Le R&A et l'USGA ont officialisé leur décision ce mercredi : à partir de 2028 pour les compétitions de haut niveau et de 2030 pour tout le monde, les balles utilisées pour le jeu de golf devront répondre à de nouveaux standards d'homologation. Le top mondial chez les messieurs devrait ainsi perdre une dizaine de mètres en longueur de drive. Explications.
De quoi parle-t-on ?
C'est une annonce d'ordinaire cantonnée aux cours de tennis, mais qui, d'ici quelques années à peine, va faire irruption sur les terrains de golf : balles neuves ! La décision a été officialisée conjointement, ce mercredi, par le Royal & Ancient (R&A) et la United States Golf Association (USGA), les deux principaux organes régulateurs du jeu de golf au niveau mondial. À partir de 2028 pour les compétitions de haut niveau, et de 2030 pour toutes les compétitions de golf, les balles devront être conformes à de nouveaux standards d'homologation.
L'objectif de ce qui, avant de mettre la tête hors de l'eau, était un serpent de mer, est clair et sans détour : faire en sorte que les balles voyagent moins loin, notamment parmi les joueurs de haut niveau. Une mesure que les instances ont jugée nécessaire, afin de contrer l'obsolescence annoncée de bon nombre de parcours face à des distances toujours accrues. Différents scénarios étaient sur la table pour y parvenir, le R&A et l'USGA optant pour l'option d'un changement universel, et non pour la création, par exemple, d'une règle spécifique aux balles des professionnels.
« Ne rien faire n'est pas une option, a commenté le patron de l'USGA, Mike Whan. Nous manquerions à nos responsabilités de protection de l'avenir du jeu si nous ne prenions pas les mesures appropriées dès maintenant. »
Dans le concret, qu'est-ce qui va changer ?
Soyons clair : s'ils avaient les mains libres, les fabricants de balles de golf disposeraient d'une technologie suffisante pour concevoir des balles de golf capables de voyager sur des distances encore plus folles que celles mesurées sur les différents circuits professionnels. S'ils ne font pas sortir ces quasi satellites artificiels de leurs usines, c'est parce que des règles existent déjà pour les en empêcher. Dans la réglementation actuelle, un modèle de balle doit ainsi passer le test dit « Overall Distance Standard ». Le principe : une machine frappe les balles à la vitesse de 120 miles par heure (mph), soit environ 193 km/h, d'une manière bien précise et sous un certain angle. Pour être homologuée, la balle doit alors couvrir une distance de 317 yards (290 m), partir avec un angle de décollage de 11 degrés, et tourner sur elle-même à 2 200 tours par minute maximum.
Le changement de règlement est assez simple : la vitesse lors de ce test devra passer, à partir d'octobre 2027, de 120 à 125 mph (201 km/h environ). Et les balles devront alors rester dans les mêmes limites de 317 yards, 11 degrés et 2200 tours. Aux fabricants de trouver de quelle manière leur produit peut rester dans les clous.
Ça va donner quoi sur les distances ?
Une balle qu'on tape plus fort mais qui ne va pas plus loin, fort logiquement, donnera une balle qui ira moins loin à vitesse constante. D'accord, mais dans quelles proportions ? Selon les calculs réalisés par le R&A et l'USGA, les plus gros frappeurs du top mondial devraient voir leurs drive couvrir entre 12 et 14 mètres de moins. Mais bien évidemment, comme il s'agit surtout d'une question de proportions, plus la distance totale sera petite, plus la perte de distance sera petite.
Ainsi, le joueur moyen du PGA Tour ou du DP World Tour devrait perdre aux alentours d'une dizaine de mètres, les joueuses du LPGA Tour environ 5 ou 6 mètres, et la perte attendue pour le golfeur amateur qui joue pour son bon plaisir est estimée en-deçà de 5 mètres, toujours s'agissant des mises en jeu. Pas de quoi redouter de devoir sortir son fer 4 là où on tape d'ordinaire un wedge.
Mais alors, il va falloir changer toutes ses balles ?
Pas de panique. Certes, une annonce comme celle de ce mercredi peut amener à croire que le carton de balles de réserve entreposé dans votre garage sera amené à rejoindre la décharge, mais plusieurs aspects viennent tempérer cette désagréable perspective.
Tout d'abord, il ne s'agit pas de déclarer automatiquement illégales toutes les balles fabriquées sous l'ancienne réglementation. En effet, rien ne dit qu'un modèle de balle actuel ne soit pas capable de satisfaire les nouveaux critères. Dans la période qui nous mènera à 2028, les équipementiers auront le loisir de pratiquer tous les tests nécessaires, et ainsi de déterminer quelles balles peuvent continuer à être utilisées. John Spitzer, responsable des standards d'équipement au sein de l'USGA, estime ainsi qu'un tiers des modèles actuellement sur le marché franchiront la barrière de la nouvelle réglementation sans encombre.
Et puis surtout, les règles resteront, quoi qu'il arrive, applicables uniquement en compétition. Aucun hussard noir du R&A ne viendra contrôler votre balle lors de votre partie hebdomadaire entre copains. Certes, il vous faudra prendre la précaution d'acheter quelques balles neuves pour disputer une compétition, plutôt que de prendre le risque de jouer une balle trouvée dans un rough. Mais cette conduite vous est sans doute déjà dictée par l'ambition de faire un score correct.
Et les pros, ils en disent quoi ?
Sans la moindre surprise, cette nouvelle réglementation, baptisée « rollback » chez les Anglo-Saxons, a ses thuriféraires et ses détracteurs. Et parmi ces derniers, les styles varient. L'Américain Rickie Fowler, par exemple, parle de « grand pas en arrière », arguant qu'il existait, selon lui, « d'autres manières de faire », parlant pour ceux qui pensent que le changement en lui-même n'est pas nécessaire.
La légende Tiger Woods est sur une ligne un peu différente. Ayant pu constater par lui-même le bond gigantesque dans les distances depuis son arrivée sur le PGA Tour, dans les années 1990, il a longtemps poussé pour le changement. Mais ainsi qu'il l'a confessé en marge du Hero World Challenge de la semaine passée, il aurait préféré l'établissement de deux standards différents : un pour le haut niveau, et un pour le loisir.
D'autres mettent les deux pieds dans le plat, à l'image de Keegan Bradley. Présent lui aussi aux Bahamas la semaine dernière, le vainqueur du PGA Championship de 2011 dit avoir testé des balles de son équipementier conformes aux nouvelles règles, et avoir constaté une perte de distance au drive de l'ordre de la quarantaine de mètres. Et n'avait pas de mots assez durs contre l'USGA. Sauf qu'entre 40 m et les 15 m maximum annoncés par les instances, il y a une marge. Qui a raison ? Seul l'avenir le dira.
Enfin, côté joueurs satisfaits de l'évolution de la règle, Rory McIlroy a visiblement l'occasion de jouer une nouvelle manche de « (presque) seul contre tous ». « Je ne comprends pas la colère à propos du rollback, a déclaré le Nord-Irlandais sur le réseau social X. Ça ne va rien changer, quoi qu'on en dise, pour le golfeur moyen et remettre le golf sur la voie de la durabilité. Cela va également aider à remettre en valeurs certaines aptitudes dans le jeu des pros, qui ont été éradiquées ces deux dernières décennies. » Dixit le n° 1 du PGA Tour en distance au drive en 2023.