Depuis le 1er janvier 2025, l’application de la loi Labbé, interdisant les produits phytopharmaceutiques sur les terrains de sport, est entrée en vigueur. Cependant, un arrêté du 10 janvier 2025 définit le cadre dans lequel certains usages essentiels sont autorisés. Cette mesure vise à donner du temps à la filière sportive pour trouver des solutions alternatives viables. 

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L'arrêté du 10 janvier 2025 permet le maintien de six usages essentiels. © Alexis Orloff / ffgolf

Un contexte réglementaire exigeant

Adoptée en 2014 et progressivement mise en œuvre depuis 2017, la loi Labbé a pour objectif de réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques afin de protéger la santé publique et l’environnement. Après avoir d’abord ciblé les espaces publics et privés, elle s’étend désormais aux terrains de sport, dont les parcours de golf.

Depuis le 1er janvier 2025, l’interdiction est effective sur l’ensemble des pelouses sportives, sauf pour les usages bénéficiant d’une dérogation encadrée par un arrêté ministériel. Ces dérogations sont valables pour une période de 18 mois, renouvelable si aucune alternative technique n’est trouvée​​.

Les usages bénéficiant d'une dérogation

Face aux contraintes spécifiques des terrains de sport, certains usages prioritaires ont été identifiés pour bénéficier de cette dérogation. Le désherbage des gazons de graminées, pour éviter la prolifération de mauvaises herbes, perturbant la régularité des fairways et des greens ; le traitement des champignons (pythiacées), pour lutter contre l’apparition de zones détrempées ou mortes sur les greens, affectant la qualité de roule ; le traitement contre le dollar spot, pour combattre ces petites taches brunes circulaires sur les fairways et les greens, altérant l’esthétique et la jouabilité ; la lutte contre les fusarioses et autres maladies du feuillage, pour faire face aux dégâts généralisés sur la pelouse, avec des zones jaunies ou nécrosées, particulièrement en hiver ; et enfin la protection contre les ravageurs du sol, pour éviter l’affaiblissement du gazon à cause de racines endommagées, rendant les surfaces irrégulières.

Ces usages représentent des situations où, à ce jour, les solutions alternatives ne permettent pas d’assurer la qualité nécessaire des pelouses pour la pratique sportive professionnelle​​.

Une feuille de route pour la transition

Afin d’encadrer cette période transitoire, une feuille de route devra être établie par les représentants des propriétaires des terrains bénéficiant de la dérogation, en concertation avec les ministères concernés. Elle devra définir des objectifs chiffrés et des échéances pour tendre vers une gestion sans produits phytopharmaceutiques.

Un comité de suivi se réunira au moins une fois par an pour évaluer les progrès réalisés. De plus, les fédérations sportives, dont la Fédération française de golf, seront associées à ce suivi pour garantir une transition efficace et durable​​.

Les enjeux pour les pelouses sportives

La gestion des pelouses sportives présente des contraintes spécifiques :

  • Compétitivité internationale : maintenir des pelouses de haute qualité est essentiel pour organiser des compétitions internationales de haut niveau.
  • Contexte climatique : les périodes de sécheresse et les épisodes de fortes chaleurs fragilisent les pelouses et favorisent l’apparition de maladies.
  • Sécurité des utilisateurs : la qualité des pelouses impacte directement la sécurité des sportifs.

La filière pelouse sportive est d’ailleurs l’une des plus respectueuses en matière d’utilisation des intrants, représentant seulement 0,02 % de la quantité totale de produits phytopharmaceutiques utilisés en France​​.

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La sélection variétale fait partie des solutions pour une gestion durable des parcours. © ffgolf

Vers une gestion durable : des solutions en développement

Pour réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques, la filière explore plusieurs pistes :

  • Développement du biocontrôle : utilisation de micro-organismes, nématodes et substances naturelles.
  • Sélection variétale : création de nouvelles variétés de graminées plus résistantes aux maladies et aux conditions climatiques.
  • Lutte intégrée : combinaison de pratiques culturales, de biocontrôle et de surveillance épidémiologique.

Des projets de recherche sont en cours, soutenus par des acteurs comme la ffgolf et SPOR&D, pour développer des solutions innovantes et efficaces​. Par exemple, l’Agref (Association des personnels d'entretien des terrains de golf), avec le soutien du ministère de la Transition écologique via Ecophyto 2+, mène plusieurs projets de recherche pour réduire l’impact environnemental des parcours de golf. Parmi eux, l’utilisation de caméras hyperspectrales embarquées permet de détecter précocement les stress du gazon et d’optimiser les pulvérisations ultra-localisées, limitant ainsi l’usage des produits phytosanitaires. En parallèle, des biostimulants et alternatives biologiques sont testés pour renforcer naturellement la résistance des gazons. 

Une transition nécessaire et ambitieuse

L’application de la loi Labbé marque une étape importante dans la réduction des intrants chimiques en France. La filière sportive, et notamment le monde du golf, devra relever ce défi en s’appuyant sur l’innovation et la recherche. Si cette transition représente une contrainte à court terme, elle constitue également une opportunité de développer des pratiques plus respectueuses de l’environnement tout en renforçant son caractère historique et traditionnel de sport de nature.

Trois questions à Pascal Grizot, président de la ffgolf

Considérez-vous l'application de la loi Labbé comme un défi ?
Bien sûr, c’est un défi ! Surtout dans un contexte climatique qui devient de plus en plus imprévisible. Mais je dirais aussi que c'est une opportunité historique pour le golf qui, injustement, est pointé du doigt sur les questions environnementales. Je crois foncièrement que nous pouvons être à la pointe de cette transformation. Nous devons montrer l’exemple, inspirer d'autres disciplines, en devenant des leaders dans la gestion durable des terrains sportifs.

Ne craignez-vous pas une baisse de qualité des parcours de golf ?
Je suis convaincu que, tout en respectant ces nouvelles exigences, nous pourrons garantir de bonnes conditions de jeu à nos joueurs. Nous savons que ce changement est ambitieux et peut susciter des inquiétudes chez les clubs et parmi les joueurs. C’est pourquoi nous avons mis en place un accompagnement très concret : des formations pour les équipes techniques, des outils pour optimiser l’entretien des parcours et surtout, un soutien à la recherche pour développer des solutions alternatives. Par exemple, plusieurs clubs travaillent déjà sur des gazons plus résistants aux maladies et aux conditions climatiques. L’objectif est clair : transformer ce défi en opportunité pour innover.

Conscient des efforts consentis par la filière pour réduire drastiquement l'usage des produits phytosanitaires et pour mener une recherche active, le ministère de la Transition écologique a accordé aux golfs la possibilité d'utiliser pendant 18 mois encore certaines substances chimiques permettant de traiter des maladies du gazon. Est-ce suffisant ?
Je remercie nos interlocuteurs au sein du Ministère pour leur écoute et la prise en compte de nos problématiques. Je crains que les 18 mois ne soient pas suffisants pour faire des avancées significatives. Je l'ai exprimé. J'espère que nous pourrons maintenir ce dialogue constructif pour prolonger si nécessaire ces mesures transitoires. Nous faisons nos meilleurs efforts pour trouver des solutions concrètes et sortir définitivement des produits phytosanitaires.