Vainqueur dimanche en Géorgie de son premier tournoi sur le Korn Ferry Tour, le Drômois touche aujourd'hui du doigt, grâce à cette victoire, son rêve d'accéder au PGA Tour. Mais en attendant, il veut garder l'attitude qui lui a permis de passer de quasiment rien à presque tout en l'espace de six mois.

Le joueur formé au RCF La Boulie est désormais 3e de l'ordre du mérite. © Mogie Adamchik / Getty Images - AFP

Racontez-nous comment vous avez vécu cette victoire...
C'était parti du troisième tour où, même si je n'avais pas très bien fini (double au 16 et bogey au 18 alors qu'il avait 10 birdies sur les 15 premiers trous, ndlr), j'avais fait une super journée (65, -7) pour me retrouver co-leader et en dernière partie le dimanche. Lors du dernier tour, je n'étais pas totalement à l'aise dans mon swing et j'ai fait quelques erreurs en milieu de partie (bogeys au 10 et au 13). Le jeu était un peu moins bon que la veille, mais je suis resté bien concentré sur les coups que j'avais à taper. Je suis allé chercher trois birdies sur la fin (14, 15 et 17) en étant assez agressif sur les coups que j'avais décidé de taper, mais sans forcément changer ma stratégie en prenant des risques inutiles. Mais c'est sûr que le birdie au 17 ou l'attaque de green au 18 pendant le play-off sont des coups dont je vais me souvenir longtemps ! Et le fait que le tournoi ait été diffusé en direct et que ma famille et mes amis aient pu le regarder, c'était un peu la cerise sur le gâteau. J'ai pu échanger juste après avec mes parents, mon frère Sébastien qui m'a beaucoup aidé, et ma femme puisque je me suis marié en novembre dernier, et c'était génial de partager ces émotions avec eux.

A-t-il été facile de vous remobiliser pour aller disputer le play-off ?
Ça a sans doute été plus facile pour moi que pour mon adversaire, qui avait terminé sa partie presque une heure plus tôt, tandis que j'ai tapé la mise en jeu du play-off à peine un quart d'heure après avoir bouclé le 18 en régulation. Tout s'est enchaîné très vite et je n'ai pas eu le temps de cogiter. En fait, c'était un peu la continuité de ma fin de partie, qui était en quelque sorte déjà un play-off, donc je n'ai pas eu à me remettre dedans. Mon adversaire a joué en premier et s'est mis dans le bunker, donc il ne pouvait pas attaquer ce par 5 en deux. Derrière, il a fait un lay-up pas terrible qui a fini dans le rough, il me semble. De mon côté j'ai tapé un drive moyen depuis ce départ assez intimidant : il y avait vent contre un peu de gauche à droite, de l'eau à droite et un hors-limites à gauche, et j'ai fait un léger pull pour me retrouver pas loin du hors-limites. Comme j'avais un bon lie, j'ai décidé d'attaquer le green, mais la balle a pris le vent et a fini dans le bunker à hauteur du drapeau. De là, j'avais une sortie en montée facile, et c'était presque moyen de la mettre seulement à un mètre du trou, mais je n'ai pas eu de problème pour faire mon birdie...

Quelles émotions avez-vous ressenti en gagnant ?
Je les ai ressenties un peu plus fortement après coup, en parlant avec mes proches, mais sur le moment j'étais tellement concentré sur les shots que j'avais à jouer que la sensation de gagner était un peu bizarre. Ensuite, c'est allé tellement vite que je n'ai pas eu le temps de réaliser : trente secondes après, j'enchaînais avec l'interview et la remise des prix !

Vous avez d'ailleurs soulevé un trophée assez inhabituel...
Oui, c'est une voiturette de golf en plastique, puisque le sponsor du tournoi est un constructeur de voiturettes ! Mais je ne sais pas où il est : je l'ai posé quelque part après la remise des prix et je ne sais pas ce qu'il est devenu... Mais j'ai aussi gagné une vraie voiturette ! Je ne sais pas trop ce que je vais pouvoir en faire, mais a priori celle dans le garage sera toujours plus utile que celle sur la cheminée !

Une dans le garage, une sur la cheminée ! © Mogie Adamchik / Getty Images - AFP
Tout s'est joué à rien du tout, dans un sens ou dans l'autre, donc c'est encore plus incroyable d'avoir gagné sachant qu'il y avait très peu de chances que je joue ce tournoi en particulier il y a quelques mois de cela !

Deux jours plus tard (entretien réalisé mardi 8 avril), qu'est-ce que ce succès vous inspire ?
Au niveau du statut que j'ai sur le circuit, ça change beaucoup de choses, donc à ce niveau-là c'est génial. J'ai maintenant des garanties de jouer tout ce que je veux d'ici la fin de la saison, donc c'est un poids qui s'enlève. Au niveau financier, c'est pareil. Et puis je me suis assez sérieusement rapproché du PGA Tour (il est désormais 3e de l'ordre du mérite, sachant que les 20 premiers en fin de saison seront promus), donc c'est super encourageant pour la suite. Enfin, le fait d'être revenu de derrière et d'avoir gagné en play-off, ça rend cette victoire encore plus particulière. Tous les ingrédients étaient réunis pour que cette victoire me serve beaucoup pour la suite.

Il y a un mois, vous n'aviez qu'un droit de jeu partiel sur le Korn Ferry Tour ; aujourd'hui vous êtes idéalement placé pour monter sur le PGA Tour l'an prochain. C'est la preuve que tout peut aller très vite dans le golf ?
Exactement ! Et encore plus si on recule encore quelques mois en arrière, à la fin de la saison sur le PGA Tour Americas (la troisième division américaine) : j'avais fini 35e et je n'avais rien de garanti pour 2025. Je suis rentré en Europe où j'ai loupé les PQ1 des Cartes européennes pour un coup, puis je suis retourné aux États-Unis pour passer in extremis les PQ1 et les PQ2 des Cartes américaines, et enfin j'ai manqué la carte pleine du Korn Ferry Tour d'un petit coup lors de la finale... Tout s'est joué à rien du tout, dans un sens ou dans l'autre, donc c'est encore plus incroyable d'avoir gagné sachant qu'il y avait très peu de chances que je joue ce tournoi en particulier il y a quelques mois de cela !

Qu'est-ce qui a amené cette victoire, au-delà de ce qui s'est passé sur le terrain ces derniers mois ?
Quand j'ai bouclé l'année 2024, j'étais très déçu de là où je me retrouvais, car j'avais bien commencé la saison sur le PGA Tour Americas et j'ai ensuite eu des résultats décevants dans la deuxième partie du calendrier au Canada. En devant repasser par les PQ1, et sachant que ça fait quelques années que je n'arrivais pas à sortir des circuits satellites, j'ai commencé à me poser des questions sur mon futur en tant que joueur professionnel. Je n'étais pas sûr de continuer, mais les PQ1 se sont bien terminées, et derrière j'ai fait des efforts pour organiser sérieusement un staff autour de moi. J'ai l'impression que ça a porté ses fruits.

Avez-vous davantage travaillé, ou cette bonne période est-elle plutôt due à un état d'esprit meilleur ?
C'est plus dans l'état d'esprit, je pense. Je ne passe pas plus de temps à m'entraîner qu'auparavant – même si j'en passe beaucoup, attention ! (rires) – donc c'est plutôt dans la façon d'aborder mon métier que j'ai un peu évolué. Cette petite remise en question m'a clairement aidé à franchir ce pas. Quand j'ai abordé les Cartes américaines, je me suis dit que quel que soit le résultat, je voulais en sortir sans avoir de regret au niveau de l'intensité. Je me suis dit que si je m'en étais donné les moyens, si j'avais mis toutes les chances de mon côté, je pourrais vivre avec le résultat, quel qu'il soit. Et j'ai gardé cet état d'esprit en ce début de saison, je l'ai amené sur chaque tournoi et chaque partie.

Est-ce que vous réalisez que vous touchez du doigt votre rêve de PGA Tour ?
Oui, oui... À la fois je le réalise d'une manière un peu distante, et à la fois je veux garder cet état d'esprit de ne pas me projeter trop dans le futur. Le but, maintenant, va être de me remettre dedans, et de partir pour le prochain tournoi en ayant la tête fraîche et les idées claires, pour l'aborder comme j'ai abordé le précédent.

Est-ce que cette victoire peut changer vos plans en termes de calendrier ?
Non, pour l'instant l'idée reste de tout jouer. Il n'y a eu que sept tournois du calendrier joués depuis le début de l'année, et moi je n'en ai fait que cinq, et au maximum deux d'affilée, donc c'est peu. Là, il y a une série de trois qui arrive, dont celui du milieu qui se joue à côté de chez moi au Texas, ce qui veut dire que je vais pouvoir rentrer à la maison le soir. Donc ça va être assez tranquille jusqu'à début mai. Ça va commencer à bien s'enchaîner ensuite, avec des séries un peu plus longues, mais pour l'instant je reste sur l'idée de tout jouer. Je verrai par la suite s'il y a lieu de prendre une semaine off au milieu d'un long stretch, ou si quelque chose d'autre vient se greffer sur mon planning.

Qu'est-ce qui pourrait justement modifier votre calendrier ?
Je vais participer aux qualifications de l'U.S. Open, donc en fonction du résultat ça pourrait changer mon programme. Il y a aussi un Monday Qualifying pour The CJ Cup Byron Nelson sur le PGA Tour le lundi 28 avril, le lendemain du tournoi « à domicile » à Arlington, donc ça peut être sympa de le jouer puisque la qualif' est à côté de la maison. Et ce d'autant plus que le Byron Nelson se joue sur le parcours sur lequel je m'entraîne toute l'année, le TPC Craig Ranch. Je n'ai pas encore décidé si j'allais tenter cette qualification, mais c'est une possibilité qui a du sens. Néanmoins, je n'ai pas envie de m'éparpiller : je veux vraiment marquer les points sur le Korn Ferry Tour pour assurer la montée en fin de saison.

Comment jugez-vous ce circuit, que vous découvrez réellement cette année ?
J'avais joué une dizaine de tournois du Korn Ferry Tour ces années passées, mais c'est effectivement la première saison complète que je fais sur ce circuit. C'est très sympa car les tournois, surtout ceux aux États-Unis, sont très bien organisés : certains existent depuis de longues d'années, donc c'est bien rôdé. On joue des bons parcours, généralement très bien préparés, même si certains sont quand même beaucoup moins sélectifs que sur le PGA Tour. Il y a aussi pas mal de médiatisation, de la diffusion en direct sur certaines épreuves, donc c'est vraiment une bonne façon de se préparer à l'étage supérieur. Et puis je connais beaucoup de monde, je dirais même la plupart des joueurs, pour avoir joué avec eux en université ou sur les circuits satellites ces dernières années. Et enfin, il y a Paul Barjon avec qui je partage pas mal de déplacements, de locations et de parties d'entraînement. C'est vraiment super d'avoir un ami présent à chaque tournoi, et je suis très content de l'avoir rejoint au palmarès des Français vainqueurs sur le Korn Ferry Tour. Il n'est plus seul maintenant !