Débarquer sur un nouveau circuit, jouer le premier événement de la saison, le remporter. Au lendemain de son tout premier titre de professionnel sur l'Asian Tour, Julien Sale est revenu sur son rebond depuis le Challenge Tour et sur le champ des possibles qu'il s’est considérablement ouvert.
En apparence, Julien Sale est un homme sur qui les déconvenues ont l’air de ne jamais laisser de trace. En 2022, à la sortie d’un Championnat du monde amateur par équipes en terre française, la déception d’une 6e place finale qui avait pourtant la silhouette d’un podium au départ du dernier tour n’avait gagné le Réunionnais que pour quelques secondes. « J’aurais aimé finir ma carrière amateur sur une médaille, mais ce n’est pas grave, c’est comme ça », relativisait-il à l’époque dans un haussement d’épaules doublé d’un grand sourire. De cette mentalité se dégageait un portrait assez net de celui dont les traits ont valu le surnom de « Roger » dans les rangs de l’équipe de France Messieurs. Un tempérament calme et placide qui n’est pas sans rappeler celui qu’affichait souvent la légende helvète du tennis. Cet atout lui a été une force. Une qualité qui lui a permis de monter cette même année depuis l’Alps Tour sur le Challenge Tour et d’y conserver sa carte quelque douze mois plus tard.
Et puis le destin a choisi de mettre sa nonchalance davantage à l’épreuve. Comme pour tester ses limites. Sa seconde saison au sein de la deuxième division européenne s’est faite moins linéaire : huit cuts passés sur vingt-trois tournois. « C’était un peu compliqué. J’avais l’impression d’avoir tout fait comme il fallait, d’avoir amélioré mon niveau dans tous les secteurs, sans avoir les résultats. Ça a généré beaucoup de frustration. » En fin de saison, alors que le besoin de points se faisait toujours plus conséquent à chaque nouveau rendez-vous, le mental devenait plus friable, accaparé par la quête du résultat. Et finalement, le même pansement est venu relativiser la problématique : « Ce n’est pas grave. » Les solutions de repli étaient déjà envisagées. D’abord les Cartes européennes. Et ensuite celles du circuit asiatique. « J’ai vu un de mes amis de l’époque de l’Alps Tour, Stefano Mazzoli, faire le même chemin l’an passé. En 2023, il n’avait pas gardé sa carte sur le Challenge Tour et était parti en Asie. Il avait très bien joué là-bas et, désormais, il est de retour sur la deuxième div’ européenne. »
Quand la perte de sa carte s’est officialisée fin octobre, Julien Sale s’est donc attaqué à son premier rattrapage : les Cartes européennes. À la suite d’une première étape réussie, son niveau de jeu lors de la seconde qualification a laissé entrevoir un dénouement similaire. Mais un manque de réussite au moment de convertir ses birdies ont laissé le joueur de 27 ans sans issue en Europe. « Il y avait la possibilité de retourner sur l’Alps Tour… » Mais celle-ci était moins attrayant.
Changement de plans
Malgré ce deuxième revers, la confiance était tout de même là. « Je jouais très bien et je savais que c’était atteignable », évoque-t-il. Et la semaine précédant Noël lui a donné raison. En compagnie de Joël Stalter et Gary Stal, il est ressorti de l’épreuve comme le troisième mousquetaire titulaire d’un droit jeu sur l’Asian Tour, comme l’un des nouveaux explorateurs à plonger dans l’inconnu. Ce statut, il lui a suffi de six jours pour le changer.
Car au Smart Infinity Philippine Open, Julien Sale a remporté son premier tournoi disputé sur un circuit qu’il découvrait. « Je ne réalise toujours pas », tempère-t-il depuis l’Inde qu’il a rejoint pour jouer son premier International Series. Jamais en tête, sa traque a été progressive, opérée calmement. « C’est plus facile quand tu es le poursuivant car tu as une marque à atteindre. Quand ce n’est pas toi qui a la cible dans le dos et que tout le monde vise, c’est plus simple de garder son golf », résume-t-il. Malgré cette joie nouvelle, la vraie célébration n’a pas eu sa place. Inhérent au bonheur de poser son nom en haut du classement, le protocole de remise des prix a été, pour lui comme pour chaque nouveau vainqueur, un enchaînement précipité. « J’ai fini de jouer à 14 heures, j’avais deux coups d’avance et je suis allé signer ma carte. Et puis le temps de sortir, on m’a informé que la partie qui suivait n’avait pas fait d’eagle (pour forcer un éventuel play-off, ndlr). De là, on m’a emmené dans le club house, les joueurs me serraient la main, les spectateurs me félicitaient, me demandaient des photos et les représentants du Tour me briefaient pour me préciser qu’il fallait remercier tel ou tel sponsor… Et en fait, j’ai suivi le mouvement mais ça ne me laissait pas le temps d’imprimer. »
Changement d’envergure
Vingt-quatre heures plus tard, l’information n’est toujours pas vraiment intégrée, noyée par une arrivée en Inde et une première session de frappes en amont de l’International Series India presented by DLF. Là-bas, le rookie se présente dans une cour bien plus grande où se réunissent quelques grands noms du golf mondial exilés habituellement sur le LIV : DeChambeau, Niemann, Casey, Ancer… « Ça va être intéressant de se mesurer à eux », se réjouit l’intéressé. Après ça, le Tricolore aura quelques semaines pour établir un nouvel agenda en prévision de 2025. Plus libéré, plus flexible, il ne se ferme aucune porte. « Je ne veux pas tirer une croix sur l’Europe. Si, comme Stefano, j’arrive à récupérer un statut sur le Challenge Tour grâce aux quelques tournois que je vais jouer, je reviendrai. Et dans tous les cas, il y aura les cartes en fin d’année. » Enfin, dans un coin de sa tête trotte encore une ultime solution, celle qui faisait grincer des dents et qui devient de plus en plus acceptée : le LIV. « Le premier du classement International Series a un droit de jeu sur le LIV, donc oui, j’y pense ; et si ça se présente, je ne pense pas que je dirai non. Mais ce n’est pas mon objectif. » Quel que soit son choix, quelle que soit sa réussite cette année, au pire... ce n'est pas grave !