Une dizaine de jours après avoir décroché son droit de jeu sur le PGA Tour, Antoine Rozner revient sur une finale et surtout un dernier tour éprouvants, mais couronnés de succès. Et se projette déjà sur 2025, qui va arriver très vite.

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Antoine Rozner, aux côtés de son partenaire de jeu du dernier tour Jesper Svensson, tombe dans les bras de son caddie à la conclusion du DP World Tour Championship, le 17 décembre dernier. © Ross Kinnaird / Getty Images - AFP

Qu’avez-vous fait depuis dix jours et votre troisième place au DP World Tour Championship, qui vous a permis de gagner votre carte sur le PGA Tour ?
Je me suis beaucoup reposé, déjà. J’ai eu pas mal de sollicitations médiatiques, et puis j’ai eu une journée d’orientation pour les promus sur le PGA Tour. C’était le lendemain du dernier tour à Dubaï, ils avaient demandé aux dix joueurs qualifiés de rester une journée de plus. C’était une journée un peu découverte, pour expliquer tout le fonctionnement du PGA Tour, et les différences avec le DP World Tour. On nous a présenté les équipes, montré le calendrier, expliqué les catégories. Ça m’a permis de voir dans quels tournois j’allais rentrer, la façon de se qualifier pour les Signature Events (huit tournois du PGA Tour à champ réduit et à dotation augmentée, NDLR), car pour l’instant je n’y suis pas, il va falloir que je me qualifie. On nous a aussi expliqué les détails concernant les visas, les assurances santé, etc. Ce sont des détails, mais c’était bien qu’on nous les explique. Ça fait beaucoup de choses à faire, mais j’ai mon agent qui est sur le coup, ça aide beaucoup.

Vous dites que vous vous êtes reposé depuis la conclusion du DP World Tour Championship. Dans quel état physique et émotionnel étiez-vous après ce tournoi ?
J’étais très fatigué. J’avais beaucoup enchaîné depuis l’été, je n’avais eu que trois semaines de pause réparties sur quatre mois. C’était beaucoup, j’ai eu très peu de temps pour moi, j’ai fait beaucoup de sacrifices d’un point de vue personnel. Et à Dubaï, ça a été éprouvant émotionnellement, surtout le week-end. Il y avait beaucoup de pression, beaucoup d’attente, et il fallait répondre présent.

L’une de vos premières réactions, à l’issue du dernier tour de la finale au micro du DP World Tour, a été de dire que ça avait été très dur. Comment avez-vous vécu cette journée de dimanche en particulier ?
Ça avait très bien commencé avec un birdie au 1, même si j’ai eu de la réussite car j’avais égaré mon drive sur la gauche, mais je me suis retrouvé avec un très bon lie. Mais ça a été une journée très compliquée en termes de frappe de balle. Je n’ai pas rentré beaucoup de putts non plus. Donc j’ai un peu ramé. J’ai eu un passage très dur du 9 au 12, qui m’a fait très mal à ce moment-là, car je me suis éloigné de la gagne. En revanche, sur les six derniers trous, je me suis mis en position de birdie à chaque fois, même si je n’ai pas toujours été en mesure de concrétiser. Mais c’était solide, je ne me suis pas mis en difficulté. Il y avait beaucoup de pression sur les derniers trous évidemment, même si je n’étais pas vraiment au courant de tout ce qui se passait autour de moi d’un point de vue comptable. 

Le passage à vide que vous avez eu du 9 au 12 est-il dû, selon vous, au fait que vous avez été rattrapé un peu par la pression ?
Non, pas vraiment, car la pression, je l’avais depuis le début, voire depuis la veille. J’ai fait quelques mauvais coups au mauvais moment qui m’ont coûté cher, mais je ne pense pas que c’était dû à la pression.

En fin de partie, même si vous n’étiez pas au courant de tous les scores, est-ce que, d’instinct, vous deviniez qu’avec un birdie sur les derniers trous, vous alliez pouvoir décrocher la carte sur le PGA Tour ?
Oui, complètement. Sur les trois derniers trous, je disais à mon caddie : « Il m’en faut un ». C’était une intuition. Je voyais qu’il y avait pas mal d’ex æquo, et donc je me disais qu’il fallait que je me démarque. Mais je n’étais pas certain non plus pour autant, car encore une fois, comptablement, je ne savais pas trop ce qui se passait. Et puis, il y avait d’autres enjeux, car cela reste le plus gros tournoi de l’année, il y avait beaucoup de points en jeu, j’espérais aussi me qualifier pour la Team Cup, donc je voulais faire bonne figure auprès des capitaines.

À quel moment avez-vous su, réellement, que vous aviez gagné votre place sur le PGA Tour ?
En sortant du green du 18, j’ai vu un journaliste de la télévision anglaise, je lui ai demandé : « Est-ce que c’est bon ? Est-ce que c’est bon ? ». Et il m’a répondu un truc horrible, du genre : « C’est compliqué mais je crois que c’est bon… ». Donc j’étais un peu perdu, je ne savais pas trop. Et après, juste avant mon interview avec les journalistes de Canal+, je leur ai demandé s’ils étaient sûr que c’était bon, parce qu’en fonction de ça, forcément, mon interview n’allait pas être la même. Et donc ce sont eux qui m’ont dit que c’était sûr à 100 %. 

À ce moment précis, quelles sont les émotions qui sont passées dans votre tête ?
Beaucoup de bonheur, beaucoup de fierté, car encore une fois, ça a été très dur. D’avoir su garder la tête froide sur les derniers trous, d’être resté concentré sur ma partie jusqu’à la fin, c’était fort. Surtout qu’il y avait des coups pas faciles à taper sur les derniers trous, donc il fallait répondre présent. J’étais fier de moi à ce moment-là.

Que pensez-vous avoir encore mieux fait cette saison, par rapport aux précédentes ?
J’ai très bien joué dans les gros tournois. C’est ce qu’il me manquait les années précédentes pour vraiment passer un cap. Certes, j’avais gagné, mais c’était sur des tournois moins importants. Là, sur les Rolex Series, j’ai été très fort : 16e à Dubaï, 26e au Scottish Open en faisant un mauvais dernier tour, 7e à Wentworth, 6e à Abou Dhabi, 3e à la finale à Dubaï… C’est clairement ce qui a fait la différence. On sait que ce sont des tournois qui rapportent énormément de points à la Race to Dubai, et c’est dans ce domaine que j’ai excellé cette année et que ça a payé. Après, je savais que c’était un point sur lequel il fallait que je progresse, mais ce n’est pas parce qu’on dit qu’il faut qu’on joue mieux dans les Rolex Series qu’on va le faire. Ça prend du temps de se sentir à l’aise dans ce genre de tournois, et j’ai peut-être passé un cap à ce niveau-là, je me sens plus à ma place parmi les meilleurs. Dans ces gros tournois, à aucun moment, je ne me suis pas senti à ma place.

Vous aviez eu l’occasion, en 2021, de jouer quelques tournois sur le PGA Tour. Que retenez-vous de cette expérience, et vous aidera-t-elle pour aborder la saison prochaine ?
C’est la dimension du dessus. Il y a des dizaines de milliers de spectateurs tous les jours, des parcours de dingue, les meilleurs joueurs du monde, des dotations plus grosses… Le DP World Tour est très bien, mais le PGA Tour, c’est la meilleure division mondiale. Je sais un peu à quoi m’attendre grâce aux tournois que j’avais disputé à l’époque, et donc j’espère que je vais tout de suite m’y sentir bien.

Sur le circuit américain, vous allez retrouver Matthieu Pavon et Victor Perez, que vous avez côtoyé pendant des années en Europe. Est-ce que leur présence va être une aide pour vous ?
C’est sûr que j’aurai un point d’appui si jamais j’ai des questions ou besoin de conseils concernant telle ou telle chose sur le PGA Tour. C’est toujours agréable de croiser et de fréquenter des compatriotes. Je pense qu’ils vont m’aider, et je pense que cela va me faire gagner un peu de temps.

Vous parliez de l’enjeu de vous qualifier pour les Signature Events. Il y a une méthode qui fonctionne : celle employée par Matthieu Pavon l’an passé. Est-ce que le fait qu’il ait gagné un tournoi l’année dernière vous aide à arriver sur le PGA Tour sans avoir de plafond de verre ?
Ce qu’a fait Matthieu, il faut bien se rendre compte que c’est exceptionnel. Certes, je vais tout faire pour me retrouver dans la même situation, mais il ne faut pas se dire que c’est quelque chose de facile, car en réalité, c’est très compliqué. Je vais essayer de parcourir mon chemin à moi, de faire des résultats. J’ai toujours été un joueur très régulier tout au long des saisons. Donc je vais essayer de continuer comme, je pense que c’est une clé importante pour me retrouver en bonne posture en fin de saison. Je vais faire mon petit bout de chemin. Ce qu’a fait Matthieu, ça inspire et ça guide. Mais moi, je vais essayer d’écrire l’histoire d’Antoine Rozner, et j’espère qu’elle sera la plus belle possible.

Vous avez été sélectionné pour la Team Cup, du 10 au 12 janvier à Abou Dhabi. Dans quel état d’esprit allez-vous aborder ce match, sous les yeux du capitaine européen de Ryder Cup, Luke Donald ?
J’avais joué ce match il y a deux ans, il y avait une belle ambiance et une belle rivalité entre les Britanniques et Irlandais d’un côté et les Continentaux de l’autre. Je pense que Luke considère vraiment ça comme un entraînement pour la Ryder Cup, et il a tout à fait raison. Je peux vous dire que les joueurs qui sont là n’ont pas envie de perdre. Moi, comme toujours, je vais essayer de figurer le mieux possible, de jouer le mieux possible. Je n’ai pas à surjouer pour essayer d’impressionner les coaches, ce n’est pas le but. J’ai juste besoin de jouer mon jeu, d’être moi-même, et ce sera à eux, le moment venu, de faire la sélection comme bon leur semble.