goût particulier, avoue-t-il. Je galérais, je n’avais pas encore de statut, je ne savais pas ce que l’avenir me réservait. Le fait de gagner, ça m’ouvre un peu plus de portes, comme le fait de pouvoir faire mon calendrier pour l’année. »

Retour en France à Noël

Sorti de la Texas Christian University (TCU), et passé pro dans la foulée, Aymeric Laussot a lancé sa nouvelle carrière sur le PGA Tour Canada, l’été dernier. Avec des résultats en demi-teinte : six cuts loupés et un abandon en dix tournois, et une 43e place comme meilleur résultat. « Sur le PGA Tour Canada, je faisais des places d’honneur, mais pas de dernières parties, je n’arrivais pas à franchir un cap, analyse-t-il. J’étais un peu seul, livré à moi-même. Il y avait un truc qui manquait. Je tapais bien la balle et je passais quelques cuts, mais il me manquait des trucs pour atteindre les -20 ou -22 que des mecs faisaient à la fin du week-end. »

Rien n’était perdu pour autant pour ce qui est de l’aventure nord-américaine. Après avoir passé la première étape de qualification de la Q-School du PGA Tour, en octobre, il a échoué pour quatre coups lors de la deuxième, qu’il a disputée mi-novembre en Alabama. Sans droit de jeu sur le PGA Tour Canada, et donc trop court pour bondir sur le Korn Ferry Tour, la rive ouest de l’Atlantique ne pouvait plus lui faire espérer que des circuits mineurs ou des qualifications du lundi. Un horizon entraînant un coup financier bien trop important pour un jeune professionnel comme lui. Décision est donc prise, et exécutée juste avant Noël : Aymeric Laussot rentre en Europe. « Ça m’a mis un coup au moral, admet-il. Car aux États-Unis j’avais mon chez moi, ma voiture, mes copains, des infrastructures. Ici, il a fallu que je reconstitue un staff. »

Son secret ? Compter les palmiers (et ça marche)

Le staff en question est désormais constitué de Grégory Buisson et Antoine Schwartz, avec l’appui de Kenny Le Sager pour le chipping, et la liaison gardée avec son coach physique de TCU, Michael Wood. Une escouade tournée vers un aspect de la performance en particulier : le mental. « Je lis beaucoup en ce moment, y compris des choses extra-golf, explique-t-il. Et je suis vraiment basé sur les pensées, se parler positivement au quotidien et des choses comme ça. Je vois, sur l’Alps Tour, des joueurs (pas tous évidemment) se plaindre de petites choses, comme la direction du vent. Je ne m’en rendais pas compte quand j’étais à la fac ou dans mes premiers mois de professionnel. Mais à force d’écouter des podcasts, de lire, de méditer, je me parle positivement. »

Paradoxe, Aymeric Laussot, bien qu’il songe à s’en attacher les services prochainement, n’a pas de préparateur mental attitré. Ce qui ne l’a pas empêché de trouver quelques techniques originales sur le parcours, comme il y a deux semaines en Égypte. Pour parvenir à se détacher par moments de l’enjeu, et ne pas fabriquer trop de scénarios dans sa tête, il a entrepris, entre ses coups, de compter les palmiers sur le parcours. Et si la victoire ne suffisait pas à prouver le sérieux qu’il a mis dans cette tâche, voici sa conclusion : le parcours de Sokhna en dénombre plus de mille !

Challenge Tour : Laussot ira-t-il ?

Dans la foulée de sa victoire, Aymeric Laussot a pris la 17e place du Red Sea Little Venice Open, quelques jours plus tard et sur le même parcours, avant de passer tout près d’un deuxième trophée, au pied des pyramides, lors du New Giza Open du week-end dernier. La question de sa présence toute cette saison sur l’Alps Tour étant réglée, la suivante point tout naturellement : pourra-t-il gagner sa place sur le Challenge Tour ? « La route est encore longue, il reste 12 tournois, tempère-t-il. Mais au moins je vais pouvoir jouer toute l'année. Je pense que je vais même pouvoir jouer des Challenge Tour en France, ainsi que le Championnat de France professionnel MCA (du 5 au 7 avril au Golf du Médoc, ndlr). Et puis gagner, c’est toujours bien. »

Qu’on ne s’y trompe pas pour autant, Aymeric Laussot lorgne toujours l’autre côté de l’Atlantique. Jouer un jour sur le PGA Tour est et demeurera son rêve. « Je veux retourner aux États-Unis, confirme-t-il. Je me le dis en me levant chaque matin depuis que je suis rentré en France le 23 décembre. » Partir du bas de l’échelle professionnelle et ambitionner de briller en Amérique… n’y a-t-il pas un Français qui est devenu un bel exemple de ce genre de parcours récemment ? « Ce qu’a fait Matthieu Pavon est très inspirant », confirme Aymeric Laussot, qui cite également David Ravetto et Julien Brun parmi ceux ayant gravi les échelons récemment. Deux autres anciens de TCU. Décidément une belle école.