Ou comment un week-end entre amis a pris un tour inattendu grâce à la victoire de Matthieu Pavon sur le PGA Tour, le 27 janvier lors du Farmers Insurance Open.

27 janvier 2024 : le jour de gloire de Matthieu Pavon. © Sean M. Haffey / Getty Images - AFP

Ah, les week-ends à la campagne ! Quand on est Parisien, installé au cœur de la ville, ils représentent une vraie bouffée d’air frais. L’occasion de retrouver des amis pour des promenades dans la nature ou de longues discussions au coin du feu. Bref, de doux moments de déconnexion, où l’on aime lasser derrière soi le boulot. Mais quand on travaille pour la ffgolf, on garde toujours un petit œil sur le téléphone portable. D’abord, parce que le golf ne prend pas de week-end, lui. Mais surtout, car on est avant tout passionné. Suivre les résultats des pros français et vibrer en cas de succès n’a alors plus grand-chose d’un travail. Si ce n’est que nos préoccupations varient quelque peu de celles du fan lambda…

Un week-end presque comme un autre

Retour près d’un an en arrière, un frais week-end de janvier où je prends le sourire au lèvre la direction de la Touraine pour un de ces fameux week-ends campagnards. Objectifs : repos, déconnexion et moments de rigolades entre amis. Un menu appliqué à la lettre au cours des 24 premières heures passées sur place. Le passionné que je suis n’a bien sûr pas pu ignorer le formidable début de tournoi de Matthieu Pavon au Farmers Insurance Open. Après trois tours, le Français pointe à la deuxième place de cette épreuve mythique du PGA Tour. De là à l’imaginer l’emporter, pour son troisième tournoi seulement sur le circuit américain, il y a tout de même un pas de géant. Je respecte donc mon étrange superstition qui consiste à ne pas y croire, de peur d’être déçu. Un vestige de frustrations passées, déjà mis à mal par les victoires de Victor Perez ou Céline Boutier quelques mois plus tôt, mais que je n’ai pas encore osé remettre en question.

Me voilà donc autour de la table en cette soirée du 27 janvier. Le feu crépite dans la cheminée, un chien s’ébroue dans l’entrée et le fromage fond dans son caquelon. La soirée ne peut pas mieux commencer !Le dîner s’éternise agréablement quand j’actualise discrètement pour la première fois la page du leaderboard sous la table. Matthieu vient d’entamer son dernier tour par un bogey. Bien, pas de raison de bouleverser l’assemblée - qui n’en a d’ailleurs cure. Les jeunes parents réunis autour de moi partent tour à tour coucher leur progéniture, puis reviennent s’attabler pour le dessert. Une heure passe avant que je ne pense de nouveau à jeter un coup d’œil aux scores.

Enfin seul !

Cette fois, tout a changé. Le Bordelais vient de rentrer son troisième birdie en cinq trous et partage désormais les commandes avec l’Allemand Stephan Jäger. Je sens l’excitation poindre en moi mais n’ose pas encore m’éclipser. Quel drôle d’invité serais-je ? Mais quand quelques instants plus tard, les convives émettent à tour de rôle l’idée d’aller se coucher, épuisés par leur journée, je ne les retiens bien entendu pas. Me voilà donc enfin seul, confortablement installé au coin du feu, connecté sur Golf+ pour une fin de soirée prometteuse.

Je récupère Matthieu à l’entame du retour. Il partage toujours la tête avec Jäger, deux coups devant leurs poursuivants. Le Français enchaîne les pars, l’Allemand commet lui plusieurs erreurs. Cette fois, la victoire est envisageable. Il est minuit cinq quand je reçois un premier message de mon collègue en charge des réseaux sociaux ce week-end-là : « Tu regardes ? Je me demande si ça vaut le coup de prévoir un post à une heure du matin ? » « Oui je suis devant ! Je suis ravi, tout le monde est couché ! » Sympa le copain, me dis-je en relisant ce message un an plus tard. « S’il gagne, il ne faut pas hésiter. » S’en suit à long échange à réfléchir à la meilleure manière de communiquer en cas de succès. Peut-on réveiller quelqu’un pour créer un visuel spécial en cas de victoire ? Peut-être un post photo d’abord pour réagir au plus vite, avant de lancer une créa le lendemain ?

Le stress, puis la libération

En attendant, Matthieu tient bon. Jäger lui s’effrite et la menace change de nom. Le Danois Nicolai Højgaard, au CV déjà bien garni, n’a que deux coups de retard. Et même plus qu’un après le bogey de Pavon au 17. Reste le fameux trou 18 où la mise en jeu de Pavon dans le bunker, puis son deuxième coup manqué dans le rough, font craindre le pire. « Bon, ça se complique. On n’aura peut-être pas besoin de visuel ce soir », envois-je alors à mon collègue. Suivi quelques instants plus tard d’un « oh putain ! » Pardonnez mon langage... Matthieu Pavon vient alors de réussir un coup aussi risqué que fantastique à deux mètres cinquante du drapeau. Højgaard a bien un putt pour birdie, mais si Matthieu rentre le sien, il deviendra le premier vainqueur français sur le PGA Tour depuis plus de cent ans.

On connait la suite. La victoire historique de Pavon, ses larmes en répondant à la télé américaine et sa carrière américaine bouleversée pour les mois à venir. Quant à moi, je ne peux pas fermer l’œil, trop excité par le spectacle auquel je viens d’assister. Seul dans mon canapé, je bondis le plus silencieusement possible. Mon week-end de repos est définitivement fichu quand je rejoins mon lit à cinq heures du matin après m’être repassé le fil de sa partie. Aucun regret, seulement des souvenirs gravés de ce moment béni de solitude campagnarde.