En exposant les pièces de créateurs lifestyle le temps d’une semaine, la Paris Golf Gallery a proposé aux golfeurs une nouvelle manière de s’habiller sur les parcours… et en dehors. Un moyen de solliciter l'aspect communautaire du golf.

Deux fois par, la Paris Golf Gallery ouvre ses portes pour mettre la lumière sur le style dans le golf. © Arnaud Blanc / ffgolf

Il y a depuis quelques années un vent de fraîcheur qui souffle sur le golf moderne. Après avoir modifié la composition de ses clubs, allongé la longueur de ses parcours, revisité la formule de ses tournois, le golf a également mis quelques coups de ciseaux dans les coutures de son textile. À l’occasion de la semaine de la mode à Paris fin janvier, il est un espace qui a vu le jour de façon temporaire - six jours exactement - et que le jargon aime à appeler « éphémère », qui avait pour but de réunir des amoureux de golf… et de mode. Il fallait se balader dans le Marais, descendre la rue de Rivoli depuis la place de la Bastille et tourner à droite rue de Turenne, pour trouver celui-ci au numéro 21 : la Paris Golf Gallery. Dès le premier regard, on sait qu’il y a une volonté de se démarquer. Dans une rue dont les immeubles sont majoritairement bâtis de pierre claire, la boutique, elle, arbore fièrement une structure noire et un logo vert citron.

À l’intérieur, c’est un désordre organisé qui règne. Un magasin d'environ 110 mètres carrés où pendent de nombreux vêtements sur portants, toisant les tables basses sur lesquelles reposent stickers, bonnets, chaussettes et autres accessoires de ville. Au milieu de ce décor baigné de musique, une quinzaine de personnes se baladent et discutent, une bière à la main quand l’heure n’est pas à celle du café crème. La majorité du temps, c’est en anglais qu’ils échangent. Car dans cette galerie, ce sont une dizaine de marques issues du Japon, d’Australie, de Suède, des îles britanniques et de France qui se mélangent et, avec elles, leurs fondateurs ou représentants.

Fin Janvier, la Paris Golf Gallery était le lieu de réunion de créateurs lifestyle golf. © Arnaud Blanc / ffgolf

Elles étaient exposées

Students Golf, Lost Balls, CPH/Golf, As2ov, Local Rule, Left of Field, Lend Golf, 3 Putt Round, Mogshade. Vous les connaissiez ?

La communauté de la mode

Dans ce rassemblement où le style est roi naviguent Pierre Greilsamer et Malo Bourdet, fondateurs de la WRKS Agency. Le premier, un Stéphanois passionné par ce sport, et le second, un Breton occasionnellement sur les fairways, sont en quelques sortes les Frodon Sacquet et Sam Gamegie de leur propre aventure. Au-delà de donner l'opportunité aux professionnels de la mode de présenter leur futures collections à de potentiels acheteurs, leur objectif est « d'apporter le côté communautaire qui existe dans le cyclisme ou le running pour rendre le golf un peu plus sexy et montrer qu’il n’est pas si conventionnel, ringard ou coincé », résume le premier. Sur ce long chemin qui se dresse devant eux, leur ennemi est sans contestation possible le regard figé de certains golfeurs - leur œil de Sauron à eux. Celui qui considère que tout ce qui n’est pas à col ou estampillé d’un logo d’équipementier 100 % golf, n’a pas sa place au club house.

Partis de l’industrie du surf où ils se sont liés d’amitié dix-sept ans plus tôt, les deux potes accompagnent professionnellement des marques dans leur « prise de parole physique » comme ils disent. Et en 2024, une idée a émergé. « On se baladait sur la fashion week pour voir différentes marques consacrées au lifestyle golf, raconte Malo. On a remarqué qu’elles étaient dispersées dans différents salons, et donc qu’il fallait réunir dans un seul et même endroit ces créateurs qui veulent faire bouger les lignes. » Une première Paris Golf Gallery sort alors du sol en juin dernier. Dans celle-ci, comme dans cette dernière en janvier, on y trouve des t-shirts, pantalons, sweats, pulls à capuche… les mêmes qui composent les boutiques du prêt-à-porter dites classiques. Certains se distinguent par une référence au golf, d’autres sont dénués de message.

Le style n’empêche pas la technique

Pour toutes ces marques, de Students à Lost Balls en passant par CPH/Golf, Left Of Field Golf (LoFG) et autres Mogshade, le but est bien d’amener un nouveau style pour les golfeurs, en dehors et sur les parcours. Ou plutôt de mélanger ces deux mondes, comme l’explique le fondateur de LoFG, l’Australien Nick Ilias : « Lorsque j'ai commencé à jouer au golf, m'habiller était un choix compromis. Les tenues que je voulais porter ne me faisaient pas me sentir à ma place au pro shop et respecter le code vestimentaire ne me semblait pas naturel non plus. L'objectif de LoFG est d'apporter une alternative réfléchie au style qui domine depuis des décennies ; quelque chose qui donne de l’élan sur le premier tee et n’importe où vous vous rendez lorsque vous quittez le parcours. » C’est d’ailleurs aux pro shops que s’adressent indirectement les créateurs et les deux Français à l’origine du magasin éphémère. « Tout ça a sa place puisqu’il y a aussi beaucoup de vêtements techniques. La seule différence est la coupe, parce que l’on préfère un pantalon plus ample que moulant », illustre Pierre. Ce nouveau style déjà installé dans les rues depuis plusieurs années n’est pas sans rappeler l’agitation qu’avaient suscité Jason Day et Charley Hull dans les tenues de leur sponsor, Malbon. D’autres marques comme Lacoste ont aussi opéré ce virage, de manière plus douce avec des collections qui comportent encore beaucoup de tenues plus classiques.

Un aperçu des collections présentées à la Paris Golf Gallery. © Paris Golf Gallery

Alors voilà. En près d’un siècle, l’accoutrement usuel du golfeur est passé d’un ensemble costume, chemise, cravate de Robert Tyre Jones Jr - alias Bobby Jones - au sweat à capuche et pantalon élastique de Rory McIlroy et Scottie Scheffler. Novateur pour les uns, hérétique pour les autres, le débat n’aura jamais de conclusion unanime puisqu’il repose sur un fait qui n’aura jamais de curseur fixe : la subjectivité des goûts. Il serait possible de dire que le golf « a perdu ses codes », mais ce serait renier leur évolution naturelle. Depuis les mœurs des années 1920, Bobby Jones aurait pu percevoir Jack Nicklaus comme un saltimbanque dans son pantalon à carreaux et ses polos à manches courtes. Lui-même s’est-il peut-être insurgé un jour de voir Tommy Fleetwood et Billy Horschel porter des pantalons jogging sous un haut sans col. Et puis, avec le temps chaque tenue a fait sa place. À une époque où tout évolue plus vite et où rien ne s’éternise plus d’une paire d’années, l’arrivée d'une mode ne doit pas être mal reçue, simplement suivie ou non. L'essentiel étant qu’elle permette surtout de swinguer.