Parmi les sujets méconnus mais essentiels dans la pratique sportive, celui de la perte auditive apparaît comme primordial. Trop peu de personnes sont bien informées sur la perte auditive et ses conséquences psycho-sociales, mais également sur son impact sur la pratique sportive. Pourtant, des solutions existent, comme les aides auditives qui permettent aux golfeurs de profiter de leur sport dans les meilleures conditions possibles. Oui : s'équiper peut avoir des effets positifs, peut-être même plus particulièrement dans une pratique golfique. Voici pourquoi.
L’oreille est un double capteur : on l'associe souvent à l’ouïe, mais il ne faut pas oublier l’équilibre, avec le vestibule. Si la vue vous donne la perspective, l’audition vous donnera le relief. Nous avons interrogé Yves Hervouet des Forges, médecin de la Fédération française de golf, et Jean-Baptiste Lemasson, audioprothésiste et directeur formation chez GN Hearing, partenaire de la ffgolf, pour nous parler de l’oreille et de ses deux capteurs sensoriels indispensables à la pratique du golf.
Pouvez-vous nous éclairer sur le fonctionnement de l’oreille ?
Dr Yves Hervouet des Forges : En premier lieu, je voudrais dire que la pratique régulière du golf est reconnue pour avoir de nombreuses vertus pour la santé, et constitue également souvent un « îlot de calme » dans un environnement urbain dont on sous-estime en général le niveau sonore, supérieur à 60 décibels, et le stress induit. L’oreille est composée de trois régions distinctes : externe (du pavillon au tympan), moyenne (du tympan aux osselets) et interne (des osselets à la cochlée). Dans cette dernière se situent les cellules ciliées, les fameuses cellules sensorielles qui captent les vibrations selon leur fréquence et les transforment en signal électrique, acheminé ensuite par le nerf auditif vers le cerveau. Ce signal est ensuite interprété par le cerveau. Ces cellules ciliées sont très fragiles et ne se renouvellent pas. Si elles disparaissent, elles entraînent une perte d’audition ! L'exposition prolongée à des niveaux de bruits intenses, supérieurs à 80 dB, détruit peu à peu ces cellules, et cela peut avoir des répercussions importantes sur la qualité de vie : une irritabilité, une anxiété, de l’agressivité, voire une dépression…
Jean-Baptiste Lemasson : Les deux capteurs de l’oreille fonctionnent avec des micro-cils sensibles aux mouvements. Il existe deux types de mouvements : un positionnel (déplacement du corps, de la tête dans l’espace) et un translationnel pour l’onde sonore, comme le mouvement des vagues. Avec ces deux capteurs, le cerveau se localise en fonction de sa propre position mais aussi en fonction de la source sonore. Lorsque quelqu’un crie « balle » il est préférable de connaître l’origine du son. La vue ne vous aidera pas toujours dans ce cas !
Est-ce qu’un dysfonctionnement de l’oreille peut avoir un impact sur la qualité du jeu ?
Dr Yves Hervouet des Forges : Le dysfonctionnement auditif gêne la compréhension de la parole, d’abord lorsque les ambiances sont complexes avec des sons aigus, puis progressivement sur tout le spectre des émissions sonores. La mémorisation, la concentration et l'attention sont aussi impactées, et donc la communication… Par ailleurs, l’oreille interne est le siège de l’équilibre, et le golf est un sport d’équilibre. Il est juste de penser que la pratique régulière, bien conduite, du golf « rééduque » en partie ou contribue à l’hygiène du sens de l’équilibre, en le sollicitant dans des conditions optimales et régulières.
Jean-Baptiste Lemasson : L’âge a un impact sur les différents organes sensoriels. Pour l’oreille, nous pouvons citer les pertes d’équilibre et la baisse d’audition avec notamment la presbyacousie qui est la surdité physiologique normale liée à l’âge. Mais il n’y a pas d’âge pour avoir un trouble sensoriel et donc d’âge pour utiliser des aides auditives. Sur le point de l’entraînement, on ne peut pas à proprement parler d’entraînement musculaire ou sportif, mais on peut rendre ses sens plus performants, affûtés, ou à l’inverse les désensibiliser par manque d’entraînement.
Dr Yves Hervouet des Forges
Quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes malentendantes ?
Dr Yves Hervouet des Forges : Le golf fait partie des sports majeurs accessibles aux personnes malentendantes ou sourdes. Contrairement aux sports collectifs où les malentendants peuvent se sentir exclus à cause de la nécessité de communication, le golf est un sport individuel où les échanges ne sont pas obligatoires. Cela peut passer par une maîtrise de la langue des signes et une approche pédagogique légèrement différente. En parallèle, les personnes malentendantes peuvent regarder des compétitions de golf à la télé, et ont également la possibilité de placer des paris sportifs et parier sur le golf auprès des bookmakers en ligne. Par ailleurs, les sourds et les malentendants ont leur propre compétition appelée les Deaflympics, équivalents des J.O. pour les sourds. La première édition a eu lieu en 1924 à Paris. Ils sont organisés tous les quatre ans, une année après les Jeux olympiques et paralympiques.
Jean-Baptiste Lemasson : En préparant cette interview, je me suis rendu compte que ce qui dérange mes patients malentendants me dérange aussi dans ma pratique du golf : c’est le bruit ! L’enjeu et les impacts ne sont pas les mêmes. En premier lieu, le bruit perturbe la compréhension, et en second, il perturbe la concentration. Dans ces deux situations, il y une notion d’entraînement ou de rééducation, et une notion de désensibilisation pour ne plus être perturbé : deux enjeux complexes pour les aides auditives et les sportifs.
Tous les bruits ont-ils les mêmes impacts ?
Dr Yves Hervouet des Forges : La notion de bruit et de son est complexe ; il s’agit de vibrations de l’air qui se propagent sous forme d’ondes acoustiques. L’amplitude en décibels (à partir de 80 dB les sons peuvent devenir dangereux) et la fréquence en hertz (élevée = son aigu ; lente = son grave) caractérisent les sons. À partir d’un certain seuil, les sons peuvent être potentiellement gênants et dangereux, même les sons considérés ou vécus comme agréables. Pour ce qui concerne la pratique du golf, il peut exister une pollution sonore due à l’entretien régulier du terrain, des fairways, des bunkers ou des greens, qui peut dépasser les 90 dB ! Les greenkeepers utilisent d’ailleurs des casque anti-bruit. Quant au bruit de la balle, il n’est pas entendu le plus souvent par celui qui la frappe, par suite de l’effet Doppler et de la vitesse de la balle qui s’éloigne. Mais il y a le bruit magique du drive qui « claque » la balle ! Un bruit sourd et satisfaisant lorsque la face entre en contact avec la balle, la propulsant vers votre cible avec une trajectoire élevée. Le mieux est de jouer dans une ambiance naturelle et, pour le petit jeu sur le green, dans le silence.
Jean-Baptiste Lemasson : Tout dépend du contexte. Par exemple, la parole pourra être source de communication ou source de bruit. Une discussion sur la liaison entre le trou 4 et 5 n’aura pas le même impact que sur le départ du 5. Pour un garagiste équipé d’aide auditive, entendre le bruit au travail est important, quand il joue au golf un peu moins ! Pour revenir sur la pratique, il est difficile de faire abstraction d’une conversation. On garde le silence au départ, mais on peut s’entraîner, s’habituer à oublier un bruit de fond. La musique est également perturbante si elle est isolée, comme une sonnerie de téléphone, mais oubliable si elle est continue et de volume constant, comme une musique d’ambiance.
Jean-Baptiste Lemasson
En quoi les aides auditives peuvent-elles aider un golfeur souffrant d'une baisse d’audition ?
Dr Yves Hervouet des Forges : Avec les aides auditives, il s’agit d’obtenir un « paysage sonore intégral » en évitant les bruits de scintillation, qui sont des bruits de basse fréquence en excès et qui sont très agressifs. Plus le son est net et précis, moins le cerveau est fatigué. En conséquence, le joueur interagit plus aisément avec son environnement. Le but est d’obtenir une restitution aussi naturelle que possible des environnements sonores : le cerveau reçoit tous les sons significatifs dont il a besoin pour lui permettre de fonctionner plus simplement.
Jean-Baptiste Lemasson : Du point de vue des aides auditives, les bruits seront catégorisés et traités de différentes façons avec les nombreux algorithmes. On ne gère pas la musique, le Larsen ou le bruit d'impact des clés qui tombent de la même façon. Des programmes spécifiques sont prévus, notamment un qui me tient à cœur pour le golf avec gestion du bruit du vent, gestion du bruit d’impact pour restituer le son cristallin du driver, et gestion de la localisation avec un module spécifique (M&RIE) qui permet d’avoir un micro directement dans le conduit auditif afin de profiter de son propre effet pavillonnaire. Pour faire simple, cet effet pavillonnaire naturel permet la localisation et améliore la compréhension dans le bruit. On peut donc proposer un programme spécifique pour jouer au golf, dans le calme et en extérieur, mais aussi un programme pour la remise des prix, quand c’est un peu plus bruyant... Ce n’est pas la même ambiance !
Pour un golfeur, considérez-vous que c’est un avantage ou un inconvénient de moins entendre ?
Dr Yves Hervouet des Forges : Un inconvénient, sans aucun doute ! En cas de baisse d’audition, même légère, il est recommandé de disposer d’un appareillage dès que possible car cela peut limiter la perte auditive.
Jean-Baptiste Lemasson : Un inconvénient, oui ! Dès les premiers signes de gêne auditive, il faut faire tester son audition. Il n’y a aucune raison d’attendre et plus l’appareillage est précoce, meilleurs sont les résultats. Les bénéfices sont nombreux et prouvés, pour la communication, pour les relations sociales, pour repousser les risques de déclin cognitif… Et les appareils auditifs peuvent être réglés si finement par un audioprothésiste qu’ils pourront s’adapter à toutes situations et restituer un plaisir à jouer au golf.