Chaque jour, la rédaction de la ffgolf vous présente le coup de cœur de l’un de ses membres. Aujourd’hui, les anecdotes de « La Vie en Bleu », par Arnaud Blanc.
Malgré les tubes de Mariah Carey et Bobby Helms qui résonnent partout où l’on met les pieds en ces temps de fêtes de fin d’année, je n’arrive pas à me sortir de la tête cet air de Jean-Louis Aubert qui prend tout son sens au moment d’écrire ces lignes : « Voilààààà, c’est fini. » En la fredonnant, je me dis surtout que les quatre jeunes que j’ai suivis pendant deux ans ne doivent même pas le connaître. Les jeunes, ce sont Inès Archer, Martin Couvra, Maxence Giboudot et Louka Morin ; alias la Floridienne, Martinho, le Texan et… Louka - vous noterez un manque d’inspiration sur ce dernier surnom. Ces quatre gamins qui n’en sont plus ont fait face à l’objectif de ma caméra depuis septembre 2021 pour un projet qui naissait à peine à cette époque et intitulé La Vie en bleu. Au cours de cette aventure, je les ai vus évoluer, contourner la hantise de tout sportif qu’est la stagnation et forger des personnalités totalement différentes.
C’est d’ailleurs avec cette dernière donnée que j’ai dû composer pour entrer dans leur intimité. Et ça n’a pas toujours été simple. Mais à force de partager des voyages, des succès, des défaites et tout ce qui habille ces performances en dehors des compétitions, des relations se sont créées. Plus ou moins proches, mais toujours sincères. Sur les dernières semaines, j’ai officiellement dit au revoir à chacun d’eux pour donner forme au huitième et dernier épisode qui sera diffusé début janvier. Avec lui vient officiellement la fin d’un cycle - « Voilààààà, c’est fini ». Alors pour marquer le coup, plutôt que de dépeindre ce que j’ai vraiment aimé chez eux, je vais vous raconter un défaut qui fait le charme de chacun des mes quatre protagonistes favoris, pour que vous les connaissiez comme ils sont vraiment.
Martinho, le mauvais perdant
Ce jeune homme-là est déjà apprécié par beaucoup et a séduit le public français à la force de son jeu et de sa gueule d’ange. Alors je ne surenchérirai pas, bien qu’il porte à merveille son surnom de « Soleil » que lui avait attribué le coach de l’équipe de France, Benoît Teilleria. Il est drôle, extraverti, aimable et… je suis en train de surenchérir.
Méfiez-vous plutôt des apparences. Derrière ces beaux yeux bleus et cette dégaine d’influenceur se cache ponctuellement un homme fermé et peu loquace. Ce qu’on appelle un « mauvais client » dans le milieu du journalisme. Ce Martin-là existe, essentiellement lorsque la carte n’est pas (assez) sous le par. Logique pour un compétiteur, mais le tout récent professionnel pousse la chose à l’extrême, même loin du parcours. Si j’avais déjà observé ce trait de caractère depuis longtemps, j’en ai fait l’expérience à la veille du dernier tour des Cartes européennes, début novembre en Catalogne. Ce jour-là, c’est un 75 (+3) qui libère le démon. Alors que j’ai le plaisir de dîner avec lui, Maxence et leur entourage, j’ai également le plaisir d’être assis en face de Martinho. La mine déconfite, le regard vitreux, Martin ressasse ses virgules en silence. Et moi, entre deux tapas, je me dis que les chipirons ne seront jamais aussi salés que l’interview à venir avec le blondinet. « Ah ouais, elle ne va pas être cool du tout », lâche-t-il dans un sourire. Il me nargue, en plus ! Dans ces moments-là, la voix est monotone, les longues phrases deviennent une denrée rare et les rictus sont inexistants. Quoique… Après deux ans, j’ai réussi à comprendre comment le faire sourire malgré le contexte. Et lui, comment jouer le jeu malgré le manque d’envie. Ça n’a pas toujours été le cas mais cette fois-là, il a bien souri. Vivement la prochaine !
Louka, le déconnecté
Avec Louka, il y a eu deux problématiques majeures. La première, un manque évident de chance avec les conditions météorologiques. En deux années de tournage et huit épisodes, seulement trois ont été réalisés avec lui sous le soleil, et le dernier opus n’en fait pas partie. Si on ne saura jamais qui de lui ou moi était le chat noir, une certitude subsiste : la fin de la série marque le retour des beaux jours pour nous deux.
La seconde problématique, elle, était bien plus concrète. Dans une époque où nous autres journalistes utilisons Instagram, Twitter, Facebook et autres BeReal pour savoir ce que nos ouailles françaises font de leur quotidien, il existe une espèce rare qui, malgré l’avancée technologique permettant en 2023 d’avoir des échanges avec quelqu’un en une seconde, est totalement déconnectée. Et Louka est de celle-là. Lorsque chaque mois, j’envoyais un message à chacun des jeunes pour connaître son emploi du temps des prochaines semaines, la réponse suivait généralement de quelques jours au plus tard. Mais pas chez Louka. Bloquée dans une faille spatio-temporelle, notre conversation WhatsApp s’est souvent résumée à un long interrogatoire : « Tu m’envoies ton calendrier ? Tu seras où les prochaines semaines ? T’as vu mon dernier message ? Tu m’oublies pas ? » Si j’ai droit au titre des messages les plus redondants, j’ai également l’honneur de remettre à notre cher Vendéen le trophée officiel du délai de réponse le plus tardif de la série avec un record en cours : 16 jours pour envoyer son calendrier de la deuxième partie de saison ! La légende raconte qu’il a fallu passer par son père pour qu’il lise mes messages. Mais en fin de compte, j’ai toujours trouvé Louka quand il le fallait, toujours avec le sourire, et c’est bien là l’essentiel.
Inès, la comedia dell golfo
Dans le genre déconnecté, Inès faisait partie des nominés. Du moins dans la catégorie ghosting, qui consiste à lire les messages sans y répondre. Mais elle a trouvé plus forte qu’elle. Alors reste à savoir si ce qui la définissait vraiment. Et je me suis demandé ce qu’aurait été La Vie en bleu sans Inès Archer ? Réponses : un programme sexiste, déjà, car la Rennaise est l’unique protagoniste féminine de la série. Mais surtout un programme amputé d’une certaine spontanéité. Au départ, je me suis dit que l’ex-joueuse du Centre de performance du Golf National avait adoré l’idée qu’on la suive dans sa vie de joueuse amateur et qu’elle avait rapidement saisi le besoin d’un vidéaste d’avoir des séquences animées et des phrases fortes. Au point parfois d’en faire un peu plus qu’il n’en faut, voire même de prendre la chose au premier degré et de faire saturer les micros et mes tympans avec. Et puis, il y a des périodes où je me suis demandé si elle n’avait pas envie que la série s’arrête. Moins enthousiaste lors des tournages, plus réticente à faire une ou deux interviews, Inès était moins dans son personnage. Mais à bien y penser, pour elle comme pour les trois autres, la série était, à certains moments, « le truc » de trop. Quand il a fallu gérer les tournois, les baisses de performance, le baccalauréat et la préparation du départ en université, j’ai compris que la caméra passait au second plan ; à raison. Alors on s’est adapté, notamment avec des interviews à rallonge de vingt minutes, dans lesquelles elle se perdait parfois dans des réponses trop profondes. Je l’entends déjà dire « tout ça pour mettre 30 secondes dans les vidéos, génial... » Mais effectivement, à chaque fois, c’était génial !
Maxence, le décomplexé
S’il est une qualité que l’on demande d’avoir à une personne filmée, c’est bien d’être décomplexée. Chose généralement difficile à obtenir tant il faut être habitué à avoir un objectif pointé sur soi constamment. Mais pour certains, c’est inné. Et Maxence en est le meilleur exemple - par souci d’ego, il sera placé à égalité avec Martin. Lorsque je me suis rendu aux États-Unis, pour le voir dans sa vie éphémère d’étudiant de la Texas Christian University (TCU), « Giboud’ » a été capable de me raconter mille histoires. Les campus universitaires, la culture cowboy, les faux taxis, l’utilité d’une calculatrice sur le téléphone ou encore sa volonté de voir la tour Eiffel du Texas avec son acolyte d’alors, Aymeric Laussot. Mais lorsqu’il faut aller à l’essentiel dans une vidéo de cinq minutes, s’épancher sur tous les sujets du quotidien n’est pas forcément l’idéal. Alors je profitais de ses rares moments de sérieux pour mener à bien mon travail, avant que sa décontraction naturelle ne reprenne le dessus jusqu’à le pousser ici et là au vice. J’ai ainsi une ribambelle de vidéos inexploitables et inexploitées gâchées par des vannes vaseuses et autres calembours dont il a le secret. Et évidemment, ça le faisait rire et moi aussi. Là a d’ailleurs été le plus difficile pour moi, notamment avec Martin et Maxence : ne pas tomber dans le piège de la familiarité lorsque le cadre de travail était posé. Mais maintenant que La Vie en bleu est terminée, à bas les barrières.
Voilà un aperçu de ce qu’a été ma vie en bleu avec ces quatre-là sur les 24 derniers mois. Ce n’est évidemment qu'une mince facette de leur personnalité respective, mais elle rappelle en substance que tout sportif qu’ils sont, ils n’en restent pas moins de jeunes adultes en pleine construction d’une carrière professionnelle, avec leurs sentiments et manières d’être. Il y aurait encore beaucoup à raconter, mais tous les secrets de tournage ne doivent pas être révélés. Je garde ces souvenirs pour les fois où je les croiserai à nouveau. Car comme le dit Jean-Louis Aubert : « On va pas s'dire au revoir comme sur le quai d'une gare, peut-être après demain je te retrouverai. »