Mitoyen d’un bras du Rhône, le Golf Club de Lyon a multiplié les efforts, ces dernières années, pour réduire sa consommation d’eau. Tout en recourant à des méthodes naturelles ayant rendu quasi inexistante l’utilisation de produits phytosanitaires.
« Il y a des gens, extérieurs au club pour la plupart, qui nous disaient souvent, l’année dernière : "Je ne comprends pas, il y a des restrictions d’eau partout, et vous, vos parcours, ils sont complètement verts !" Et il fallait donc qu’on leur explique qu’avec le Rhône juste à côté, il y avait de la rosée le matin, et donc que ça aidait le parcours à rester vert, sans qu’on ait besoin d’arroser. »
Emmanuel Perdrix, greenkeeper du Golf Club de Lyon depuis 2004, souligne avec cet exemple l’un des paradoxes concernant la consommation d’eau d’un terrain de golf : la couleur de ce dernier ne fournit pas toutes les données du problèmes. Situation géographique, différences de niveaux d’alertes entre les bassins hydrographiques, variétés de gazon employées, efficacité du système d’arrosage… Autant de leviers capables d’agir sur la couleur d’un fairway.
Typiquement, le GCL, de son nom abrégé, se situe en bordure du Rhône, sur un terrain de 220 hectares qui, avant l'installation du club créé en 1919 à Villette-d’Anthon en 1964, était une zone humide. Au parcours des Brocards, dessiné par Fred Hawtree, est venu s’ajouter en 1991 le tracé des Sangliers, signé Hugues Lambert. Ce deuxième parcours est séparé physiquement du Rhône, qui lui est mitoyen, par une digue. De plus, il se situe au-dessus d’une vaste nappe phréatique, que l’architecte a tout simplement, et déjà par souci d’économie, fait remonter à la surface pour constituer les pièces d’eau du golf, tout en constituant des points hauts pour ne pas subir une humidité excessive.
30 % de consommation d'eau en moins
« Contrairement à la plupart des golfs, nous avons plus souvent à gérer des excès d’eau que des déficits, résume David Richalot, directeur du GCL depuis 2020. Et même si nous sommes à quelques kilomètres seulement des golfs de la Dombes comme Mionnay ou le Gouverneur, nous nous situons sur un autre bassin, et donc nous avons souvent des niveaux d’alerte différents. » Mais le plus important est ceci : le Golf Club de Lyon ne prend absolument pas cette situation favorable comme prétexte pour s’affranchir des efforts en termes de réduction de consommation, ou de la pratique d'un arrosage raisonné. Au contraire : il en est l’un des exemples.
Le processus a commencé il y a huit ans, avec la réfection du système d’arrosage du parcours des Brocards. La même opération a été réalisée sur les Sangliers il y a un peu moins de deux ans. Meilleure performance des arroseurs, réduction des pertes dans le réseau, pilotage informatique et triangulation GPS… en un mot, une modernisation, qui a porté immédiatement ses fruits. « Avant, sur les Sangliers, nous avions des programmes d’arrosage sur les départs qui pouvaient durer 45 minutes, pour un résultat dont nous n’étions pas totalement satisfaits, illustre David Richalot. Aujourd’hui, le nouveau programme dure 15 minutes, et consomme donc moins d’eau, pour un meilleur résultat. Notre double objectif est de monter en qualité, mais également de nous adapter à notre époque. »
Au total, avec cette réfection, la consommation du club lyonnais a baissé d’environ 30 %. « Seulement 13 % des 220 ha du club sont considérés comme artificialisés, détaille David Richalot. Ceux qui penseraient que nous sommes d’horribles golfeurs qui arrosent 220 hectares, ce n’est pas la réalité. Déjà, on utilise l’eau avec parcimonie, et on n’arrose pas nos parkings et nos bâtiments. On se rapprocherait plutôt de 10 % de la surface du domaine susceptible de recevoir de l'eau. Et quand on rentre dans des niveaux de restrictions, là, ce n’est plus que 5 ou 10 % des 13 % du départ. Ce qui fait, en proportion, très peu. »
De la céramique sur les greens
Et ce n’est pas tout. La deuxième étape a consisté (et consiste toujours, car le processus n’a pas de terme véritable) à inverser la flore des deux parcours. Depuis trois ans, par regarnissages successifs (deux par an, au printemps et à l’automne), effectués grâce à une machine dans laquelle le GCL a investi (un Vredo), le ray-grass cède peu à peu la place à différentes variétés de fétuques, à la fois plus résistantes aux maladies et moins gourmandes en eau. « Depuis juillet 2022, on n’a plus le droit de traiter les fairways, explique Emmanuel Perdrix. Donc il faut qu’on donne de la concurrence aux mauvaises herbes, en lui opposant un gazon bien dense. »
Sur les greens, la réduction de la consommation d’eau passe également par l’apport de céramique poreuse. Par sa structure, cette dernière absorbe le trop-plein d’eau lors des périodes pluvieuses, et la garde puis la restitue dans les périodes plus sèches. « Maintenant, on arrive à avoir des greens fermes et roulants, intéressants pour le jeu, indique Emmanuel Perdrix. Tout ça en consommant moins d’eau. »
Du thé et du sucre
Conséquence directe ou pas ? Difficile à dire, mais le fait est que, depuis quelques années de mise en application de ces mesures et de ces pratiques, le Golf Club de Lyon est beaucoup moins sujet aux maladies comme le dollar spot. « Les phythos, sur les greens, on n’en met presque plus, souligne le greenkeeper. Il y a quelques années, on traitait le dollar spot fréquemment. Mais à mon avis, avant, on arrosait trop les fairways. »
Pour la santé de ses greens, Emmanuel Perdrix mise avant tout sur des produits naturels. Du sucre, du romarin, du thé, des algues, du fenouil… Ce qui ressemble à une liste de courses aux Halles Bocuse voisines est en réalité le menu des greens du GCL. Le sucre par exemple, de canne exclusivement, vise à apporter du saccharose à la plante, afin de lui faire économiser de l’énergie dépensée en photosynthèse pour produire cette molécule. Quant au thé, qui est en réalité constitué d’extraits de thé rejetés puis broyés lors de la fabrication du sachet de monsieur Toulemonde, sa principale vertu est de lutter contre les vers de terre.
Cette qualité environnementale générale vaut au Golf Club de Lyon d’être actuellement titulaire du label argent du programme Golf pour la biodiversité. Pas moins de 26 espèces rares ont été recensées lors des inventaires réalisés en collaboration avec la société Oxalis, dirigée par Damien Hiribarrondo. La plus surprenante est sans aucun doute une espèce de tortue, pour laquelle le golf, qui vise le label or à l’horizon 2025, constitue des dunes de sable, favorables à sa reproduction. Des tortues, sur un golf lancé dans autant de processus au long cours… joli symbole.