Nathan Legendre, le parcours du combattant

Il y a dix jours, il était l'un des six Français à franchir le cut de la finale des Cartes européennes, accomplissement synonyme d'une pleine catégorie sur le Challenge Tour l'an prochain. Nathan Legendre, 22 ans depuis le 4 avril, disputait alors seulement son septième tournoi en tant que professionnel : quatre sur l'Alps Tour, la troisième division européenne, et les trois étapes de la Q-School du DP World Tour. Pourtant, ce joueur formé au Golf de Coutainville, dans la Manche, n'était pas vraiment un néophyte : « Je suis passé pro le 1er septembre 2024, mais j'ai joué toute la saison sur l'Alps Tour puisque j'avais obtenu ma carte de ce circuit en fin d'année dernière. J'avais décidé de faire toute l'année en tant qu'amateur, car ça me permettait de pouvoir prétendre à faire partie de l'équipe de France amateur, et éventuellement de jouer des gros tournois internationaux type British Amateur. Arrivé en septembre, ça ne servait plus à grand-chose de rester amateur, donc je suis passé pro », explique-t-il.

Le champion de France amateur en 2022 s'est immergé totalement dans le monde professionnel cette année sur l'Alps Tour, où il a disputé 16 tournois depuis le coup d'envoi en Égypte fin février jusqu'à la finale mi-octobre en Italie. Et si ses apparitions chez les amateurs se sont finalement résumées à une seule - les Internationaux des Pays-Bas au mois d'août - il a effectué ses premiers pas chez les pros sans se soucier de son statut. « J'évolue dans un cadre professionnel depuis un ou deux ans, donc je prépare et je joue tous les tournois de la même manière », indique le protégé d'Alain Alberti, qui vit à Montpellier et s'entraîne avec le technicien à l'Horizon Resort Massane.

Sans surprise, cette manière d'aborder les différents rendez-vous de son calendrier s'est traduite par des résultats probants. Grâce notamment à deux troisièmes places au début de l'été à l'Open de la Mirabelle d'or et à l'Alps de las Castillas, ainsi qu'à une demi-douzaine de top 20, Nathan Legendre s'est classé au 13e rang de l'ordre du mérite du circuit satellite. Mais, plus que le bilan chiffré, c'est l'expérience tirée de ces pérégrinations qu'il valorise aujourd'hui : « Cette saison m'a permis de découvrir ce qu'est le niveau professionnel. Je m'étais toujours dit que l'Alps Tour était un circuit facile ; mais en réalité, les parcours sont moins simples que ce que je pensais, et tu te retrouves à devoir vraiment bien jouer au golf si tu veux gagner, faire un top 10, ou même passer le cut. Si tu as une mauvaise journée et que tu fais +2, tu te retrouves obligé de jouer -5 ou -6 le lendemain juste pour te qualifier. Chez les pros, il faut jouer bien tous les jours », analyse celui qui a franchi 14 cuts en 16 départs. « J'ai eu la régularité pour passer les cuts, mais je n'ai pas été suffisamment bon pour aller chercher un top 10 toutes les semaines », résume-t-il.

Toutefois, au terme d'une saison dont il retient notamment l'exceptionnelle carte de 60 (-12) rendu lors du premier tour à Lerma, en Espagne - « ça restera gravé en moi longtemps », assure-t-il avec des étoiles dans les yeux -, ses plus grandes satisfactions sont plutôt à chercher du côté des Cartes européennes. « Ça, c'est une vraie épreuve ! » rigole-t-il. Des PQ1 à dans l'Eure fin septembre à la finale il y a dix jours en Catalogne, en passant par les PQ2 jouées une semaine plus tôt en Andalousie, le Normand a disputé l'intégralité des 14 tours (4, 4 et 6) au programme, soit 252 trous ! Avec, comme si ce parcours du combattant n'était pas assez difficile en soi, son lot d'interruptions et de reports en raison de la météo. « À Léry-Poses, j'ai fait 10 trous le premier jour, 27 le deuxième, 3 le troisième, 32 le quatrième et 1 et demi le lundi matin ! Et à Lumine, comme tous ceux qui ont passé le cut, on a fini le tournoi avec un jour de retard », illustre-t-il.

Accompagné par son entraîneur à la finale des Cartes, et escorté par Gary Marshall, un caddie d'expérience vainqueur sur le Ladies European Tour, Nathan Legendre est passé par tous les états : la satisfaction de trois premiers tours solides, l'euphorie d'une première moitié de quatrième tour idéale (quatre birdies en onze trous), l'angoisse d'un retour chaotique (trois bogeys et un double en cinq trous) qui l'a dangereusement rapproché du cut, et enfin la délivrance d'un birdie au 18 synonyme de qualification pour les deux derniers tours, et surtout de l'obtention d'une catégorie pleine sur le Challenge Tour l'an prochain ! « Derrière, la pression est retombée, et j'avais dépensé tellement d'énergie que j'ai juste essayé de jouer mon jeu et prendre du plaisir sur les deux dernières journées. Ça ne s'est pas fini brillamment (70e, ndlr), mais l'objectif était déjà atteint », raconte-t-il.

Marchant dans les pas de son ami Maxence Giboudot, qui avait connu semblable destin l'année précédente et a conservé sa carte du Challenge Tour cette saison, Nathan Legendre s'apprête donc à découvrir un deuxième circuit en autant d'années. Avec comme objectif de prolonger la courbe de progression régulière que sa trajectoire épouse depuis qu'il s'est consacré pleinement au golf : « L'objectif de la saison prochaine sera de continuer à monter les marches les unes après les autres, donc viser le DP World Tour », avance-t-il. Pour cela, il pourra continuer à se nourrir des conseils d'Alain Alberti, qui l'entraîne et le prépare au métier depuis quatre ans maintenant. « C'est autant un guide qu'un entraîneur », admet le jeune homme. « En plus de lui, il y a désormais Raphaël Jacquelin dans la structure AJ Coaching qu'ils ont montée ensemble à Massane. Pouvoir profiter de leur expérience, c'est juste parfait. On ne peut rêver de beaucoup plus quand on est un jeune pro français ! »

En attendant de reprendre sa route, peut-être dès la mi-janvier avec la tournée de la seconde division européenne en Afrique du Sud, Nathan Legendre n'a qu'un mot d'ordre : le boulot. « À part des petites vacances à Noël, j'ai un mois et demi de préparation hivernale devant moi pour recharger les batteries et continuer à progresser », conclut-il.