Le président de la ffgolf, Pascal Grizot, était en direct, ce mardi soir depuis le Centre de performance du Golf National, pour répondre aux questions de cinq intervenants sur cinq grands sujets concernant le golf français. Extraits.
L'image du golf en France
P. G. : Les meilleurs ambassadeurs, ce sont les golfeurs. On peut donner quelques clés, mais la passion de ce sport, c’est ce dont il faut parler et ce qu’il faut expliquer aux non-golfeurs. « Utiliser » les sportifs comme Matthieu Pavon et Céline Boutier, je n’aime pas tellement ça. Céline, parfois, on lui fait le reproche, et je n’aime pas trop ça, qu’elle ne sourit pas beaucoup, qu’elle est très concentrée sur sa vie professionnelle. Mais c’est exactement ce qu’on attend d’un sportif. Il est vrai que c’est très compliqué, car au golf, on a beaucoup de sollicitations. On se rappelle, à l’époque, que Tiger Woods ne regardait jamais quelqu’un dans les yeux pour rester concentré. Je préfère que nos champions soient concentrés sur leur carrière et nous ramènent des trophées, comme Céline et Matthieu nous en ont ramenés. Que ce soit Céline ou Matthieu, ils sont très généreux, ils donnent beaucoup de leur temps. Matthieu a hébergé gratuitement pendant une semaine un jeune de notre Centre de performance, pour partager avec lui son expérience. Céline fait la même chose quand elle vient ici. C’est comme ça que je veux les « utiliser ».
Une classification des golfs, comme dans l'hôtellerie ?
P. G. : C’est vrai qu’on a ce réflexe de classer tous les golfs de la même façon, alors qu’il y a différents types de golfs, comme il y a différents types d’hôtels. C’est important, pour quelqu’un qui ne joue pas au golf, de savoir où il arrive. Ce serait bien d’arriver à une classification. Nous y avons travaillé, au début de mon premier mandat, et nous avons considéré que la tâche était extrêmement compliquée, parce que, dans les hôtels, on peut mettre des critères très précis, mais dans les golfs, c’est très compliqué. Aujourd’hui, ce qu’on essaie de faire, au travers de l’application Kady, c’est de pouvoir choisir son golf en fonction de sa géolocalisation.
Depuis quatre ans, nous avons beaucoup parlé aux golfeurs. Mais si on veut continuer à soutenir la filière, il va falloir, demain, parler aux non-golfeurs. C’est une communication que nous sommes en train de mettre en place, pour attirer de nouveaux golfeurs.
Créer un Topgolf en France ?
P. G. : S’il y a un investisseur qui veut mettre une trentaine de millions pour créer un Topgolf (entreprise spécialisée dans la création de practices éclairés, connectés et ludiques, NDLR), il n’y a pas de problème, mais c’est évidemment très compliqué. Environ un tiers de nos licenciés sont en région parisienne. Donc si un investisseur veut créer un Topgolf, il faut qu’il le fasse en région parisienne, où il y a une grosse pression sur le coût du foncier, et dans un pays avec « seulement » 450 000 licenciés, ce n’est pas rentable.
Il y a des expériences très intéressantes : UGolf a créé un Topgolf « light » sur le parcours de Rueil-Malmaison, qui est un très bon concept. Là-bas, il y a beaucoup de jeunes qui n’ont jamais joué au golf, et qui viennent parce qu’ils trouvent que la pratique du golf est plus festive.
Une autre Ryder Cup au Golf National ?
P. G. : C’est vrai que la question se pose. Cette Ryder Cup 2018 a été un immense succès, et ça a été vécu comme ça par beaucoup de golfeurs. On sait que la Ryder Cup, c’est un peu les Jeux olympiques du golf, et les JO, on a dû attendre cent ans avant de les avoir de nouveau à Paris. J’espère qu’on n’attendra pas cent ans pour avoir de nouveau la Ryder Cup. J’ai entendu parler d’une candidature déposée en Espagne. L’Espagne a des difficultés pour tenir tous les engagements d’un cahier des charges pour une candidature. Donc je pense que le DP World Tour va être à la recherche d’une destination. Il ne s’agit pas seulement d’avoir un parcours. L’organisation d’une Ryder Cup, c’est dix ans, beaucoup d’argent à trouver, et si jamais la Fédération se trompe dans son budget, on aura de gros problèmes. Pour que la prochaine Ryder Cup soit aussi un très grand succès, il faut aussi que toutes les chances soient de notre côté, et on pèsera cela avec notre comité directeur.
Concernant une Solheim Cup, évidemment, nous sommes à l’affût de tout type de compétition qui peut faire rayonner le golf français, et la Solheim Cup en fait partie. Donc pourquoi pas, mais pas non plus à n’importe quelle condition.
L'organisation des Jeux olympiques
P. G. : J’ai expliqué dès le départ que les JO seraient très bien organisés en France, car j’ai eu la chance de travailler avec l’administration française, et c’est une machine de guerre qui, quand elle se met en place pour des événements importants, a un vrai savoir-faire. J’ai simplement dit que ce qui avait été organisé pour le golf n’était pas à la hauteur de ce qu’on aurait pu offrir à tous les fans de golf. Nous avons un Golf National qui peut recevoir 70 000 personnes, et la question que j’ai posée, et que je continue à poser, c’est de savoir pourquoi on n’a pris que 25 000 personnes. On m’a dit que c’était impossible, qu’il y avait le cyclisme et l’équitation sur le plateau de Saclay. J’ai pris le train pendant les JO : il était vide. Donc je dis simplement que ces JO ont été un merveilleux succès, mais il faut arrêter de se mentir. Il faut voir combien ils nous ont coûté en termes d’investissements, toute l’organisation que l’État a mise en place, et je pense que nous n’avions pas les moyens de nous payer le luxe de ne pas accueillir le nombre maximum de spectateurs qu’on pouvait prendre au Golf National.
La situation du golf professionnel masculin
P. G. : Aujourd’hui, le golf pro est dans une mauvaise situation. Moi je porte un plan simple : le PGA Tour est parfaitement légitime pour organiser des compétitions aux États-Unis, et personne ne veut remettre en cause le leadership des États-Unis dans le golf mondial. Mais à partir du moment où les États-Unis ne souhaitent pas organiser de grandes compétitions à l’extérieur des États-Unis, le reste du monde doit se prendre en main. Ce que je souhaite, c’est la création d’un second circuit, où on fusionnerait les quatre gros circuits que sont le DP World Tour, l’Asian Tour, le Sunshine Tour et le PGA Tour of Australasia. Le LIV Golf, beaucoup le critiquent, mais j’y vois une opportunité. On attend avec impatience le deal qu’ils doivent signer avec le PGA Tour, et il faut qu’ils signent exactement le même deal avec le deuxième circuit fusionné. Et dans quelques années, il y aura une fusion de ces deux circuits. Mais il faut le faire en deux temps.
Les Signature Events ne sont organisés qu’aux États-Unis. Avec Christophe Muniesa (directeur général de la ffgolf, NDLR), ça fait quatre ans qu’on demande à pouvoir organiser un tournoi sur le Golf National et à le partager avec d’autres pays, et on n’a pas de réponse. Il me semble que la NBA organise des matches de basket à Paris. Ce que les Américains ont compris au basket, ils ne l’ont pas encore compris au golf.
Le projet sportif pour les jeunes
P. G. : Pour le projet sportif, il faut tout miser sur les jeunes. On doit augmenter la densité de joueurs de moins de 18 ans. C’est la ffgolf qui organise le plus de compétitions amateurs au monde. Plus les enfants ont une pratique compétitive, et plus ils auront envie de continuer à pratiquer leur sport. Au foot, quand un jeune arrive le premier mercredi de septembre, on l’évalue, on le met dans une équipe, et le vendredi soir, on appelle les parents pour leur dire que le lendemain, ils emmènent quatre enfants pour aller jouer un match dans la ville d’à côté. Au golf, ça n’arrive jamais. Quand les nouveaux arrivent, d’abord on les envoie au practice. Ce que veulent les enfants, c’est aller sur un parcours de golf. C’est ce qu’on a commencé à faire lors de ma première mandature, et on va continuer.
On a structuré le haut niveau avec une patronne de la filière féminine, Gwladys Nocera, et un patron de la filière masculine, Grégory Havret. Leur boulot, c’est d’aller voir aussi bien des jeunes dans les écoles de golf que d’accompagner les passages professionnels. Aujourd’hui, on anticipe la façon dont on va les aider quand ils seront aux États-Unis. Là-bas, il n’y a pas vraiment de coach de swing comme il y en a ici dans les centres nationaux de performance. On a engagé un travail pour que, lors de leur dernière année, ils travaillent beaucoup plus en autonomie. Aujourd’hui, les meilleures facs viennent recruter nos joueurs, et on regarde avec eux quelle est la meilleure solution pour eux. On a l’expérience pour que nos joueurs partent aux États-Unis et qu’on continue de les accompagner pour progresser au plus haut niveau. Mon modèle, c’est Bastien Amat : un garçon qui ne faisait pas beaucoup de bruit ici en France, mais qui s’est qualifié pour l’U.S. Open via les qualifications, et qui a eu sa carte directement sur le DP World Tour via les Cartes. Ce sont les meilleurs joueurs du monde qui arrivent à faire ça. Donc on ne veut pas vendre un modèle, mais s’adapter, faire du sur-mesure pour nos meilleurs joueurs. Le modèle de Tom Vaillant et Martin Couvra, ce n’est pas celui de Bastien Amat, et ce ne sera pas celui d’Hugo Le Goff ou d’autres jeunes qui sont aujourd’hui dans les centres de performance.
Des dérogations contre l'arrêt de l'utilisation des produits phytosanitaires ?
P. G. : La problématique, c’est le mot « dérogation ». La loi Labbé, votée en 2014, interdit, à partir du 1er janvier 2025, l’emploi de produits phytosanitaires pour les gazons sportifs, sauf demande de dérogation. Et c’est là qu’arrive le gros mot. Quand des groupes écologistes nous accusaient de demander des dérogations pour arroser, en vérité nous suivions un plan établi avec l’État, et en aucun cas on n’a demandé de dérogations. Là, on nous pousse dans nos retranchements, et il faut qu’on demande des dérogations pour continuer à utiliser des produits phytosanitaires. Malheureusement, il y a encore des usages pour lesquels la seule solution est d’utiliser des produits phytosanitaires, et la loi prévoit des dérogations dans ce cas. Nous sommes passés de vingt-et-un usages à six, qui vont pouvoir continuer à être traités, et ce sont des maladies comme le dollar spot ou la fusariose. Ensuite, il faut passer par une consultation publique, et là nous en sommes au stade de cette consultation, qui doit normalement s’arrêter avant la fin de l’année. L’arrêté devrait ensuite, normalement, être signé par les ministères des Sports et de la Transition écologique pour une utilisation de produits phytosanitaires pour une période de 18 mois renouvelable. À la fin de ces 18 mois, soit nous aurons trouvé des produits de biocontrôle pour remplacer les produits de synthèse, soit nous pourrons, de nouveau, demander une dérogation de 18 mois. Avec le football et les sports hippiques, nous sommes en train de mettre en place une recherche pour une graminée capable de résister à ces maladies et moins consommatrice d’eau. Si l’avenir du golf passe par l’invention d’une nouvelle graminée, ce serait très bien que la ffgolf soit à l’initiative de ce type de programmes.
La fermeture de l'Albatros
Je veux rassurer tous les licenciés : la perte d’exploitation due à la fermeture de l’Albatros, les modifications liées aux travaux, la reconstruction partielle du stadium d’entraînement du Centre de performance et l’amélioration du parcours de l’Oiselet… Tout sera payé par les travaux du Grand Paris.