Après David Ravetto, une semaine avant lui, Frédéric Lacroix est devenu le 22e français à remporter un titre sur le circuit européen de première division. Le résultat de deux ans de progression, d’un changement opéré six jours avant le tournoi et d’une once d’inspiration amicale.
À peine le golf français s’est-il remis de la victoire de David Ravetto au D+D Real Czech Masters qu’il a fallu se replonger une semaine plus tard dans l’euphorie de voir un autre Tricolore s’imposer. Là encore, c’était une première en carrière. Sept ans après son passage professionnel, 18 mois après avoir été rétrogradé sur le Challenge Tour et neuf mois à peine après son retour dans l’élite, Frédéric Lacroix est entré dans le cercle prisé des vainqueurs du DP World Tour à l’occasion du dixième Danish Golf Championship. « Je ne réalise pas trop pour l’instant, explique-t-il entre deux avions au lendemain de son succès. Après la partie, c’est allé vite : je suis sorti du green, je me suis rendu compte que j’étais premier puis je suis allé à la remise des prix avant de filer prendre l’avion pour rentrer le soir même. Mais je pense que je vais réaliser dans quelques jours. » Le temps pour lui de boucler le Bristish Masters et de profiter d’une semaine de break prévue depuis longtemps dans son agenda.
Pourtant, quelques-uns de ses compatriotes se sont donnés du mal pour l’aider à prendre pleinement conscience de son accomplissement. À la sortie du recording, David Ravetto, Adrien Saddier et Julien Guerrier l’attendaient sagement, bouteille de champagne à la main, pour doucher celui qui est devenu le 22e Français de l’histoire à s’imposer sur le circuit depuis sa création officielle en 1972. « C'est une tradition française que j’aime beaucoup et qu’il faut entretenir, surtout entre potes, sourit Ravetto. À l’habitude, ça se fait sur le green mais "Fredo" n’était pas en dernière partie, donc on ne pouvait pas en mettre partout. Alors on l’a fait comme on pouvait, pour le féliciter. » Le Racingman y a pris d’autant plus de plaisir que, la semaine qui précédait, les rôles étaient inversés avec son partenaire de club. Une liesse qui a inspiré le joueur de 29 ans pour apporter la 49e victoire tricolore dans l’histoire du Tour. « C’est un pote, donc j’étais super content pour lui la semaine dernière. Mais au-delà de ça, sa victoire m’a montré - et à tout le monde d’ailleurs - que c’était possible de gagner. Vu que l’on est à peu près au même niveau, le fait de voir ça, ça m’a donné encore plus confiance. Pour lui comme pour moi, on ne pouvait pas rêver mieux que de gagner coup sur coup. »
Parmi les plus rapides
La victoire de Frédéric Lacroix est arrivée au cours de sa deuxième saison pleine sur le DP World Tour. Si cinq autres Bleus l’ont fait avant lui (Levy, Quesne, Ravetto, Stal et Stalter), ils sont quatre à avoir décroché un titre dès leur première année complète : Havret (2001), Lima (2004), Perez (2019) et Rozner (2020).
Le temps de l’exaltation
D’ici une semaine donc, Lacroix réalisera ce qu’il a fait. À ce moment-là, peut-être replongera-t-il dans cette semaine aussi bien maîtrisée qu’éprouvante, par la difficulté de conditions de jeu littéralement décoiffantes. L’appréhension du dimanche matin le regagnera sûrement. « Au petit-déjeuner, ça allait encore, raconte Ravetto. On parlait de tout et de rien, pas tellement de golf d’ailleurs, comme n’importe quel autre dimanche. » Et puis il se souviendra que la banalité de la journée s’est muée pour devenir un jour pas comme les autres. « Je n’ai pas le niveau pour pouvoir dire que c’était une balade du dimanche comme dans n’importe quel autre tournoi, non. Je savais que ça allait être dur, qu’il allait arriver des choses et que j’aurai à m’accrocher », raconte Lacroix. Lui n’y a pas connu autant d’accrocs que ses adversaires. Impérial sur les greens, ses 24 putts du jour lui rappelleront longtemps la bonne décision d’avoir changé d’outillage six jours plus tôt « pour un putter un peu plus court et plus favorable à une bonne posture. »
Pourtant, sa réussite sur les greens restera pour lui au second plan. Le grand jeu en revanche... Élément prépondérant lorsque le vent souffle comme ce jour-là, là est l'arme qui l’a réellement aidé à construire sa victoire. Toujours avec un coup de pouce du destin, comme au 18. « Mon drive est parti un peu trop sur la gauche mais, ce que personne n’a vu à la télé est que ma balle a rebondi contre un arbre pour revenir sur le fairway ! »
Le temps de la conclusion
Alors, la satisfaction le gagnera probablement. Celle du travail accompli depuis près de deux ans après la perte d’une carte qui a tout même apporté son lot d’apprentissage. « Cette année-là (2022, ndlr) j’ai couru après les points. Bien que chaque joueur sait qu’il ne faut pas se focaliser sur ça, lorsque les résultats ne suivent pas on pense forcément au nombre de tournois qu’il reste à jouer et on fait les calculs pour savoir s’il faut décrocher telle ou telle place. C’est une situation que je ne souhaite à personne, mais c’est une réalité. Aujourd’hui, je sais changer mon point d’attention pour me focaliser sur l’amélioration d’un secteur de jeu ou d’un type de coup ; pas sur les résultats. »
C’est d’ailleurs avec la même approche que le Francilien abordera la dernière partie de saison. Sans rien changer à son calendrier ni à ses ambitions, Frédéric Lacroix fera simplement du mieux qu’il peut pour décrocher l’un des droits de jeu du PGA Tour attribués aux dix meilleurs hommes de la Race to Dubai non exemptés par ailleurs. Un objectif qui a toujours existé, sans pour autant l'obséder d'un mois à l'autre. Aujourd'hui encore, même avec une 11e place à la Race, il le martèle. « Je sais déjà quels sont les tournois que je ne jouerai pas le mois prochain pour être en forme. À partir de maintenant, les points sont plus nombreux et la différence se fait plus vite d’un joueur à l’autre, c'est donc là que ça compte. » Les saveurs de la victoire à peine goûtée, il salive déjà d’une nouvelle réussite, sans savoir ni où ni quand celle-ci se dégustera.