Après six saisons sur l’Alps Tour, le Drômois a sauvé sa place sur la troisième division in extremis, en décrochant un ticket via le Win Tour. De quoi se relancer, à l'aube de ses 30 ans, le défi de grimper dans la hiérarchie, tout en préparant un diplôme à côté. Rencontre.
Vous avez remporté votre première victoire sur un circuit professionnel lors de la finale du Win Tour, début novembre. Quel bonheur cela vous a-t-il procuré ?
J’étais blessé en fin de saison en 2021, au niveau de la hanche gauche, donc pas top pour le golf. Depuis cinq ou six mois, c’est vraiment parti, mais en 2022, j’ai peut-être fait l’erreur de jouer blessé. La victoire sur le Win Tour, ça a montré que j’avais retrouvé un niveau de jeu correct. Ça fait du bien physiquement et mentalement.
La sensation de gagner, tu t’entraînes pour ça tous les jours. Depuis que je suis passé pro, il y avait un gros manque là-dessus. En amateur j’ai souvent gagné, y compris des victoires par équipes, et même si tu gagnes pas tu joues souvent la gagne. Dès que tu passes pro, il y a tout de suite beaucoup plus de concurrence. Gagner, ça reste un accomplissement.
J’ai eu la sensation de faire un tournoi abouti de A à Z, même si c’était juste sur une journée. Et puis forcément, il y avait la carotte de l’Alps Tour (lire ci-dessous). J’y avais perdu ma carte, je ne m’étais même pas inscrit à la Q-School. C’était un peu ma dernière cartouche. Surtout qu’il fallait absolument que je gagne la finale, sinon je ne rentrais pas dans le top 5 du Win Tour. J’avais quand même le projet de jouer en 2024, que ce soit par les cartes françaises ou quelques invitations sur l’Alps Tour. Là, je vais pouvoir faire mon calendrier. Il y a du jeu pour l’année prochaine, et ça c’est cool.
Pour des joueurs comme vous, c’est une belle opportunité qu’il existe un circuit comme le Win Tour…
Carrément, pour les joueurs de circuits comme pour les enseignants et les amateurs. Moi je le fais depuis le début. Stanislas Caturla (le patron du Win Tour, NDLR), c’est un gars de ma génération, que je connais bien, et on jour des très bons parcours. Je n’avais pas joué Aix-Marseille depuis une Caillol (le grand-prix local, NDLR) en 2013 ou 2014, et le parcours était très compétitif, on était dans de très bonnes conditions. Même si les tournois ne sont que sur un tour, on sait qu’il faut qu’on fasse des birdies, parce que ça va aller assez bas. En tout cas, on se régale.
Trois qualifiés via le Win Tour
Le circuit français du Win Tour a proposé en 2023 dix tournois, tous sur 18 trous, mixtes et ouverts aux professionnels (enseignants compris). Pour la première fois cette année, son ordre du mérite donnait le droit, en fin de saison, à trois joueurs d'accéder à l'Alps Tour. Si Sébastien Gros, François Lamare et Thomas Dorier ont terminé aux trois premières places, eu égard aux droits déjà acquis ou aux choix des uns et des autres, les trois billets sont allés à Thomas Dorier, Sébastien Gandon (qui avait fini 4e), et Hugo Amsallem. Par ailleurs, Arthur Armeil-Planchin et Gabriel Naveau ont vu leurs droits d'inscription aux Cartes de l'Alps Tour payé par le Win Tour. Malheureusement, ni l'un ni l'autre n'ont pu intégrer le top 35, synonyme de droits de jeu complets.
Justement, comment envisagez-vous votre année 2024 ?
Je viens de faire ma rentrée au Creps de Montpellier pour le BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l'Éducation populaire et du sport, NDLR), en format accéléré avec des cours théoriques jusqu’à février-mars, ce qui va me permettre d’attaquer sur une saison quasi pleine à partir de mars, même si je ne vais sans doute pas jouer les tout premiers tournois en Égypte. Il y a le diplôme et d’autres choses à faire.
D'ailleurs, ça va faire du bien de faire quelque chose à côté, de m’investir dans autre chose. Ces deux dernières années ont été pesantes au niveau des résultats. Mes saisons 2022 et 2023 ont été moyennes, alors que j’avais plus d’attentes. Le côté financier est forcément de plus en plus dur. Alors que c’était plutôt crescendo sur mes trois ou quatre premières années. En 2020, je crois que j’étais 5e ou 6e à la mi-saison, mais j’ai mal fini. En 2021, je fais un top 20 sur le Challenge Tour à Pléneuf, sur l’Alps Tour je suis pas mal aussi. À la fois je n’étais pas loin de monter, avec plusieurs tops 10, mais à la fois je finissais 20e. Ce qui est dommage, c’est que mes deux meilleures saisons, c’étaient les années Covid, et il n’y avait pas de cartes sur le Tour européen. C’était aussi frustrant.
Sébastien Gandon, à l'issue de sa 6e saison consécutive sur l'Alps Tour.
Vous avez enchaîné six saisons sur l’Alps. Qu’est-ce qui peut parfois transformer cette situation en galère ?
C’est une galère financière seulement en partie, car si on joue les tournois, déjà, c’est qu’on a l’argent pour les jouer, donc des sponsors ou des proches qui nous aident. La galère, c’est plutôt quand on essaie de se projeter sur l’avenir, à moyen et long terme. Pour la vie de famille, c’est compliqué de payer un loyer, de prévoir d’acheter un appartement, de faire des enfants. Ça donne des limites de vie, et le temps qui passe fait que ça devient une limite de temps. Les deux ou trois premières saisons ça va, il y a encore l’insouciance, la jeunesse. Moi ça fait un peu plus de deux ans que j’ai une chérie, donc il y a forcément des projets. Et même si j’ai la chance d’avoir quelqu’un qui est à fond derrière moi et qui croit en moi, on a encore moins envie de décevoir, il y a un peu de pression là-dessus.
Parce que, justement, il faut essayer de ne pas emmener ça sur le parcours ?
C’est vrai que sur le parcours, c’est dur de ne pas y penser. Mais au final, c’est un métier passion. On voyage, on jour au golf, on est avec les potes. Il y a beaucoup de moments de rigolade, on n’est pas dans un bureau. Moi, j’ai arrêté les études il y a environ sept ans (j’ai fait un DUT techniques de commercialisation), et ça fait sept ans que mon boulot, c’est les voyages, que je bosse dehors à m’entraîner quand je suis chez moi en France. On a beaucoup de chance là-dessus. Franchement, c’est loin d’être une galère.
C’est davantage l’enchaînement des saisons au même niveau, sans aller plus haut, qui est dur à gérer ?
Oui, c’est sûr que c’est dur de garder la motivation. Moi, au niveau mental, ça va. Mais il y en a, ils ne sont pas loin de la dépression. C’est dur parce que c’est surtout très dur d’évoluer, il n’y en a que cinq qui montent. On l’a vu cette année avec, par exemple, Augustin Holé qui fait une super saison, qui a gagné la finale de l'Alps Tour, qui a failli se qualifier pour la finale des Cartes européennes, et qui se retrouve à ne pas monter, alors qu’il a super bien joué au golf. Ça montre à quel point c’est dur.
Mais donc, en préparant un diplôme pour devenir enseignant, vous vous êtes ménagé un plan B ?
Oui, quelque chose qui puisse me libérer mentalement sur le terrain. Techniquement, je sens que j’évolue d’année en année, c’est de mieux en mieux. Cette année, j’ai commencé à bosser avec un pote de Lyon, Hubert Tisserand, qui lui-même connaît le haut niveau. Il me donne confiance, et petit à petit, je reprends du plaisir. Je me dis que l’année prochaine, sans pression, j’ai le niveau pour faire des cuts sur le Challenge Tour, voire plus. On verra bien ce qui se passe. En tout cas je vais me préparer pour. J’aurais moins de temps avec le diplôme, il va falloir faire du qualitatif. La double casquette d’entraîneur va peut-être m’aider à être un meilleur joueur, pourquoi pas…
En tout cas, la technique et la transmission, c’est quelque chose qui me plaît. J’ai baigné là-dedans jeune, je suis d’une famille de golfeurs. Je vais avoir 30 ans à la fin de l’année, donc il va être temps de gagner sa croûte. Je commence aussi à être demandé sur Lyon, pour faire des événements ou des parcours accompagnés. À partir de mars, je vais devoir faire 300 heures de stage, que je vais partager entre un golf indoor, qui a ouvert entre Lyon et Saint-Étienne, et l'école de golf à Lyon-Verger. Si j’ai le diplôme en plus fin 2024, je serai légitime pour donner des cours. On verra derrière si je peux enchaîner sur le diplôme d'État. Tout est ouvert. Ça donne du recul, et je sais qu’il m’en faut pour évoluer.