La joueuse française de 21 ans a décroché son droit de jeu sur le LPGA Tour le 10 décembre dernier, quelques jours après son passage professionnel. Un grand saut pour lequel beaucoup de choses sont déjà en place.
Le besoin de souffler, le plaisir d’être en famille… et sans doute la confession d’avoir déballé son plus gros cadeau de Noël dès le 10 décembre de cette année. Durant ces quelques jours qu’elle passe auprès de sa famille, en République tchèque, Adela Cernousek va pouvoir donner corps à ces trois aspects. Elle n’aura même pas à aller chercher sur des terrains glissants le sujet de conversation autour de la table. Puisque, de son propre aveu, sa grand-mère et ses tantes ne « suivent pas trop » l’actualité du golf, elle va pouvoir leur détailler son tableau de chasse des 12 derniers mois : un titre national individuel en NCAA, une place décrochée dans le top 10 mondial amateur, une participation à ses deux premiers Majeurs (l'U.S. Women's Open et The Amundi Evian Championship), et puis le bouquet final dans les deux derniers mois, avec un passage professionnel puis un droit de jeu décroché directement sur le LPGA Tour, le plus grand circuit mondial. Le temps de narrer tout ça, les assiettes à dessert auront largement quitté le placard.
Avec une telle accumulation, l’envie de passer quelques jours au calme se comprend d’autant plus. « J’en avais vraiment besoin, confie Adela Cernousek. Cet été, je n’étais rentrée que pour une semaine. Là, j’ai un mois. » Après la République tchèque, la native d’Antibes a prévu un retour dans le sud de la France, où elle compte reprendre tranquillement l’entraînement hivernal au Provençal Golf avec son père, l’ancien international tchèque de volley-ball Ludek Cernousek. Pour l’entraînement intensif, cela se fera lors de son retour aux États-Unis, aux alentours du 10 janvier.
Si la joueuse de 21 ans peut s’offrir quelques jours de répit, c’est aussi parce que, dans la perspective très prochaine de son entrée sur le LPGA Tour, beaucoup de choses sont déjà en place. Son coach, d’abord, est et demeure Jorge Parada, avec qui elle a commencé une collaboration il y a deux ans, par l’entremise de la ffgolf. Basé au Liberty National, un parcours du New Jersey d’où l’on peut voir qu’il y a des touristes dans la couronne de la Statue de la Liberté, le technicien est constamment présent sur le circuit nord-américain, où évoluent plusieurs de ses joueuses.
Adela Cernousek compte également conserver son appartement à Texas A&M, université américaine où elle a évolué lors des trois dernières saisons. Ce qui lui permettra non seulement de bénéficier des installations de la fac. « J’ai tous mes amis, les installations restent ouvertes… C’est difficile de trouver aussi bien », explique-t-elle. Par ailleurs, elle compte bien aller, académiquement parlant, jusqu’à la validation de son diplôme, pour lequel il lui restait en toute logique un semestre, si elle n’était pas passée professionnelle dans l’intervalle. « Il me reste sept ou huit classes à valider, donc si à partir de maintenant j’en fais deux ou trois par semaine, je devrais y arriver. Même si, scolairement, j’avais un peu de retard », avoue-t-elle dans un sourire.
Si l’ancienne meilleure Française au classement mondial amateur peut aujourd’hui indiquer « joueuse professionnelle du LPGA Tour » dans son descriptif sur les réseaux sociaux, elle le doit bien sûr à sa performance sur les terrains. Mais aussi et surtout à son courage d’avoir pris la décision de passer professionnelle, changement de statut obligatoire pour pouvoir participer aux LPGA Q-Series, la finale des Cartes du circuit nord-américain. Adela Cernousek avait beau avoir remporté le titre national de NCAA, avoir pu grâce à cette victoire faire l’impasse sur la première étape de qualification, et avoir terminé à la première place lors de la deuxième étape pour s’ouvrir en grand les portes de la finale, il lui a tout de même fallu peser savamment sa décision de quitter les rangs amateurs avant la fin académique, et même sportive, de son cursus. Ce qui n’était même pas son plan à la base. « Mon plan idéal, c’était d’obtenir une catégorie sur l’Epson Tour (la deuxième division du LPGA Tour, NDLR) en me qualifiant à la finale, puis de finir la fac, et d’aller jouer sur l’Epson Tour à partir de juin », rappelle-t-elle. Sauf qu’avec la première place lors de la deuxième étape est arrivée la question : « Est-ce que je n’allais pas regretter de ne pas aller à la finale des Cartes ? », se demandait-elle alors. La réflexion ne pouvait attendre le mois de juin, il fallait la mener dès cet automne.
Pour cela, Adela Cernousek a pu compter sur un entourage garanti grande qualité. Ses parents, bien sûr, « qui m’ont beaucoup soutenue et beaucoup encouragée à passer professionnelle », souligne-t-elle. Mais également l’ancienne joueuse du LPGA Tour et lauréate de deux Majeurs Stacy Lewis, dont elle est très proche. « Son mari est le coach de ma fac, explique-t-elle simplement. Elle m’aide énormément au quotidien, dans tout ce que je fais. » Bref, beaucoup de monde consulté, et au final, une certitude dans l’esprit de la jeune Française : « Il ne fallait pas que ce soit la décision de quelqu’un d’autre, il fallait que ce soit ma décision à moi. Tant que c’était moi qui décidais, j’allais être heureuse avec ce qui allait se passer ensuite. À la finale des Cartes, par exemple, si je finissais dernière, j’allais jouer à plein temps sur l’Epson Tour. Il fallait que je sois ok avec cette possibilité, et je l’étais. »
Adela Cernousek a bien aperçu, d’un peu loin quand même, la dernière place des LPGA Q-Series, après un premier tour en 75 le 4 décembre dernier. Mais lors des quatre tours suivants de cette longue épreuve sur 90 trous, elle n’a mis à son horizon que le top 25 qualificatifs, en alignant les cartes sous le par. La longueur du tournoi a été amplifiée par le report de la dernière journée, pour cause de mauvais temps sur l’Alabama. « C’était un peu bizarre comme tournoi, relève-t-elle. Il y avait cinq tours, le cinquième jour j’ai joué quatre trous et ça a été interrompu, donc au final je suis restée un jour de plus. On ne savait vraiment pas si ça allait pouvoir finir, il fallait vraiment être patiente tout du long. Ça m’a presque aidée, car je prenais ça comme un tournoi comme un autre. Mon dernier tour, j’étais vraiment apaisée, je jouais bien. »
Même le fait d’avoir dû affronter seule la dernière journée, en tirant son sac sur un chariot qu’elle est allée acheter elle-même la veille, ne l’a pas déviée de sa trajectoire. En effet, Adela Cernousek comptait jusque-là sur le soutien d’un caddie, trouvé là encore auprès de Stacy Lewis, et qui n’est autre que… son propre père. « Pour moi, c’est comme un grand-père, indique la joueuse française. On a fait ensemble la première place à la deuxième étape des Cartes, et il m’a proposé de me caddeyer à la finale. J’ai accepté, bien sûr. » Sauf que le père en question avait une opération programmée le lendemain de la date initiale du dernier tour. Lorsque le report est intervenu, il est allé jusqu’à proposer d’annuler l’opération. « Mais j’ai dit non, je ne voulais pas prendre cette responsabilité », rigole-t-elle.
Au final, tout s’est bien passé pour Adela Cernousek, 13e avec un total de -11, largement dans les clous pour décrocher sa carte. De l’apaisement qui avait caractérisé sa dernière ronde, elle est passée à la joie partagée avec ses deux partenaires de jeu, elles aussi qualifiées. Puis à l’émotion pure, au moment d’appeler sa famille. « Et là, j’ai pleuré », admet-elle.
Après les bons services rendus par le père de Stacy Lewis, la nouvelle venue sur le LPGA Tour est en recherche d’un caddie à plein temps. D’un agent également. Des recherches plutôt facilitées par son titre national universitaire et ses deux Majeurs disputés cette année, lignes de palmarès qui ne passent pas inaperçues. « Beaucoup de gens m’ont contactée », confirme-t-elle. Dans la découverte du circuit, elle pourra toujours trouver quelques conseils auprès de Céline Boutier et Pauline Roussin-Bouchard, les deux autres Françaises qui y évolueront l’an prochain, et qui comptent plusieurs saisons au compteur. « Céline, je ne la connaissais pas du tout, mais j’ai joué 9 trous de reconnaissance avec elle à l’U.S. Women’s Open, narre Cernousek. Pauline, je la connais un peu, elle est partie à la fac quand moi je commençais à jouer des tournois internationaux. » Deux bons exemples à suivre.