À 47 ans et pour son 560e départ en carrière sur le circuit européen, Grégory Havret a tiré sa révérence à l'occasion du FedEx Open de France, mi-octobre. Un moment fort en émotion que le Rochelais a fait durer, pour le plus grand bonheur de ceux qui l'ont suivi.
L'édition 2023 de notre open national, bien que jouée dans la grisaille typiquement parisienne d'une fin de mois de septembre, avait été ensoleillée par les adieux de Raphaël Jacquelin. À 49 ans, celui qui disputait alors son 681e tournoi sur le DP World Tour avait mis un point final à une carrière longue de plus d'un quart de siècle au plus haut niveau continental. Ce jour-là, le Lyonnais était accompagné sur le parcours de sa femme et ses enfants, mais aussi de deux de ses plus vieux copains du circuit, Nicolas Colsaerts et Grégory Havret. Leur partie avait offert au public du Golf National d'émouvants instants de complicité, et s'était conclue à leur arrivée au green du 18 le vendredi soir par une ovation bien méritée pour l'ensemble de son œuvre. J'y avais assisté au plus près, descendant à leurs côtés le dernier fairway, autant pour ne rien manquer du caractère historique de ce chapitre qui se refermait que par respect pour le professionnalisme exemplaire dont Jacquelin avait toujours fait preuve, bien avant que je n'arrive dans le milieu.
C'est animé des mêmes sentiments qu'un an plus tard, je cochais dans mon agenda la date du 11 octobre et l'horaire prévisionnel de 18 heures, correspondant à la fin supposée du deuxième tour de Grégory Havret. Douze mois après son compère, c'était effectivement au Rochelais de faire ses adieux au circuit européen à l'occasion de son 23e Open de France. Comme Jacquelin, il avait reçu un beau cadeau de la part des organisateurs, qui l'avaient associé non seulement à Colsaerts, mais aussi à Marcel Siem, le quatrième larron de leur quatuor de potes. Et comme lui, il était venu affronter une dernière fois l'Albatros entouré de sa famille et ses amis. Croisé quelques jours auparavant au Golf du Médoc, il m'avait fait part de son excitation grandissante à l'approche de cet ultime rendez-vous. À la veille du premier tour, il était venu me trouver en salle de presse pour honorer une demande d'interview au sujet de son histoire personnelle avec son open national, et malgré l'émotion bien légitime qu'il avait manifesté à l'évocation de ses souvenirs, il n'en avait pas moins affirmé son désir d'être compétitif pour sa « dernière danse ».
Un par au 18 pour faire le cut
La carte de 75 (+4) rendue le jeudi en ouverture du tournoi ne le laissait guère présager, toutefois, et c'est d'un œil quelque peu distrait que je suivais, le lendemain, l'évolution de sa partie, juste soucieux de ne pas être en retard pour le voir taper sa dernière mise en jeu. Après six premiers trous joués en -1, il pointait encore loin du cut provisoire, mais deux birdies consécutifs au 7 et au 8 le mirent en position d'y croire. Sur les trous suivants, il manqua plusieurs occasions putter en mains malgré un grand jeu métronomique, mais arracha deux oiselets supplémentaires à l'entame de la dernière ligne droite, d'un chip d'orfèvre au 14 suivi d'un coup de fer plein piquet au 15. Regardant le leaderboard, je commençais à m'exciter : avec son -5 journée, le grand Greg était revenu dans le cut ! Rageant devant la télévision suite à un putt manqué d'un rien au 16 où il dut se contenter d'un par, je sortis en trombe du club-house pour rejoindre le départ du 18. Arrivé avec quelques secondes d'avance, j'eus le temps d'assister à un nouveau par au 17, qui le mettait face à une équation plutôt simple : un par au dernier trou le qualifierait pour le week-end, un bogey le renverrait à la maison...
Retrouvant près du tee box quelques confrères venus eux aussi assister à l'événement, je me rendis compte de la présence, aux côtés du bénévole portant le panneau des scores de la partie, d'Edgar, le jeune fils du champion, qui fréquentait la même école de golf que le mien. « Il va le faire ! » lui dis-je avec un optimisme un peu forcé. « J'espère, j'espère ! » me répondit-il avec candeur. La mise en jeu de son paternel au 18, bien que plein fairway, laissait encore la place à l'incertitude au vu du second coup qu'elle lui imposait. « Fer 3 ? » proposa son caddie. « Non, hybride », entendis-je Greg répondre en tendant l'oreille. Ce choix s'avéra le bon puisque, après avoir exécuté une merveille de coup, nous vîmes la balle atterrir au cœur du green et venir rouler gentiment à une poignée de mètres au-dessus du drapeau ! Edgar, qui avait croisé les doigts et fermé les yeux pendant qu'elle volait, poussa un cri de joie et de soulagement qui retentit dans tout le Stadium !
La conclusion parfaite
Deux putts plus tard et un par dûment assuré, Grégory Havret signait une fantastique carte de 66 (-5), égalant son meilleur score en carrière sur l'Albatros ! L'ovation reçue du public n'en fut que plus belle, et les embrassades de sa famille et ses proches que plus émouvantes. « J'ai encore un petit week-end à tirer, et ça, ce matin en me levant, je n'y aurais pas pensé. Mais je ne voulais pas que l'histoire se termine comme ça », souriait-il quelques minutes après cet authentique exploit en répondant aux questions des journalistes avec autant de courtoisie que de pertinence que ces vingt-cinq dernières années. Certes, Grégory Havret n'a pas gagné cet Open de France 2024, mais il a su écrire la conclusion parfaite à sa carrière de joueur professionnel. Ou du moins, à celle de joueur du circuit européen, puisque d'autres défis l'attendent désormais. Que ce soit sur le circuit senior à l'horizon 2027, ou auprès des meilleurs espoirs masculins français dans le cadre sa mission pour la Fédération française de golf démarrée cette année, une chose est sûre : il continuera à aimer passionnément le golf, et à transmettre sa passion à ceux qui l'entourent. Pour tout : merci, Greg !
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