Attiré par l'enseignement depuis son plus jeune âge, Cyril Miranda s'est dûment formé et diplômé pour devenir entraîneur de joueurs professionnels, ce qui ne l'a pas empêché de tenter sa chance sur le circuit en tant que joueur, puis caddie ! Digne représentant de la nouvelle génération de coachs français, l'ex-copilote de Benjamin Hébert revient ici sur son parcours, aussi original qu'exemplaire.

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Comment avez-vous découvert le golf ?
Quand j'étais tout petit, sur les genoux de mon père, devant la télévision ! Et j'ai tout de suite été mordu. J'ai tapé mes premières balles dans le bunker du 18 du golf de Biarritz, et j'ai commencé l'école de golf à Bassussary, en même temps que les frères Lorenzo Vera. Quand j'avais entre six et dix ans, mon père s'est arrêté de jouer, donc je n'ai pas joué non plus, mais quand il s'y est remis, je me suis lancé à fond. À cette époque-là, j'ai usé la cassette vidéo de Nick Faldo et David Leadbetter à Valderrama, et je disais à mon père que quand je serai grand, je serai entraîneur de champions...

Quel a été votre parcours chez les amateurs ?
J'ai progressé assez vite jusqu'à obtenir mon premier index négatif vers l'âge de 18 ans. J'ai joué en club à Chiberta de 1998 à 2010, de mon premier cours pour débutants au capitanat de l'équipe première lors de ma dernière année amateur. J'ai participé à la plupart des grandes compétitions nationales comme la Gounouilhou ou la Lignel, et j'ai écumé les Grand Prix et les compétitions régionales. J'ai aussi été champion de France universitaire avec la fac de Bayonne.

Avez-vous songé à tenter votre chance chez les professionnels ?
Depuis tout petit, je rêvais d'être coach de haut niveau, mais à un moment j'ai quelque peu bifurqué : j'avais la fac de lettres la journée, un petit boulot le soir, et le golf le reste du temps. Et comme ça se passait vraiment très bien à l'entraînement, je me suis décidé à tenter ma chance du côté des pros. J'en ai parlé à mon père, qui m'a dit que si je voulais me lancer dans cette voie, je devais être assidu et sérieux comme pour n'importe quel métier. Deux jours après avoir pris ma décision en ce sens, j'ai participé au dernier match de volley-ball de la saison avec l'équipe de la fac, et je me suis gravement blessé au pied... J'ai été immobilisé pendant des mois, donc j'ai fini par me dire que c'était peut-être le signe que je faisais fausse route. Dès que j'ai pu marcher à nouveau et taper des balles, j'ai eu en ligne de mire la sélection pour rentrer à l'école fédérale, ce que j'ai fait en 2010.

Ça m'a aussi montré que j'étais fait pour cette vie de voyages incessants, qui est à peu près la même pour les coachs que pour les joueurs.

Quel cursus avez-vous suivi pour vous former au métier d'entraîneur ?
Au sein du centre de formation de la FFGolf, j'ai d'abord effectué mon alternance pour le premier degré au golf de Lésigny, en Seine-et-Marne. En 2012, j'ai ensuite été recruté par le golf de Saint-Nom-la-Bretèche pour être l'assistant de Dominique Larretche, et j'ai couplé cette expérience professionnelle avec le passage de mon second degré. En 2014, j'étais responsable de l'école de golf et entraîneur de l'équipe 2 à Saint-Nom, et en septembre de cette année-là j'ai décidé de rentrer au pays pour m'installer à mon compte à Illbaritz. À ce même moment, j'ai passé un coup de fil à Benjamin Hébert pour le féliciter de sa victoire à Pléneuf sur le Challenge Tour, et je lui ai proposé de lui prendre le sac pour la finale à Dubaï, qui avait lieu deux mois plus tard. Début novembre, nous voilà aux Émirats arabes unis, et on gagne ! Je me voyais déjà partir avec lui sur le Tour l'année suivante, me disant que ce serait une formidable opportunité pour continuer à me former sur le tas, mais il m'annonce qu'il veut prendre un caddie expérimenté. Bon, pas de problème. Seulement, cinq mois plus tard, il me rappelle en me disant qu'il veut changer de caddie, et me propose un essai de cinq semaines... Cinq semaines qui se sont transformées en trois ans !

Comment avez-vous connu Benjamin ?
Je l'a rencontré alors qu'il venait de rentrer de Tahiti, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans, par l'intermédiaire d'un ami commun. On s'est retrouvés tous les trois sur le parcours de Chiberta, où j'ai assisté à une partie de golf d'extra-terrestre ! J'ai tout de suite pensé qu'il deviendrait un très grand joueur. Après cela, on est restés en contact, on a partagé des parties, des repas, des soirées, et c'est ainsi qu'on est devenus amis.

À qui avez-vous porté le sac sur le Tour européen ?
Avec Ben, on a démarré à l'open d'Espagne 2015. Il a été super de m'offrir cette possibilité d'évolution personnelle, même s'il savait que je ne voulais pas faire ça ad vitam æternam. En tournoi, je me suis trouvé projeté dans le monde dont je rêvais : j'ai pu approcher les joueurs, les entraîneurs, voir comment chacun faisait aussi bien techniquement que physiquement... Pour le petit garçon qui était en moi, c'était énorme de pouvoir discuter avec David Leadbetter ! Avec Ben, on a arrêté en décembre 2017, et j'en ai profité pour m'inscrire au diplôme d'état supérieur, le troisième degré. Mais dans le même temps Adrien Saddier m'a appelé pour me demander de lui prendre le sac la saison suivante. La saison s'est passée, on a arrêté en août, et je me suis dit que c'était l'occasion d'essayer de travailler avec des étrangers. J'ai ainsi caddeyé un peu pour l'Allemand Sebastian Heisele et l'Anglais Chris Hanson. Finalement, j'ai terminé 2018 avec Ben, qui m'a rappelé pour assurer la transition entre son ancien et son nouveau caddie. On a fait les Final Series et Maurice ensemble, une belle façon de boucler la boucle. Après cela, j'ai entraîné à titre individuel Marion Duvernay et Anthony Renard, ce qui m'a permis de valider mon DES (diplôme d'État supérieur, ndlr) car il n'y a pas besoin d'être en alternance dans un club pour ce troisième degré.

Qu'avez-vous retiré de cette vie sur le Tour pendant quatre ans ?
Des bons moments de sport, déjà : la victoire à Dubaï avec Ben dès notre premier tournoi ; se retrouver en tête à St Andrews, lieu mythique, l'année suivante lors de l'Alfred Dunhill Links Championship ; côtoyer les plus grands joueurs du monde toutes les semaines. Ça m'a aussi montré que j'étais fait pour cette vie de voyages incessants, qui est à peu près la même pour les coachs que pour les joueurs. Enfin, j'ai beaucoup observé les joueurs et entraîneurs, beaucoup discuté avec eux, et sans dénigrer toutes les formations que j'ai suivi en France ça a été la meilleure école du monde ! Ça m'a apporté un plus que peu de personnes peuvent avoir, donc je suis éternellement reconnaissant à Ben de m'avoir fait rentrer dans ce milieu.

C'est un milieu très anglo-saxon et assez fermé, donc c'est à toi de faire tes preuves pour être accepté. On te le fait bien comprendre, mais à force de t'affirmer et de faire du bon boulot, tu finis par être accepté dans cette troupe !

Au sujet de sa période caddie

Comment jugez-vous votre évolution en tant que caddie ?
Au tout début, évidemment, j'étais un peu spectateur. J'étais simplement là pour donner un coup de main à mon pote. Mais au fur et à mesure des tournois, j'ai pris des automatismes, j'ai observé ce que faisaient les autres caddies. C'est un milieu très anglo-saxon et assez fermé, donc c'est à toi de faire tes preuves pour être accepté. On te le fait bien comprendre, mais à force de t'affirmer et de faire du bon boulot, tu finis par être accepté dans cette troupe ! Après, au niveau de la relation avec le joueur, le fait de gagner en assurance au fil des semaines te fait progresser dans le métier, en participant davantage aux décisions sur le parcours. De toute façon, quand un joueur de haut niveau te fait confiance, ta confiance en toi augmente forcément. J'ai fait quelques erreurs, bien sûr : je suis parfois sorti de mon rôle à force de trop vouloir aider mon pote, de donner un avis sur la technique. Mais Ben a toujours été top, même quand il dû me recadrer ! (rires)

Qu'avez-vous retiré de l'observation des coachs à laquelle vous avez pu vous livrer durant cette période ?
Il y a deux choses qui m'ont marqué. La première, c'est la gestion des silences que j'ai observé chez Leadbetter. Quand il travaille un point avec un joueur, il se peut que ce dernier soit demandeur de quelque chose qui n'a rien à voir : par exemple, ils sont en train de travailler la position du club au sommet du swing, et le joueur pose une question sur l'action des mains durant le release. Eh bien, Leadbetter ne répond même pas à la question, pour faire comprendre au joueur que ça n'a rien à avoir avec ce qu'ils travaillent à cet instant. Alors que d'autres coachs vont répondre à cette question dans le but de rassurer le joueur, Leadbetter veut que son joueur soit concentré sur le point qu'il travaille à ce moment. L'autre chose, que j'appellerai l'école Pete Cowen, c'est la définition du travail à mener avec le joueur, en partant d'un constat, en visant un objectif, et en définissant le cheminement. Une fois que l'objectif est atteint, on passe à autre chose : il arrive que ses séances durent deux heures comme cinq minutes ! Si c'est validé par le joueur et par le coach, pas besoin de rester là-dessus.

À titre personnel, quels ont été vos entraîneurs ?
En premier lieu, j'ai eu Claude Lecuona à Chiberta, dont je garde un souvenir merveilleux. Quand on allait à l'école de golf, c'était toujours un moment génial : il réussissait à faire de ses séances une fête, sans que ce soit la foire ! On était tout un groupe de potes de la même génération à suivre son enseignement, et il nous faisait passer des messages techniques poussés dans la bonne humeur et l'amusement... Après, j'ai eu Jean Lamaison comme entraîneur d'équipe, quand il a été recruté pour coacher l'équipe 1 de Chiberta. Il nous a amené l'expérience du haut niveau, puisqu'il entraînait Mike Lorenzo Vera à ses débuts.

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Aux côtés de Benjamin Hébert lors de l'open de France 2017 © Alexis Orloff - ffgolf
L'école anglaise privilégie de renforcer les points forts plutôt que de combler les lacunes. Je ne dis pas que c'est la solution, mais c'est un point de vue très intéressant.

Vous êtes aujourd'hui entraîneur de joueurs professionnels, dont le plus connu est sans doute Damien Perrier, qui évolue sur le Challenge Tour. Parlez-nous de cette relation...
On a commencé il y a un an et demi, mais en réalité on aurait dû commencer un an auparavant. Il m'avait sollicité pour l'entraîner quand j'ai arrêté de caddeyer Ben, mais Adrien Saddier m'a alors demandé de prendre son sac, et je ne voulais pas avoir les deux casquettes de caddie et de coach à mi-temps pour ne pas mal faire le travail. On a donc reporté avec Damien pour débuter réellement début 2019. Le constat de départ était le suivant : Damien avait une très bonne catégorie sur le Challenge Tour ; l'objectif était donc de l'amener à décrocher une catégorie sur le Tour européen en 2020. On a réussi partiellement, on va dire, parce qu'il a décroché une tout petit droit de jeu sur l'European Tour en finissant dans le top 45 du Challenge Tour. D'un point de vue technique, on a beaucoup travaillé sur les statistiques de Damien, que l'on a comparées à celles des joueurs qui disposent de la catégorie qu'il vise. À partir de là, on a énormément appuyé sur ses points forts, et travaillé un peu aussi, quand même, sur ses points faibles.

Pourquoi un tel choix ?
C'est l'école anglaise, qui privilégie de renforcer les points forts plutôt que de combler les lacunes. Prenons l'exemple d'un joueur qui est très fort sur le jeu de fers et qui se met en moyenne à 4 m des drapeaux, mais qui ne rentre pas assez de putts. On aurait tendance à penser qu'il faut travailler le putting pour faire plus de birdies, mais les Britanniques raisonnent dans l'autre sens. Ils vont faire travailler le joueur sur ses coups de fer pour qu'il se mette à 3 m au lieu de 4 m, ce qui fait qu'il rentrera forcément plus de putts. Je ne dis pas que c'est la solution, mais c'est un point de vue très intéressant. On a donc appuyé sur les points forts de Damien, son jeu de fers justement qui est excellent, et travaillé ses points faibles, en particulier les coups autour des greens et la distance au driving. Tout cela va dans le bon sens. On ne peut pas vraiment en juger en tournoi cette année, mais quand on regarde les chiffres que nous donne le TrackMan, ça augure de belles choses.

Les chiffres, les statistiques, les données : c'est incontournable pour vous ?
La seule chose dont on ne peut pas débattre, c'est les chiffres ! Ils ne mentent jamais. Et je pense que c'est quelque chose qu'on a trop délaissé par le passé. On a peut-être trop fait l'erreur – quand je dis « on », je parle de l'enseignement français en général, et moi le premier – de vouloir toucher à des choses sur la technique sans que ce soit appuyé sur des données de performance chiffrées. Je pense qu'aujourd'hui, c'est vraiment rentré dans l'ADN des coachs. On a longtemps cru que la technique était la réponse à tout, on entend d'ailleurs encore des débats sur qui a le plus beau swing, mais ce n'est pas ça la vraie question. C'est : qui a le swing qui lui fait exploser les statistiques !

Quelles sont vos ambitions personnelles en tant que coach de joueurs professionnels ?
J'aimerais évoluer vers ce que sont aujourd'hui un Pete Cowen ou un Jamie Gough, à savoir un coach qui passe pas mal de temps sur le Tour, avec quelques joueurs à plein temps et d'autres en « consulting ». Et toujours garder un lien avec le monde amateur par le coaching d'une équipe, si possible en première division. J'entraîne l'équipe de Raray depuis l'an dernier, et on est montés en première division, donc on va jouer la Gounouilhou cette année – si la compétition peut avoir lieu. J'aimerais aussi continuer à garder un lien avec l'enseignement, car j'apprécie beaucoup les semaines que je fais pour la fédération en tant que formateur. Transmettre aux futurs coachs tout ce que j'ai pu apprendre, c'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur.


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