Stratégique, pénale ou héroïque. Trois grandes écoles d’architecture se sont succédées au fil des temps. Savoir les identifier permet de mieux appréhender les tracés, de déjouer les pièges disséminés par les architectes et donc de réaliser de meilleurs scores.
L’école pénale
Les premiers parcours ne furent pas construits mais façonnés par la Nature. Lorsque ce sport se popularisa dans les Iles Britanniques à la fin du XIXème siècle, les pros des clubs devinrent naturellement les premiers architectes. La balle qui était alors fabriquée à l’aide de plumes, exigeait beaucoup d’agilité pour réussir à la faire voler. Ainsi la plupart des golfeurs « toppaient » la balle le long du sol jusqu’au green. Pour contrer cette possibilité et rendre ce jeu plus « subtil » et plus « juste », les pros estimèrent nécessaire de truffer les terrains d’obstacles dans la ligne directe du tee au green. De même, influencés par la période Victorienne, ils décidèrent de donner des formes géométriques aux obstacles. Devenus alors injouables pour la majorité des joueurs, ceux-ci se lassèrent très vite de ce type de parcours au style architectural pénalisant et artificiel.
Puis l’Age d’Or de l’architecture des années 20 permit un intermède avec une approche davantage stratégique. Néanmoins dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les architectes pour lesquels l’architecture était devenue une profession lucrative, cherchèrent à épater avant tout et se tournèrent à nouveau vers une architecture pénale. Désormais prééminents, l’esthétisme artificiel et le marketing prirent le pas sur la stratégie et le plaisir du jeu. Dans ce type d’architecture, la « stratégie » est évidente ; il n’y a que très peu de réflexion à avoir et peu de subtilités.
Il convient d’éviter absolument les obstacles flagrants présentés sur chaque trou, en général des pièces d’eau d’où l’on ne peut s’extraire. Aucune option n’est imaginable ; il faut soit réaliser un coup parfait, soit encourir une sentence immédiate en cas de coup raté. Les « recoveries » sont délibérément impossibles. Ce type d’approche récompense ceux qui ont le plus d’aptitudes physiques et golfiques, à savoir ceux qui tapent longs et droits (au lieu de récompenser ceux qui savent gérer au mieux leur propre jeu). Il est par essence très punitif et décourageant pour les joueurs moins aguerris. Le trou numéro 17 de TPC Sawgrass, œuvre d’Alice et Pete Dye en Floride en est un très bon exemple ; il n’y pas de place pour un coup imparfait. Soit le golfeur prend le green, soit il finit dans l’eau avec la pénalité qui s’ensuit !
L’école stratégique
Mais revenons à la période située entre 1910 et 1937, appelée à juste titre « Âge d’or de l’architecture », durant laquelle la stratégie était au cœur de parcours aussi plus naturels. Imaginative, elle offre des routes alternatives et fait réfléchir. Différentes options de jeu rendent aussi le parcours intéressant et amusant et permettent aux golfeurs de tous niveaux de s’exprimer pleinement.
Le propre de cette architecture est de donner envie de revenir sur un terrain sur lequel les joueurs prennent du plaisir. Pour mieux l’embrasser, il est préférable de penser à l’envers, soit du green vers le départ et donc plusieurs coups à l’avance. Le défi est avant tout mental avant d’être physique. Les trous « risque-récompense » mettent parfaitement en lumière cette école. Quel que soit leur talent, les golfeurs vont devoir jauger leurs aptitudes avec clairvoyance pour choisir ou non de prendre des risques. « L’aventure » et la réussite parfois, deviennent alors encore plus appréciables !
Le trou numéro 11 d’Augusta National en Géorgie illustre bien ce type de courant car les joueurs vont devoir flirter avec les obstacles pour obtenir la meilleure ligne de jeu et le meilleur résultat. L’architecte américain George C. Thomas (1873-1932) résumait admirablement ce courant : « la stratégie d’un parcours est l’âme du jeu de golf. »
L’école héroïque
Apparu lorsque les pièces d’eau devinrent très populaires sur les golfs, le courant héroïque est une version de l’école stratégique poussée à l’extrême. En effet, il demande aux golfeurs de se surpasser pour réussir un coup. La prise de risque est énorme et spectaculaire, et plus elle est grande, plus la réussite est conséquente. Le deuxième coup du 13 d’Augusta National le caractérise ; au-dessus du ruisseau avec des pieds en pente et un green en forme d’haricot ou encore le drive du 17 à l’aveugle au-dessus de l’Old Course Hotel. Ces trous « risque-récompense » sont à la fois intimidants et dramatiques. En match-play, les caractéristiques des trous stratégiques et héroïques sont particulièrement mises en valeur. Les golfeurs doivent en effet prendre en ligne de compte leurs propres capacités mais également réfléchir en fonction de ce qu’a fait ou fera l’adversaire.
Le subtil mélange d’un parcours réussi
Un parcours de bonne facture requiert une alchimie d’éléments. Les obstacles rajoutent, sans aucun doute, de l’excitation à une partie mais nécessitent d’être habilement placés. Si un golf doit avant tout revêtir une architecture stratégique, il n’en demeure pas moins qu’un savant mélange avec quelques trous pénaux et héroïques permet une plus grande variété dans le dessin et une plus grande mémorabilité. Comme toujours, il s’agit d’une question d’équilibre que seul un architecte de talent peut trouver.
Kristel Mourgue d'Algue, qui est-elle ?
Ancienne joueuse du circuit européen qu'elle a rejoint après avoir remporté le titre de championne universitaire américaine, Kristel Mourgue d'Algue est aujourd'hui copropriétaire du Grand Saint-Émilionnais Golf Club et consultante pour la chaîne Golf+.