En remportant le D+D Real Czech Masters dimanche dernier, David Ravetto a fait franchir un cap à sa carrière professionnelle, en entrant dans le club des vainqueurs sur le DP World Tour. Un succès qui doit beaucoup à sa ténacité, mais aussi à un récent changement d’état d’esprit.

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David Ravetto a remporté son premier succès sur le DP World Tour dimanche dernier, lui qui joue sa deuxième saison sur le grand circuit. © Octavio Passos / Getty Images - AFP

« Il y a encore deux semaines, j’étais en visio avec mon staff et je ne savais pas si j’allais plutôt me concentrer sur le Challenge Tour ou le DP World Tour. » Au moins, depuis dimanche dernier, la réponse à cette question est très simple : pour les deux prochaines années, ce sera première division et rien d’autre pour David Ravetto. Effet immédiat, et participation aux gros tournois en prime.

Vainqueur du D+D Real Czech Masters, en partie grâce à une sensationnelle dernière journée en 64 (-8), le Racingman a changé, en l’espace de 72 trous, de catégorie. Au propre comme au figuré. Car non seulement il est désormais membre de la catégorie 3 du circuit européen (celle des vainqueurs de tournois réguliers), ce qui lui garantit sa place dans l'élite du continent, mais en plus, il rejoint le club des lauréats, en débarquant directement du groupe de joueurs se battant chaque semaine pour le moindre petit point qui leur ferait conserver leur carte en fin de saison.

« Tout le monde le dit dans le golf : tout peut aller très vite dans les deux sens, donc il faut toujours s’accrocher, ne pas perdre la foi, observe-t-il. Mais quand on le vit pour la première fois, c’est assez hallucinant. On change complètement de catégorie. Après, il faudra confirmer, mais c’est la plus grosse marche que j’ai franchie depuis que je suis passé pro. Surtout, maintenant, je sais que j’ai un job pour les deux prochaines années. »

Désormais 30e de la Race to Dubai, David Ravetto, 27 ans, peut regarder vers le haut. En effet, après le Danish Golf Championship, au Danemark, où il est engagé cette semaine, s’ouvrira le Back 9 du calendrier du DP World Tour. Comprenez neuf épreuves (dont le FedEx Open de France, du 10 au 13 octobre), offrant chacune un total de 5000 points à la Race to Dubai, contre 3000 jusqu’à présent pour les tournois "ordinaires".

Parmi eux se glissera, du 19 au 22 septembre, le BMW PGA Championship, sur le parcours iconique de Wentworth, étape des Rolex Series pesant 8000 points à elle seule. Et puis il y aura, en point d’orgue au mois de novembre, la première édition des play-offs du DP World Tour, avec l’Abu Dhabi HSBC Championship, auquel participera le top 70 de la saison, puis le DP World Tour Championship, réservé au top 50 à l’issue du tournoi précédent. En jeu : 9000 points dans le premier cas, 12000 dans le second. La participation de Ravetto est certaine à Wentworth et Abou Dhabi, probable à Dubaï.

Les dix accès au PGA Tour qui seront donnés en fin de saison sont donc désormais, mathématiquement, à sa portée. « Mais vu que ça ne marchait pas très bien quand je ne pensais qu’à marquer des points pour sauver ma carte, je pense que ça ne marchera pas non plus pour aller chercher la carte sur le PGA Tour, tempère-t-il. Ça sera dans un coin de ma tête, mais il va surtout falloir penser à cette notion de plaisir, d’autant que maintenant, il y a une grosse pression qui est partie. Ça va être du pur kif. »

En effet, pour s’imposer à Prague, David Ravetto a dû changer des choses. En lui-même, pour commencer, en parvenant à se débarrasser d’un besoin de points qui, peu à peu, avait viré à l’obsession. « L’objectif, c’était vraiment de changer mon état d’esprit en tournoi, où j’étais complètement obsédé par le résultat, obnubilé par les points pour sauver ma carte et "survivre", narre-t-il. Ces dernières semaines, j’allais en tournoi presque comme si j’allais à l’abattoir. J’attendais un peu la m**** qui devait arriver… et qui arrivait, de toute façon, au golf, quand on l’attend, elle arrive. »

Quoi de plus compréhensible, en même temps, pour un joueur qui, depuis le début de sa carrière professionnelle, a vécu avec l’incertitude de son destin la saison suivante. Arrivé pour la première fois sur le DP World Tour grâce à une belle campagne lors des Cartes européennes fin 2022, l’ancien étudiant de TCU avait malheureusement gagné le droit de recommencer, un an plus tard, pour sauver sa place. Ce qu’il fit de belle manière, en prenant une 16e place faisant de lui le seul Français couronné de succès aux Cartes, en 2023.

Malgré tout, la première partie de son année 2024 était marquée par des résultats en dents de scie sur le DP World Tour (avec un podium tout de même, début mars en Afrique du Sud), où sa petite catégorie ne le laissait pas entrer partout, et une perspective éventuelle de se consacrer pleinement au Challenge Tour, sur lequel il avait enlevé, déjà, une belle victoire lors du Dimension Data Pro-Am, en février.

Or donc, la semaine passée à Prague, son état d’esprit n’était plus le même. « Je suis arrivé le lundi, j’étais content de revenir, souligne-t-il. J’ai trouvé que le parcours convenait très bien à mon jeu, car je pouvais driver partout, je puttais bien, je savais que j’allais prendre pas mal de greens. Après, ça ne veut pas dire que je n’ai pas eu de pression et plein de pensées négatives, mais me raccrocher uniquement à ce que je pouvais contrôler, ça m’a vraiment permis de rester dans le moment présent. C’est très bateau, mais c’était vraiment ça. »

Lors du dernier tour, alors qu’il évoluait en dernière partie et qu’il figurait clairement parmi les candidats à la victoire, il parvenait à ne pas jeter le moindre regard sur un leaderboard jusqu’à la sortie de bunker qu’il a dû négocier au 17. Tout ça pour comprendre que, sauf accident, il avait course gagnée.

Dès lors, David Ravetto a pu remonter le 18 l’esprit libre. Mais non sans faire face à un sacré défi émotionnel. « Au 18, après avoir mis le drive sur le fairway, j’ai failli craquer pendant que je marchais, avoue-t-il. J’ai réussi à ne pas pleurer jusqu’au dernier putt, mais après j’ai vu Clément Sordet arriver vers moi, avec son téléphone et ma copine en visio, avec les larmes aux yeux, donc j’ai craqué. C’est la première fois que je pleure pour une victoire. »

L’émotion s’est libérée encore davantage dans les bras de son caddie, Jesse Karlsson, Suédois expérimenté, mais ayant porté le sac du Français sur six tournois seulement, avant d’arriver en République tchèque. « Il a très vite cerné mon personnage, livre David Ravetto. Je suis quelqu’un qui n’a pas besoin de trop d’infos, et quelques fois, je fais des coups au feeling. Et à part quand c’est n’importe quoi, il me laisse faire. » Et peu lui importaient les cinq cuts manqués par le Français depuis le début de leur collaboration. « Même quand je ne jouais pas bien, je n’ai absolument pas senti qu’il n’était pas content. Je pense qu’il va continuer avec moi jusqu’à la fin de l’année », sourit-il. On ne change pas une équipe qui gagne.