Une saison historique, bardée de titres et de reconnaissances : Céline Boutier nous a fait rêver en 2023. Quelle chance de l’avoir vécue au plus près !
Le projet a vu le jour il y a environ un an. Réaliser un documentaire sur la meilleure joueuse française, alors aux portes du top 10 mondial et d’ores et déjà inscrite au panthéon du golf tricolore. Le but de la Fédération est alors de faire découvrir au grand public une joueuse éloquente club en main, mais très discrète par ailleurs. Comment en est-elle arrivée là ? Quelles sont les sources de sa motivation, les clés de son succès ?
L’idée est encore embryonnaire quand, au mois de mars en Arizona, Céline ajoute une nouvelle ligne à son CV : le Drive On Championship, son troisième titre sur le LPGA Tour, le circuit le plus relevé au monde. Si un doute subsistait, cette fois il faut se lancer. Prise de contact avec la numéro 1 française, peu enthousiaste il faut le dire, à l’idée d’être perturbée dans sa rigoureuse routine de travail. « OK, allons-y, mais je préfère que vous veniez me voir après les gros rendez-vous de l’été : Évian et le British Open. » Rendez-vous est donc pris pour la mi-août chez elle à Dallas, où elle s’est installée en 2016 pour se rapprocher de son coach américain Cameron McCormick.
Évian, la divine surprise
En attendant ? Eh bien, prenons nos billets pour Évian, fin juillet. Pas question de la déranger dans ce qui représente pour elle la plus importante semaine de l’année. Mais l’occasion est tout de même belle de la voir, en France, devant son public, et de mettre en boîte de jolies images au bord du lac Léman. Céline n’a jamais vraiment brillé dans le Majeur tricolore (29e au mieux en 2014 et 2021), les attentes sont donc modérées. La voilà pourtant aux avant-postes dès le premier tour, puis seule en tête le lendemain. Quelle que soit l’issue, il y aura déjà matière à raconter. Et qui sait, en cas de victoire finale, le scenario de notre film prendrait un tout autre visage. Ce léger fantasme qui nous trotte dans la tête prend corps petit à petit, tant par le jeu de la Française que par son attitude, hermétique semble-t-il à la pression environnante, calme et patiente face aux médias à l’issue de chaque partie.
Le dimanche, l’issue ne fait plus aucun doute. Son début de partie est idéal, son jeu huilé et son calme impressionnant malgré la ferveur qui l’entoure. Tout le monde l’a compris, les milliers de spectateurs, comme les médias. Céline va gagner. Le sentiment de vivre un moment historique pour le golf français est réel et l’émotion nous gagne. Son bonheur au moment de rentrer son dernier putt au 18 est communicatif. La golfeuse, que certains jugent parfois trop froide sur le parcours, touche à présent tout le monde. Au fond de moi, j’exulte aussi d’une joie égoïste. Ce scenario, c’est du pain béni pour notre documentaire.
Ah, Dallas au mois d’août…
Quand nous la retrouvons avec mon camarade David, quelques semaines plus tard au Texas, Céline a ajouté un nouveau trophée dans sa vitrine : le Scottish Open. Elle occupe désormais la 3e place mondiale. La joueuse discrète que j’avais rencontrée pour la première fois lors de son passage pro en 2016 est devenue intimidante. « Comment va-t-elle nous recevoir ? » s’inquiète-t-on. Simplement, à son image. Au total, nous passons huit jours avec elle et découvrons la personne, humble, modeste mais ambitieuse, et la sportive exemplaire. Sur le pont dès huit heures du matin à la salle de sport, avant de filer s’entraîner au golf de Trinity Forrest, seule ou presque sous une chaleur suffocante (45° en moyenne en ce mois d’août) jusqu’à la fin de journée. La semaine, que nous attendions autant que nous la redoutions, se déroule parfaitement. Céline se confie devant la caméra, et si elle place quelques barrières, elle joue vraiment le jeu. Nous rentrons à Paris comblés, persuadés que le film que nous imaginions est désormais sur la bonne voie.
Championne des championnes
Reste ce mois de septembre où nos chemins sont à nouveau amenés à se croiser. À la Solheim Cup d’abord où, parmi les meilleures joueuses du monde, Céline semble plus que jamais à sa place, épanouie. La Française a pris une nouvelle dimension, suivie et acclamée par le public international. Son jeu n’est pas le plus affûté de la saison, mais sa joie, au moment de célébrer avec ses consœurs de l’équipe européenne un troisième sacre consécutif, bien réelle.
La semaine suivante, elle teste à nouveau sa popularité à Deauville lors du Lacoste Ladies Open de France. À domicile, les sollicitations médiatiques sont nombreuses et Céline paraît fatiguée. Elle prend tout de même le temps après chaque partie de s’attarder de longues minutes avec les spectateurs, signer un autographe, répondre à chacun. Elle semble découvrir encore cet enthousiasme qui l’accompagne, s’en étonner même. Comment cette jeune femme discrète, née à Montrouge, peut-elle susciter l’admiration ? Comment cette championne pourrait-elle toucher au-delà du microcosme du golf ? Par ses résultats, éloquents, son humilité, exemplaire et cette force intérieure, inspirante. Autant de facteurs qui justifient ce titre, longtemps hors de portée du golf, de championne des championnes décerné par le journal L’Équipe. La cerise sur le gâteau d’une année de rêve.
Une année à revivre dans le documentaire ci-dessous : « Céline Boutier : Force intérieure ».
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