La transition écologique du golf a été définie comme l’une des priorités du mandat de Pascal Grizot à la tête de la Fédération. Explications avec le président de la ffgolf, et la vice-présidente chargée de la transition écologique, Sylvianne Villaudière.
Quelles raisons profondes vous ont amené à faire de la transition écologique du golf un axe majeur de cette mandature ?
Pascal Grizot : D’abord, ce n’est pas quelque chose de nouveau à la Fédération. La première commission environnement date de 1986. Aujourd’hui, la transition écologique fait partie des priorités de tous les citoyens. Cela implique des contraintes, mais que je considère comme des opportunités, comme la diminution drastique de l’utilisation de produits phytosanitaires d’ici 2025. Cela nous oblige à réfléchir à des solutions alternatives. Dans "transition écologique", il y a "transition". La loi Labbé entrera pleinement en vigueur en 2025, il reste donc trois années, ce qui est beaucoup mais aussi très peu. Cela nous permet d’appliquer ces changements dans le cadre d’une transition, et c’est ce que je souhaitais dans mon mandat.
Sylvianne Villaudière : Notre volonté est d’accélérer la transition écologique qui existait déjà. Cette accélération est en marche, avec trois priorités : la poursuite de notre démarche à l’égard de la biodiversité, la gestion raisonnée de l’eau, et un troisième axe très urgent sur l’entretien durable des parcours, et les recherches nécessaires pour tenir les enjeux de la loi Labbé.
Quelles évolutions ont accompagné ces changements au niveau des moyens alloués et des partenariats ?
P.G. : Historiquement, la ffgolf a un partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle pour toutes les problématiques liées à la biodiversité. C’est avec lui que nous avons créé les labels du programme Golf pour la biodiversité. Nous avons également signé un accord avec l’Office français de la biodiversité (OFB), un autre avec les Agences de l’eau, qui accompagnent financièrement les golfs qui mettent en place des mesures permettant de limiter l’utilisation de l’eau.
S.V. : Les moyens que l’on se donne sont très importants, en lien avec les pouvoirs publics, que ce soit en France ou à l’international, comme par exemple avec le R&A et son programme Golf Course 2030. Notre fédération a pour ambition de poursuivre son leadership sur ces sujets de transition écologique. Nous travaillons également avec les fédérations et ligues professionnelles du football, rugby, ainsi que les hippodromes sur des enjeux communs, en particulier sur les recherches de nouvelles variétés de graminées et les nouvelles techniques pour l’entretien des terrains. Nous avons également, au sein de la Fédération, développé des moyens internes importants. Ce sujet concerne absolument tout le monde, que l’on soit professionnel du secteur ou qu’on soit joueur. Nous pouvons tous agir, d’une façon ou d’une autre. De fait, nous avons mis de gros moyens sur la communication et la formation, pour agir avec fiabilité et robustesse.
Comment ces moyens et ces partenariats se traduisent-ils concrètement pour les golfs et les golfeurs au quotidien ?
P.G. : Le programme Golf pour la biodiversité et ses différents labels permet aux clubs d’inventorier leur biodiversité et de mieux la protéger. Les Agences de l’eau, de leur côté, ont vocation à soutenir tous les investissements privés qui permettent de diminuer l’utilisation de la ressource. Par exemple, lorsqu’un club décide de faire 700 000 € de travaux sur son système d’irrigation, il est assez facile de démontrer que le nouveau système consomme moins. Et à partir de ce moment-là, les agences subventionnent de 20 à 60 % de l’investissement éligible, ce qui est considérable pour un club.
S.V. : Par exemple, depuis 2021, la ffgolf, avec l’aide de ses équipes et de ses experts pour monter les dossiers, a obtenu plus de 2 millions d'euros de subventions pour l’ensemble des investissements, ce qui est extrêmement important pour la rénovation des systèmes et la réduction de l’impact sur la ressource en eau.
Sur la question de l’eau, faut-il également un effort de communication dirigé vers les joueurs, qui vont devoir faire évoluer leurs attentes eu égard aux nouveaux enjeux ?
P.G. : Certes, la ffgolf a un levier puissant avec son site web et ses réseaux sociaux, mais les clubs doivent aussi communiquer auprès de leurs membres, car c’est un accès beaucoup plus direct. On a la chance de pratiquer notre sport en pleine nature, et nous avons une responsabilité vis-à-vis d’elle. Il faut la laisser évoluer au fil des saisons. Les Britanniques, par exemple, l’ont parfaitement compris, quand on voit les parcours de l’Open britannique certaines années. C’est quelque chose qu’il faut changer, mais en expliquant les raisons.
S.V. : D’autant que parfois, c’est aussi vertueux par rapport à nos autres sujets. Lorsqu’un terrain est moins arrosé, il redonne à sa terre et aux végétaux plus de force pour résister aux maladies et aux champignons. En plus, on fait des économies et on gagne en performance financière. Donc tout le monde s’y retrouve bien mieux.
L’entretien des parcours est en train de changer, notamment du fait de la loi Labbé. Où en est-on, et quelles vont être les solutions dans un futur proche ?
P.G. : Pour nous, la loi Labbé est vraiment une opportunité. Je suis absolument persuadé qu’on peut mieux entretenir nos golfs, d’une façon bien plus durable. Il est certain qu’utiliser moins de produits phytosanitaires implique de changer de méthodes, notamment au niveau des opérations mécaniques, qui permettent de favoriser l’enracinement. Pendant des années, on a moins fait ces opérations, car elles coûtent cher, elles sont consommatrices d’heures de travail, et les produits phytosanitaires solutionnaient des problèmes. La réalité, c’est qu’il faut revenir à un entretien raisonné des parcours, ce qui implique de faire ces opérations. Grâce à la collaboration que nous menons avec le sénateur Labbé, si nous sommes capables de démontrer que malgré tous nos efforts, il subsiste des maladies que nous ne pouvons traiter qu’avec des produits phyto, nous aurons certainement le droit (même si ce n’est pas garanti) de continuer à en utiliser. Mais évidemment, l’utilisation sera encore plus stricte, et notre objectif, c’est de ne demander aucune dérogation.
S.V. : Nous avons une grande chance dans notre filière golf, c’est que nous avons parmi les meilleurs experts de l’entretien des gazons sportifs. Et cette expertise est reconnue dans d’autres filières. On l’a encore vu récemment, lorsque nous avons été partenaires des 48 Heures du gazon sport pro. Ces experts travaillent sur quatre grands types de leviers : la construction des parcours, le choix des variétés de graminées, la fertilisation des sols et la biostimulation, et enfin l’aide et les outils prédictifs, notamment au niveau de la météo. À la Fédération, nous avons l’intention de pousser ces recherches, de donner à nos experts les meilleurs outils.
Sur la question de la protection de la biodiversité, à quel stade est rendu le programme de labellisation ?
S.V. : Cette labellisation a été lancée en 2019, et nous avons maintenant 73 golfs labellisés en moins de trois ans, ce qui est formidable. Cela représente plus de 10 % de nos clubs, avec des labels bronze et argent. Nous avons par ailleurs beaucoup de demandes, environ une quarantaine. C’est l’objectif de tout un club, qui doit participer à ce travail de labellisation. Bien évidemment, il y a, à l’intérieur de cet objectif, une communication pour permettre aux membres de collaborer. Il y a des façons très concrètes de le faire : des actions de soutien au jardinage, des journées de découverte de la biodiversité, en compagnie des associations qui effectuent les inventaires… On a beaucoup d’imagination dans les clubs, pour que chacun puisse découvrir la biodiversité de nos espaces golfiques et aider à son développement et sa pérennité.